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Le vol plané des Beatles : plongée dans l’instrumental mystique de Flying

Publié le 12 octobre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Lorsque l’on évoque les compositions des Beatles, ce sont souvent des morceaux comme Hey Jude, Strawberry Fields Forever ou encore Let It Be qui viennent à l’esprit. Pourtant, au sein de leur discographie, se cache un joyau méconnu : Flying. Cet instrumental, inclus dans l’album Magical Mystery Tour, est une pièce unique dans leur répertoire, marquant à la fois une expérimentation sonore audacieuse et un moment de collaboration totale entre les quatre membres du groupe.

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Une composition collective inédite

Enregistré le 8 et le 28 septembre 1967 sous la houlette de George Martin, Flying se distingue d’abord par sa signature historique : c’est la première fois qu’un morceau des Beatles est officiellement crédité aux quatre membres du groupe, John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr. Initialement intitulé Aerial Tour Instrumental, ce titre a été conçu comme une simple ambiance musicale destinée au film Magical Mystery Tour.

Le projet de Flying est simple : un instrumental épuré, reposant sur une structure de blues en douze mesures. Paul McCartney en résume la genèse dans la biographie Many Years From Now de Barry Miles : « Nous avions besoin d’un instrumental pour Magical Mystery Tour, alors j’ai proposé aux gars de créer quelque chose sur place. J’ai dit : ‘On peut garder ça très simple, faire un blues en douze mesures, trouver un petit thème et un accompagnement’. J’ai écrit la mélodie, et le reste s’est construit autour d’elle.»

Ce processus collaboratif révèle un aspect fondamental de l’évolution des Beatles : leur penchant pour l’expérimentation musicale, mais aussi leur volonté de créer des morceaux qui ne répondent pas aux standards traditionnels de la pop.

Une alchimie sonore unique

L’enregistrement de Flying commence donc le 8 septembre 1967 aux studios d’Abbey Road. Les Beatles y réalisent six prises, introduisant progressivement les éléments qui donneront toute sa texture à la composition. La base repose sur un arrangement minimaliste : batterie, orgue et guitare, auxquels viennent s’ajouter des nappes de Mellotron joué par John Lennon et une ligne de basse de Paul McCartney.

Mais c’est dans ses couches de post-production que Flying prend son envol. L’enregistrement final inclut trois orgues joués à l’envers, des effets de bande, ainsi que des chœurs hypnotiques réalisés par les quatre membres. Ringo Starr enrichit la composition en ajoutant divers instruments de percussion et, dans un esprit typiquement psychédélique, Lennon et Starr assemblent une série de boucles sonores et d’enregistrements inversés.

Une version initiale du morceau atteignait près de dix minutes, avec une coda instrumentale agrémentée d’un solo de saxophone issu d’un enregistrement jazz inconnu. Cependant, pour son inclusion sur Magical Mystery Tour, Flying est élagué et ramené à une durée plus conventionnelle.

Un voyage psychédélique au-dessus de l’Islande

L’utilisation de Flying dans le film Magical Mystery Tour renforce son statut de pièce atmosphérique. Le morceau accompagne une séquence de paysages aériens filmés au-dessus de l’Islande, issus de prises de vues inutilisées du film Dr Strangelove de Stanley Kubrick. Ces images de vastes étendues vides, baignées de couleurs hallucinatoires, s’accordent parfaitement avec l’esprit onirique du morceau et du projet dans son ensemble.

Le film Magical Mystery Tour, mal reçu à sa sortie, a depuis acquis un statut culte. Dans cet univers burlesque et surréaliste, Flying sert de transition planante, loin des morceaux plus structurant du projet comme I Am the Walrus ou The Fool on the Hill.

Une rare incursion instrumentale

Bien que Flying soit une curiosité dans la discographie des Beatles, ce n’est pas leur première incursion dans l’instrumental. Dès leurs débuts à Hambourg en 1961, ils avaient enregistré Cry for a Shadow, une composition aux accents rockabilly signée par George Harrison et John Lennon. Plus tard, lors des sessions de Rubber Soul en 1965, ils avaient tenté un instrumental blues intitulé 12-Bar Original, resté inédit jusqu’à la sortie des compilations Anthology.

Cependant, Flying demeure le seul instrumental des Beatles publié par EMI sous leur propre nom. Il traduit leur liberté artistique en 1967, période où leur musique se libère de toute contrainte commerciale pour explorer de nouvelles dimensions sonores.

Une empreinte musicale singulière

Malgré son statut de morceau mineur, Flying illustre à merveille l’esprit de création collective des Beatles. Loin des compositions magistrales qui ont forgé leur légende, il capture l’instantané d’un groupe en pleine expérimentation, profitant de sa maturité musicale pour repousser les limites de son art.

Si Flying n’a jamais été joué en concert, il résonne encore aujourd’hui comme un témoignage du foisonnement artistique de la fin des années 60. Entre minimalisme et audace sonore, cet instrumental rappelle que même dans ses recoins les plus discrets, l’univers des Beatles demeure fascinant et inépuisable.


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