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Don’t Bother Me : Les Premiers Pas de George Harrison en Tant qu’Auteur-Compositeur

Publié le 03 octobre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Lorsque With The Beatles est sorti le 22 novembre 1963 au Royaume-Uni et le 20 janvier 1964 aux États-Unis, il confirmait la fulgurante ascension du groupe de Liverpool. Pourtant, au sein de cet album charnière, une chanson détonnait par son ton sombre et introspectif : Don’t Bother Me. Ce titre, écrit et interprété par George Harrison, marque une première dans l’histoire du groupe, puisqu’il s’agit de la toute première composition du guitariste au sein du répertoire officiel des Beatles. Si elle n’a jamais été considérée comme une pièce maîtresse du catalogue du groupe, Don’t Bother Me témoigne pourtant d’une étape cruciale dans l’évolution de Harrison, qui, après cet essai, deviendra l’un des plus grands songwriters du XXᵉ siècle.

Sommaire

Un Exercice de Style Écrit dans la Solitude d’un Hôtel

L’année 1963 est celle de l’explosion des Beatles en Grande-Bretagne. Entre concerts incessants et apparitions médiatiques, les quatre garçons de Liverpool vivent un rythme effréné. C’est dans ce contexte que George Harrison, alors âgé de 20 ans, compose Don’t Bother Me. Loin d’être un exercice prémédité, la chanson est née d’une période d’isolement du jeune musicien. Malade, reclus dans sa chambre d’hôtel à Bournemouth pendant une série de concerts d’été, il profite de ce moment de répit pour se mettre à l’écriture.

« Don’t Bother Me, je l’ai écrite dans un hôtel à Bournemouth, où nous jouions durant l’été 1963, juste pour voir si j’étais capable d’écrire une chanson. J’étais cloué au lit. »
— George Harrison, Anthology

Le ton du morceau reflète cette situation : un Harrison replié sur lui-même, cherchant à se couper du tumulte extérieur. Ce n’est pas un hymne à l’amour comme le reste du répertoire du groupe à cette époque, mais plutôt une déclaration de lassitude, voire d’irritation. Don’t Bother Me (Ne me dérangez pas) traduit un sentiment d’indifférence, comme si Harrison voulait s’effacer du monde qui l’entoure.

Un Accueil Mitigé, Même au Sein du Groupe

Si Don’t Bother Me est un jalon historique pour George Harrison, ce dernier n’en a jamais fait un chef-d’œuvre. Dans les années qui suivirent, il en parlera avec une certaine condescendance, la qualifiant d’exercice sans grande prétention.

« Je ne pense pas que ce soit une très bonne chanson ; ce n’est peut-être même pas une chanson du tout. Mais au moins, elle m’a prouvé que tout ce que j’avais à faire, c’était de continuer à écrire, et qu’un jour, peut-être, j’écrirais quelque chose de bon. »
— George Harrison, Anthology

John Lennon et Paul McCartney, les architectes principaux du son Beatles, ne voyaient pas encore en Harrison un songwriter à part entière. À cette époque, le duo Lennon/McCartney dominait l’écriture des chansons du groupe, et l’idée que George puisse contribuer avec ses propres compositions n’était pas une priorité.

Paul McCartney se souvient que lui et Lennon avaient discuté de la place que George pourrait prendre en tant qu’auteur-compositeur, mais ils décidèrent finalement de garder les choses simples, en continuant à écrire à deux.

« Nous avons toujours voulu donner au moins une chanson à George, car il avait beaucoup de fans. Puis, George a commencé à se poser des questions : “Pourquoi devriez-vous écrire mes chansons ?” et il s’est mis à écrire les siennes. »
— Paul McCartney, Anthology

Malgré cet accueil réservé, Don’t Bother Me allait marquer un tournant pour Harrison. Il ne le savait pas encore, mais cette première tentative le mènerait à des sommets, jusqu’à l’écriture de classiques intemporels comme Something ou Here Comes The Sun.

Un Morceau Atypique aux Accents Latins

Musicalement, Don’t Bother Me diffère de la pop énergique et sucrée qui caractérise With The Beatles. Il s’agit d’un titre sombre, avec une rythmique marquée et des sonorités qui évoquent une influence latine inhabituelle pour le groupe.

Enregistrée en deux sessions, les 11 et 12 septembre 1963, la chanson fait la part belle aux percussions, avec Ringo Starr jouant du bongo arabe et Paul McCartney tapant sur un woodblock, tandis que John Lennon ajoute du tambourin pour enrichir le groove. Harrison assure bien sûr le chant principal et la guitare solo, dans un style nerveux et légèrement mélancolique.

L’instrumentation et l’atmosphère générale de Don’t Bother Me tranchent avec les autres morceaux de l’album, majoritairement optimistes et dynamiques. Ce ton plus grave deviendra une caractéristique récurrente dans les compositions futures de George Harrison, notamment avec des titres comme Think For Yourself ou Only A Northern Song.

Une Apparition dans « A Hard Day’s Night »

Si Don’t Bother Me ne fut pas un tube, elle eut tout de même droit à une exposition notable en apparaissant dans le film A Hard Day’s Night, sorti en 1964. On y entend la chanson dans une scène de nightclub, ce qui correspond parfaitement à son ambiance feutrée et légèrement mystérieuse.

Cette inclusion témoigne du fait que, malgré son côté mineur, Don’t Bother Me avait sa place dans l’univers Beatles de l’époque. Elle représentait aussi la première pierre de ce qui allait devenir la carrière prolifique de George Harrison en tant qu’auteur-compositeur.

L’Héritage d’un Premier Essai

Bien que Harrison n’ait jamais été tendre avec sa propre chanson, il est indéniable que Don’t Bother Me a marqué un moment crucial dans sa trajectoire artistique. Ce fut la preuve qu’il pouvait écrire ses propres morceaux, et même si son style n’était pas encore complètement défini, il allait continuer à évoluer pour finalement rivaliser avec les plus belles compositions de Lennon et McCartney.

À partir de l’album Rubber Soul (1965), Harrison prendra une part plus active dans la création musicale du groupe, développant son propre langage, souvent teinté de spiritualité et d’influences orientales. Si l’on remonte le fil de cette évolution, on en revient inévitablement à cette modeste chanson écrite dans un hôtel de Bournemouth.

Au final, Don’t Bother Me est bien plus qu’une simple chanson de remplissage sur un album des Beatles. Elle est le point de départ d’un des songwriters les plus influents de son époque.


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