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Sur les rives de l’Hudson

Publié le 07 octobre 2025 par Adtraviata
rives l’Hudson

Quatrième de couverture :

« C’était une musique nouvelle, qui lui était jusqu’alors entièrement inconnue, mais qui faisait aussitôt vibrer les fibres profondes de son âme. C’était quelque chose qui lui était destiné – quelque chose qui lui appartenait intimement. Avait-il jamais connu la poésie ? » Jeune homme sensible, Vance Weston a 19 ans et de grandes aspirations. En pleine rébellion, il tombe malade et veut mourir ou aller à New York… Ce sera New York, la grande ville et son effervescence littéraire ! Là, sur les rives de l’Hudson, il rencontre Halo Spear, son aînée de quelques années, sûre d’elle, cultivée. Leur communion d’esprit est immense, l’horizon s’ouvre pour lui : Vance voudrait être poète, elle l’y aidera peut-être… Intégrité, désillusions, sentiments étouffés… Edith Wharton décrit avec talent les débuts de la société moderne. Un roman cruel et subtil sur l’apprentissage de l’amour et de la création.

Voici mon classique de septembre et mon exemplaire a pour couverture le détail d’un tableau d’Edward Hopper, qui, je trouve, correspond plus à l’esprit du roman d’Edith Wharton.

Dans l’Illinois, dans la petite ville d’Euphoria, Vance Weston a grandi dans une famille toute tournée vers la modernité, la quête du profit et du confort, avec un père agent immobilier prospère et une grand-mère branchée sur la spiritualité. Le jeune homme, qui écrit déjà de la poésie, découvre par hasard la littérature classique et le poids du passé, de la tradition artistique, grâce à la bibliothèque d’une vieille dame décédée, où il rencontre Halo Spear, jeune fille cultivée, d’une famille ouverte, qui lui paraît bien plus âgée que lui et l’initie à la poésie, à des expériences de communion avec la nature et d’inspiration pour le talent en devenir de Vance. C’est le début d’une amitié et d’une proximité intellectuelle où Halo, mariée à un homme riche qui se lance dans l’édition, ne cessera d’encourager Vance, souvent impulsif, qui se marie presque sur un coup de tête à une jeune femme timide qui ne comprend rien à son travail d’écrivain. Vance va tirer le diable par la queue pendant de longues années, soumis au contrat proposé par le mari de Halo, tiraillé son sentiment de culpabilité envers Laura Lou, sa jeune femme fragile et l’appel de la création romanesque. Edith Wharton explore le monde de la création, tantôt phagocyté par des admirateurs ou des critiques envahissants, tantôt soutenu par de vrais connaisseurs comme Halo ou George Frenside.

C’est un bon gros roman, de 542 pages en poche, dans lequel on prend le temps d’entrer et de découvrir la personnalité de Vance, jeune homme sensible qui n’a pas toujours les codes pour entrer dans la société new-yorkaise et ne se sent pas toujours légitime en tant qu’auteur, et celle, solaire, calme, intelligente, de Halo Tarrant (son nom de femme mariée). La relation entre les deux évolue bien sûr, dans un sens que le lecteur perçoit bien plus vite qu’eux-mêmes. Les personnages secondaires, bien différents de ces deux personnalités hors-normes, « adjuvants » ou « opposants » dirait-on dans une analyse par le schéma actantiel, sont intéressants, bien travaillés tout autant que les pages sur la réflexion par rapport à l’oeuvre que l’on veut créer, sur les joies, les affres et les exigences de cette création littéraire, sur fond de différences de classes sociales indépassables à l’époque du roman.

Je n’ai pas tout dit de toutes les péripéties du roman, parfois un peu longuettes, à découvrir si le sujet vous intéresse !

« La simple conscience de la présence de tous ces livres autour de lui, témoins silencieux d’un passé inexploré et insoupçonné, l’agitait au-delà de ce qu’il pouvait supporter. Leur influence le submergeait; il se sentait tiré en tous sens comme au centre d’un cercle magnétique. »

« Peut-être ne l’avait-elle pas suffisamment encouragé, l’autre soir, c’est-à-dire encouragé dans son travail ? Il était bon de se rappeler que les auteurs, même les moins infatués et les plus intelligents d’entre eux, étaient pointilleux, nerveux, irritables ; la moindre petite critique défavorable les écorchait vifs. À cet égard (songea-t-elle en souriant), Lewis méritait certainement de rejoindre leur confrérie. Mais la sensibilité du pauvre Vance était d’une autre sorte, c’était la conséquence de l’inexpérience et de l’humilité. Sous cette sensibilité, elle flairait une nette conscience de ses capacités ; les doutes ne concernaient que son aptitude à leur donner une pleine expression. »

« Il avait deux heures devant lui avant le départ de son train, et il se mit à errer dans les rues, comme il le faisait durant ses premières tristes journées à New York. À l’époque, il était inconnu et affamé ; désormais, il avait un nom, des amis, un travail, un toit, et une femme qui l’adorait ; pourtant il éprouvait une solitude plus profonde que jamais. Était-ce sa faute, ou la faute inhérente à cet épouvantable système qui consistait à forcer les talents, à les presser jusqu’à la dernière goutte avant même qu’ils fussent mûrs ? »

Edith WHARTON, Sur les rives de l’Hudson, traduit de l’anglas par Jean Pavans, J’ai lu, 2009 (Flammarion, 1996)

Le roman est paru la première fois en 1929.


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