de Karine Silla
Roman - 310 pages
Editions de l'Observatoire - août 2025
Jeanne est une brillante étudiante issue d’une famille bourgeoise qui, un beau jour, vit une histoire d’amour passionnée avec Tristan, jeune homme cabossé d’un autre milieu social qui échafaude des plans de vols et de violence. Le jour du drame, il y a eu de nombreux tirs. Alors que Tristan, accompagné de Jeanne, avait entrepris de dérober une bague dans la chambre d’hôtel d’une star internationale. Tristan est mort ce jour-là. Jeanne, elle, sera jugée pour complicité de crime. Elle a 20 ans. Elle va prendre 20 ans. La narratrice, elle, se reconnaît un peu en Jeanne et vit ce fait divers comme un élément déclencheur qui ravive ses souvenirs : souvenirs de sa vie lorsqu’elle était éperdument amoureuse de Romain, héroïnomane.
L’autrice Karine Silla a écrit ici un roman qui mêle à la fois de réels faits divers et crimes qui ont bousculé la France (les cinq morts de l’affaire Rey-Maupin de Paris, en 1994 et l’affaire du vol des bijoux de Kim Kardashian en 2016), son expérience d'intervenante dans les prisons françaises, mais également un roman qui ouvre à la réflexion sur la condition des femmes en prison et la situation de leur discrimination face à la justice alors qu’elles sont bien souvent sous l’emprise d’hommes violents.
Extrait :
"La nuit où Jeanne avait serré l'arme dans sa main, elle avait perdu sa place dans le sillon des protégés de Dieu. Elle ne se souvenait pas d'avoir pressé la gâchette, ni senti son corps reculer, mais elle se souvenait de l'impact des balles, des hurlements, de l'odeur du sang. Elle avait vu les doigts arrachés de Tristan, les balles lui traversant la poitrine. Une femme avait crié, mais son cri s'était interrompu brutalement. Jeanne avait engendré l'atrocité sans avoir le courage de se mettre une balle dans la tête. Elle avait choisi de jeter son arme près du corps ensanglanté de son premier amour et de fuir pour échapper au malheur.
Elle avait couru sous le métro aérien, pendant un temps qui lui avait semblé infini, avant de se réfugier dans une tente désertée par un sans-abri. Après avoir vomi tout ce qu'elle avait dans l'estomac, son corps avait été secoué de spasmes violents. L'odeur rance de la bile mélangée au sang de Tristan avait provoqué une crise de larmes incontrôlable. Peut-être n'était-il pas mort. Peut-être l'avait-elle abandonné, agonisant, sans lui porter secours. Il avait peut-être gardé les yeux ouverts et l'avait vue fuir. Jamais elle ne se pardonnerait d'avoir abandonné Tristan, lui qui l'avait aimée et lui avait sauvé la vie."
Les chapitres se succèdent et alternent entre les récits à la première personne de Jeanne, à ses 19 ans, avec sa passion aveugle pour Tristan, son premier vrai amour, puis les chapitres où Jeanne parle de son procès, de la découverte de la prison de Fleury-Mérogis, dans une bulle flottante toujours toute entière consacrée aux souvenirs de Tristan, à protéger celui qu’elle a aimé, celui qui l’a précipitée dans l’horreur. Puis les chapitres où l’écrivaine cherche à connaître davantage Jeanne, où elle obtient des rendez-vous au parloir pour comprendre ce qui anime cette jeune femme énigmatique, insolemment belle, dans l’éternel déni.
Extrait :
"Les bons élèves, à force de trop vouloir bien faire, étaient parfois les cancres de la société."
Un roman qui remue et également un plaidoyer pour une certaine justice et équité. Une histoire de jeunesse éprise de liberté sans calculs, mais des histoires de manipulations aggravées.
L'avis d'Olivia-A - The Unamed Bookshelf


