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Hey Bulldog : L’ultime moment de cohésion des Beatles en studio

Publié le 01 octobre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Lorsque l’on évoque les morceaux les plus emblématiques des Beatles, « Hey Bulldog » ne figure pas toujours en tête de liste. Pourtant, ce titre, enregistré en février 1968 et figurant sur la bande-son de Yellow Submarine, constitue l’un des derniers véritables efforts collectifs du groupe avant que les tensions ne fragmentent irrémédiablement leur unité artistique. Énergique, brut et empreint d’un esprit de camaraderie palpable, Hey Bulldog demeure un témoignage vibrant de l’alchimie qui unissait encore les Fab Four.

Sommaire

Une genèse spontanée en pleine effervescence créative

L’histoire de Hey Bulldog commence dans un contexte particulier. Nous sommes en février 1968, et les Beatles s’apprêtent à partir pour leur célèbre retraite spirituelle en Inde sous la houlette du Maharishi Mahesh Yogi. Avant leur départ, ils entrent brièvement en studio pour enregistrer une nouvelle chanson. Le morceau initialement intitulé Hey Bullfrog prend forme sous l’impulsion de John Lennon, qui en a griffonné quelques bribes de paroles et un riff accrocheur. Mais l’improvisation s’en mêle : alors que Paul McCartney émet un aboiement en plaisantant, l’ambiance légère pousse le groupe à transformer le titre en Hey Bulldog.

Le morceau est conçu dans un esprit de spontanéité totale, une rareté pour les Beatles qui, à ce stade de leur carrière, s’éloignent progressivement des sessions d’enregistrement collectives. Pourtant, ce jour-là, le groupe retrouve une dynamique quasi-fraternelle, où l’humour et l’interaction sont omniprésents.

Une session filmée, un instant de complicité figé dans le temps

L’une des particularités majeures de Hey Bulldog réside dans le fait qu’il s’agit d’un des seuls enregistrements des Beatles capturé en images. À l’origine, un film promotionnel devait être tourné pour Lady Madonna. Une équipe de tournage est donc présente en studio, et ce qui aurait pu être une simple captation devient un précieux document d’archives. George Harrison se souviendra plus tard que Neil Aspinall, directeur d’Apple Corps, réalisa que les images montraient en réalité l’enregistrement de Hey Bulldog. Il entreprit alors de reconstituer l’ensemble pour en faire un véritable clip, offrant ainsi une plongée fascinante dans l’intimité créative du groupe.

Ce moment rare met en lumière une interaction vivace entre John Lennon et Paul McCartney, qui se répondent en ad-libbing dans un dialogue joyeusement délirant en fin de chanson. Une scène qui, rétrospectivement, apparaît comme l’un des derniers éclats de complicité entre les deux amis de Liverpool.

Une signature musicale brute et un hommage au rhythm and blues

Sur le plan musical, Hey Bulldog s’inscrit dans la continuité des influences rhythm and blues chères aux Beatles. Son riff principal, nerveux et percussif, rappelle certains classiques comme Money (That’s What I Want), tandis que la ligne de basse bondissante de McCartney renforce cette dynamique groovy. George Harrison, lui, injecte un solo mordant et incisif, tandis que Ringo Starr soutient l’ensemble avec un jeu de batterie énergique et précis.

L’enregistrement s’effectue dans un esprit live : Lennon, au chant principal et au piano, conduit le morceau avec une ardeur communicative. Paul McCartney double les voix et ponctue le tout avec des interventions ludiques, créant une effervescence vocale qui tranche avec la sophistication des morceaux plus récents du groupe. Loin des expérimentations psychédéliques de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, Hey Bulldog marque un retour à une approche plus directe et organique.

Un morceau longtemps sous-estimé

À sa sortie, Hey Bulldog ne bénéficie pas d’une attention particulière. En effet, la bande-son de Yellow Submarine, bien que contenant quelques morceaux inédits, n’est pas considérée comme un album phare des Beatles. De plus, le film d’animation qui l’accompagne, s’il est bien reçu en Europe, est accueilli avec plus de réserve aux États-Unis, où la scène de Hey Bulldog est même coupée dans certaines versions.

John Lennon lui-même minimisera l’importance du morceau, déclarant dans une interview accordée à David Sheff pour All We Are Saying : « C’est un disque qui sonne bien mais qui ne signifie rien. » Pourtant, avec le recul, Hey Bulldog est redécouvert et réhabilité par de nombreux critiques et fans comme l’un des titres les plus puissants et sous-estimés du répertoire des Beatles.

L’héritage et la redécouverte de Hey Bulldog

La véritable renaissance du morceau intervient en 1999, lors de la réédition mondiale de Yellow Submarine. À cette occasion, Apple Corps décide de restaurer la séquence animée originale et de remettre en avant ce titre longtemps resté dans l’ombre. Dans le même temps, le clip vidéo issu des sessions d’enregistrement est officiellement diffusé, permettant aux fans de redécouvrir l’énergie brute et la cohésion du groupe dans cette performance.

Depuis, Hey Bulldog est régulièrement cité parmi les morceaux préférés des amateurs des Beatles, séduisant par son groove imparable et son esprit déluré. Il incarne une facette plus instinctive du groupe, loin des orchestrations complexes et des tensions qui marqueront leur dernière année d’existence. De nombreux artistes ont repris le titre, soulignant son impact durable et sa modernité intemporelle.

Ainsi, Hey Bulldog s’impose aujourd’hui comme un témoignage précieux de la dernière grande synergie des Beatles en studio. Plus qu’une simple curiosité, il s’agit d’un concentré de ce qui faisait la magie du groupe : une alchimie unique, une énergie communicative et une capacité à transformer une simple jam session en un morceau inoubliable.


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