Enregistré lors des sessions de l’album Rock ‘N’ Roll en 1973, Angel Baby est une pièce unique dans l’héritage musical de John Lennon. Pourtant, cette reprise du classique doo-wop de Rosie & The Originals ne verra le jour officiellement qu’en 1986, dans l’album posthume Menlove Ave. Retour sur une chanson qui témoigne de l’amour inconditionnel de Lennon pour le rock ‘n’ roll.
Sommaire
- Une chanson d’adolescence revisitée par une légende
- L’enregistrement avec Phil Spector : un mur de son pour un hymne nostalgique
- Une disparition mystérieuse et un retour posthume
- L’héritage d’une ballade intemporelle
Une chanson d’adolescence revisitée par une légende
Angel Baby est une composition de Rosie Hamlin, qui à seulement 15 ans, enregistra la version originale avec son groupe Rosie & The Originals en 1960. Capturé sur un magnétophone à deux pistes dans un hangar d’avion, ce morceau au charme brut et innocent trouva rapidement son public aux États-Unis, grimpant jusqu’à la cinquième place du Billboard Hot 100 en décembre de la même année.
Malgré son échec commercial au Royaume-Uni, Angel Baby marqua durablement Lennon. Ce dernier, qui vouait une admiration sans bornes à la musique des années 1950 et 1960, la sélectionna pour son projet Rock ‘N’ Roll au début des années 1970. Il en fit une déclaration d’amour passionnée à ce genre musical qui avait bercé son adolescence.
L’enregistrement avec Phil Spector : un mur de son pour un hymne nostalgique
Les sessions de Rock ‘N’ Roll, produites par Phil Spector, furent chaotiques et marquées par des excès en studio. Cependant, Angel Baby bénéficia de l’empreinte caractéristique du producteur, avec son célèbre « mur de son » et une orchestration riche. Des guitares vibrantes, une section de cuivres imposante et la voix empreinte de passion de Lennon confèrent à cette version une intensité dramatique qui diffère radicalement de la douceur originelle de Rosie Hamlin.
L’introduction parlée de Lennon révèle toute son affection pour la chanson et son interprète :
« This here is one of my all-time favourite songs. Send my love to Rosie, wherever she may be. »
Cette déclaration traduit l’importance de ce morceau pour Lennon, qui semblait y voir bien plus qu’une simple reprise : une manière de rendre hommage à ses racines musicales.
Une disparition mystérieuse et un retour posthume
Malgré son enregistrement en 1973, Angel Baby ne figure pas sur l’album Rock ‘N’ Roll sorti en 1975. Les raisons exactes de son omission demeurent floues, mais il est probable qu’elle ait été écartée tardivement. Cependant, elle trouva une place sur l’album pirate Roots: John Lennon Sings The Great Rock & Roll Hits, une compilation non autorisée publiée par Morris Levy en janvier 1975.
Ce projet était né d’un compromis juridique : Lennon avait accepté d’enregistrer plusieurs titres du catalogue de Levy pour éviter un procès pour plagiat sur Come Together, accusé de trop ressembler à You Can’t Catch Me de Chuck Berry. Cependant, Roots fut rapidement retiré des ventes après seulement trois jours de commercialisation, suite à l’intervention d’EMI et de Capitol Records.
Il faudra attendre 1986 pour que Angel Baby retrouve officiellement le chemin du public sur Menlove Ave, un album compilant des morceaux inédits et des démos de Lennon. Curieusement, la version proposée sur cet album fut éditée pour être allongée d’une trentaine de secondes, en répétant une section entre 0’52 et 1’26.
En 1990, Angel Baby sera à nouveau incluse dans la compilation Lennon, bien que cette version soit légèrement abrégée par rapport à Menlove Ave.
L’héritage d’une ballade intemporelle
Bien qu’elle soit restée dans l’ombre de titres plus emblématiques de John Lennon, Angel Baby illustre à merveille la passion du musicien pour les classiques du rock ‘n’ roll. Son interprétation poignante, appuyée par la production grandiose de Phil Spector, transforme une ballade adolescente en une ode vibrante à l’énergie brute du rock des années 1950 et 1960.
En redonnant vie à ce titre, Lennon ne se contente pas de réaliser une simple reprise. Il inscrit Angel Baby dans une démarche plus large : celle de revisiter les racines du rock, de célébrer son passé tout en le prolongeant. Cette déclaration d’amour musicale, bien que tardivement révélée au public, constitue une pièce essentielle du puzzle artistique laissé par l’ancien Beatle.
