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Trois Poèmes de Vénus Khoury-Ghata

Par Etcetera
Trois Poèmes Vénus Khoury-Ghata

Qui parle au nom du jasmin est un recueil de Vénus Khoury-Ghata, paru initialement en 1980 aux éditions EFR. Il vient d’être réédité en cette année 2025, en mars, par Bruno Doucey. Ca a été l’occasion pour moi de le découvrir.

J’avais déjà parlé sur ce blog d’un autre recueil de Vénus Khoury-Ghata, « Gens de l’eau » ; Vous pouvez retrouver ma chronique ici.

Note pratique sur le livre 

Éditeur : Bruno Doucey 
Année de publication : réédition de 2025, première publication en 1980
Postface de Caroline Boidé 
Nombre de pages : 121

Note biographique sur la poète

Née au Liban en 1937, Vénus Khoury-Ghata est tout à la fois traductrice de l’arabe, romancière et poète. Son œuvre, reconnue dans le monde entier et couronnée par de nombreux prix littéraires, fait d’elle l’une des très grandes voix de la littérature francophone. La lire, c’est apprendre à voyager entre Orient et Occident, là où débute le fragile sentier des lendemains. En 2017, elle écrit, avec Caroline Boidé, Kaddish pour lenfant à naître, publié aux Éditions Bruno Doucey. En 2019, elle publie Lune nest lune que pour le chat aux Éditions Bruno Doucey. En 2025, les Éditions Bruno Doucey rééditent le recueil Qui parle au nom du jasmin, préalablement paru aux EFR.
(Source : éditeur)

Quatrième de Couverture :

Des étreintes végétales, une coccinelle sur le bras d’un chemin, une forêt accablée par le départ de ses ombres, un réverbère qui poursuit un voleur, cet homme qui ramasse des tessons de lune, sans oublier le dieu prestidigitateur qui a mille tours dans son sac… Qu’il est libre et fantaisiste l’imaginaire poétique de Vénus Khoury-Ghata ! Avec elle, les mots et les métaphores se font la courte échelle pour avoir la tête dans les étoiles. Une façon d’échapper à la guerre et de réenchanter le monde. 
(Source : éditeur)

Mon avis

C’est un recueil plein de fantaisie, qui n’est pas sans rappeler la fourmi de dix-huit mètres de Robert Desnos ou même certaines paroles de chansons de Charles Trenet. La poète donne libre cours à son imagination et dans cet univers poétique les événements les plus insolites et les plus improbables semblent pouvoir se réaliser. Mais s’il y a de la fantaisie et de l’humour, on ressent aussi parfois l’arrière-plan douloureux de la guerre du Liban , qui avait commencé en 1975, comme dans ce texte où les arbres « empoignèrent leurs fusils et tirèrent sur les passants  » ou dans le poème ci-dessous (page 44) où les mots nous éclaboussent de sang. Les mots évoquent assez souvent le corps humain, les insectes, notamment les criquets, les maisons et les arbres que la poète met volontiers en mouvement, le soleil et la lune qu’elle personnifie, l’horizon qui joue souvent un rôle décisif et pas toujours positif…
Il y a aussi une forte présence du vocabulaire religieux, qu’il soit explicite ou plus allusif. Croix, bénitier, croissant, cierge, etc. D’ailleurs, une des parties du recueil s’intitule « Une journée de Dieu » et on sent la grande dérision et l’incrédulité de la poète vis-à-vis du christianisme, de ses miracles, de ses révélations, qu’elle utilise comme autant de jeux facétieux, de motifs à détourner.
Un recueil très agréable, plaisant, pétillant, dont les poèmes courts et vifs se lisent aisément !

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Page 44

Personne ne voulait le croire
au contact du froid
ses mots devenaient cailloux

il les lançait contre les yeux
qui se fêlaient comme des vitraux
puis se vidaient de leur regard

jetés contre un cœur
ces mêmes mots lui revenaient
mais éclaboussés de sang

il prit ses mots entre ses paumes
souffla sur la chair de leurs lettres
et lorsqu’il ouvrit les mains pour parler
il n’en sortit qu’une buée


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Page 53

Ne dites pas au chemin qu’il serpente
il s’enroulera autour des chevilles des passants

Ne dites pas au cyprès qu’il est cierge obscur
il se mettra en marche vers un couvent

par contre
dites aux phares qui dorment debout
que l’océan se fait vieux
que les navires sont aveugles de l’autre côté de l’eau


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Page 67

À cause des pieds fourchus des maisons
à cause des épaules basses des arbres
à cause des rues
qui portent leurs nœuds dans leurs flancs
à cause de tout
de rien
d’un oiseau qui s’est pendu à la corde de l’horizon
ma ville boite en marchant

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