Il suffit de traverser la rue

d'Eric Faye

Roman - 280 pages

Editions Seuil - janvier 2023

Editions poche Points - février 2024

Aurélien Babel travaille à Paris, chez Mondonews, agence de presse mondiale. Ce journaliste observe les changements qui s'opèrent progressivement dans son entreprise, des délocalisations en Roumanie aux nouveaux chefs, du support informatique en Inde jusqu'au plan de départ volontaire. Commence alors une période floue pendant laquelle les journalistes vont se débattre dans le vivier, se démener pour la plupart animés de la volonté de quitter l'entreprise dans les conditions proposées. Seulement une trentaine de personnes seront retenues sur dossier... Aurélien, malgré ses 57 ans et plus de trente ans d'ancienneté chez Mondonews, a la pression et va vivre des semaines d'angoisse et expérimenter les méandres des procédures et organismes de reconversion et formation professionnelles.

Je pensais lire un roman qui parle de reconversion, de démarrage d'une nouvelle vie professionnelle. Au milieu du résumé de la quatrième de couverture on lit "À l’occasion d’un plan de départs volontaires, il prend ses cliques et ses claques en saisissant au vol une opportunité de reconversion professionnelle."  Or, le départ du d'Aurélien, c'est vraiment la toute fin du roman, ou presque. La moitié du récit le suit dans son entreprise avant la mise en œuvre du plan. J'ai trouvé le tout un peu lent.

Extrait :

"A la veille de mon rendez-vous, j'ai consulté leur site internet. "Opportunities : des conseillers éclairent votre avenir". Sur la page d'accueil, il était proposé de «Démarrer son outplacement» ou de développer des «comportements de leadership ». On vous suggérait « d'oser le coaching » et vous parlait d' « exploitation de réseau ». Qu'allais-je faire dans ces bureaux et que trouverais-je à leur dire ? Il le fallait bien pourtant. Les photos qui illustraient "outplacement" et "leadership" prêtaient à sourire : les hommes y portaient cravate bleu marine et chemise blanche, bleu pâle à la rigueur. Quant aux femmes, elles étaient en tailleur, fines et grandes. La jupe était de rigueur. Parité absolue : un homme une femme, un homme une femme ; et sur dix photos, quatre blancs mais aussi quatre noirs et deux asiatiques. Les femmes étaient bien roulées et les hommes baraqués, parfaitement proportionnés. Et tout ce petit monde échangeait des sourires. C'était "cool" et sacrément "fun", chez Opportunities."

Il y a bien sûr l'ironie, le sarcasme, dans ce qui veut être une "Petite saga des années 2010" (je ne sais pas d'où sort ce sous-titre mais il apparaît sur les sites web d'éditeurs et de libraires). Alain est assez âgé, se sait protégé par une certaine indemnité, et assez serein par le peu d'années qui lui resterait à travailler. Alors il peut prendre ce recul pour aimer détester les trahisons des collègues, les messes basses et les petits arrangements, les allures hautaines des conseillers en orientation d'organismes florissants qui capitalisent sur l'errance des chômeurs.

L'avis de Jostein59 - Sur la route de Jostein

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