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Bernhard Schlink – Le liseur

Par Yvantilleuil

Les bienfaits de la lecture à voix haute !

Bernhard Schlink liseurAyant beaucoup aimé « La Petite-Fille » de Bernhard Schlink, je me suis jeté sur ce roman publié en 1995 (« Der Vorleser » en allemand), traduit dans plus de trente langues et adapté au cinéma.

Le récit invite à suivre les pas de Michaël Berg, un adolescent de quinze ans qui rencontre par hasard Hanna Schmitz, une femme de trente-cinq ans, mystérieuse et solitaire. Une relation passionnée s’installe entre eux, rythmée par un rituel singulier : Michaël lit à haute voix des classiques de la littérature avant leurs ébats. Un jour, Hanna disparaît sans explication. Des années plus tard, Michaël, devenu étudiant en droit, la retrouve dans un contexte judiciaire qui bouleversera sa perception d’elle et de leur passé commun. Ce qu’il découvre alors le confronte à des dilemmes moraux profonds, entre compréhension et condamnation.

En déployant son roman en trois actes (la liaison amoureuse, le procès et la période de l’incarcération), Bernhard Schlink mêle progressivement les tourments de cet amour adolescent à la mémoire douloureuse du passé nazi. Cette construction tripartite offre une progression dramatique maîtrisée, où chaque partie éclaire la précédente avec une intensité croissante.

Tout en s’appuyant sur un style d’écriture d’une sobriété parfaitement maîtrisée, permettant d’éviter tout pathos, Bernhard Schlink parvient à aborder des thèmes puissants, tels que la culpabilité individuelle et collective (incarnée par ce jeune homme qui hérite des fautes de ses aînés sans les avoir commises), la honte (personnifié par cette femme qui préfère se condamner plutôt que de révéler son secret), l’amour et l’initiation (en relatant cette relation passionnée qui marque à jamais le jeune Michaël), mais également la justice et le pardon (en abordant la responsabilité morale dans un système totalitaire lors du procès). Des sujets qui sont traités avec une retenue remarquable, sans jamais tomber dans le manichéisme et en invitant le lecteur à réfléchir sur ce qu’il aurait fait à leur place.

Si l’évolution et la quête du narrateur Michaël Berg constitue le fil conducteur du roman, c’est bel et bien l’énigmatique Hanna Schmitz qui accapare toute l’attention du lecteur. Cette femme au passé nébuleux, à la fois victime et bourreau, insuffle une part mystérieuse au récit, qui accroche dès les premières pages. Leur relation, marquée par le silence et les non-dits, est d’une intensité troublante. Hanna, malgré ses actes, suscite une empathie dérangeante, tandis que Michaël, incapable de l’oublier, devient le témoin d’une mémoire impossible à effacer.

Enfin, à l’image de ce personnage principal qui transforme la lecture à voix haute en acte d’amour, « Le Liseur » rend également un hommage discret mais particulièrement puissant aux livres audio et à cette forme de transmission orale qui permet un accès beaucoup plus large à la littérature.

Bref, un auteur qui a l’intelligence de ne pas chercher à absoudre ni à condamner, mais qui invite à comprendre en livrant une œuvre à la fois intime et collective, qui incite le lecteur à réfléchir sur la mémoire, la justice et l’amour… celui qui pardonne beaucoup, mais n’excuse pas tout !

Le liseur, Bernhard Schlink, Folio, 256 p., 9€

Elles/ils en parlent également : Cath, Eve-Yeshe


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