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Episode 3 : A Hard Day’s Night

Publié le 29 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

L’album A Hard Day’s Night a marqué un tournant dans la production musicale des Beatles, étant leur premier enregistré en multipiste, révolutionnant ainsi le processus créatif en studio. Son design iconique a inspiré de nombreuses pochettes d’albums. Par ailleurs, la représentation des Beatles à cette époque reste fortement contrôlée par l’industrie musicale, alignée avec une logique consumériste.


Le design de A Hard Day’s Night a continué d’attirer des imitations et des parodies dans les décennies suivant son apparition :The Academy in Peril(1972) de John Cale,Some Girls(1978) des Rolling Stones,Different Light(1985) des Bangles, etFuzzy Logic(1996) de Super Furry Animals sont tous des albums dont l’origine provient directement de la pochette deA Hard Day’s Night.

A Hard Day’s Night est le premier album des Beatles entièrement enregistré en technologie multipiste, une méthode qui permet l’enregistrement et le réenregistrement de plusieurs sources sonores, simultanément ou successivement. Grâce à ce procédé, les musiciens et le(s) chanteur(s) peuvent être enregistrés séparément sur des pistes différentes, qui sont ensuite assemblées pour créer la version finale de la chanson. L’introduction de cette nouvelle technologie dans les studios d’EMI allait avoir un impact considérable dans les années à venir sur la dimension créative des enregistrements des Beatles. Les possibilités de production se multiplieront du jour au lendemain, et changeront la manière de créer des disques, transformant le studio d’enregistrement en “véritable atelier”. La même année, John Lennon publie son premier livre,In His Own Write(1964), un recueil de poésies nonsensiques inspirées par l’auteur d’Alice au Pays des MerveillesLewis Carroll, accompagnées de ses dessins au trait surréalistes et humoristiques . Le livre se vend par centaines de milliers de deux cotés de l’Atlantique. On accorde dès lors le titre de “Beatle intello” au guitariste. Ceci sera un présage du développement d’une exploration visuelle de plus en plus importante dans les futurs albums des Beatles.

Malgré les innovations visuelles apportées aux pochettes de With The Beatles et A Hard Day’s Night, les images adhérent strictement aux conventions de la “pochette de la personnalité” et de l’industrie culturelle. Les photographies, qui ont un caractère direct, ainsi que la typographie simple et informative, donnent aux pochettes une dimension commerciale et montrent des images encore fortement contrôlées par une industrie consumériste. Au début de la décennie, le groupe, ses chansons et ses pochettes, reflètent leur époque, caractérisée par un engouement consumériste et une expansion des médias de masse, ainsi qu’une instantanéité et un enthousiasme véhiculés par une musique aux paroles insouciantes. Les Beatles sont traités comme un produit de consommation qu’il s’agit de vendre à travers la construction d’une image adaptée aux attentes de la société, image qui devient elle même consommée, surtout avec l’expansion de la Beatlemania. Selon Roland Barthes, ce phénomène est caractéristique des sociétés modernes, qui “consomment aujourd’hui des images, et non plus comme autrefois, des croyances”.

Les pochettes de cette première période sont caractéristiques de la notion de “texte lisible” de Roland Barthes. Le chercheur spécialisé dans l’étude des médias John Fiske analyse les idées de Barthes quand à l’interprétation des textes, et étudie les différences essentielles entre le “texte lisible, qui invite un lecteur essentiellement passif, réceptif, discipliné, qui a tendance à accepter le sens de ce texte comme pré-établi” et le “texte scriptible, qui défie le lecteur continuellement pour le réécrire, pour en extraire le sens”. Le texte lisible peut être caractérisé comme un “texte clos”, ou le sens est intrinsèque, facilement accessible, et qui laisse peu (ou pas) de place au débat. Par contraste, le texte scriptible est un texte ouvert, plus complexe, qui demande l’implication du lecteur dans la négociation de ses sens.

La croyance qu’un texte possède un seul sens absolu est difficile à soutenir, puisque une telle affirmation supposerait que le texte contient un message délibéré, qui est décodé par le lecteur de la manière qu’il était encodé par le producteur, et qui est accepté naïvement. Mais la tentative desuggérersinon despécifierle sens est nécessaire pour la pratique de la publicité informative, dont le but est d’éliminer la confusion et donner des informations exactes. Au sein du monde très compétitif de la musique populaire des années soixante, dans lequel le succès est mesuré selon la vente de disques, il y a donc un impératif commercial de réduire le champ d’incertitude du consommateur potentiel au point de la transaction, en accentuant le plus clairement possible la nature du produit en vente. En conséquence, pour la vente d’un album, les manières les plus évidentes d’accomplir cela est de présenter ouvertement le nom des interprètes, leur portrait (le plus simplement, sous forme photographique), et le titre du disque. C’est la stratégie adoptée dans la conception des pochettes des Beatles durant cette première étape de leur carrière.


A propos de l’auteur de cet article :Cet article est issu du mémoire de Master 1 d’Histoire de l’Art, rédigé par Nour Tohmé. Il est reproduit ici avec son aimable autorisation. Nour Tohme, illustratrice libanaise, dessine avec humour et talent, toute une série de compositions liées à la musique et à la Pop Culture. Nous ne pouvons que vous recommander de découvrir son oeuvre sur son site officiel.


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