En 1987, Paul McCartney rend hommage à Sam Cooke avec une reprise de « Bring It On Home To Me » sur l’album Choba B CCCP. Ce titre, empreint de soul et de rock, témoigne de la passion de McCartney pour les racines du rhythm and blues. L’enregistrement, réalisé dans une ambiance intime, capture l’énergie brute du rock des années 60, tout en s’inscrivant dans la continuité des influences qui ont façonné sa carrière, comme le souligne l’interprétation authentique de McCartney aux côtés de musiciens chevronnés.
Depuis plus de quarante ans, Paul McCartney n’a eu de cesse d’explorer les racines de la musique qui l’a bercé dès sa jeunesse à Liverpool. Enfant du rock ‘n’ roll, nourri par les ondes de la BBC et la découverte, en temps réel, des grands noms du rhythm and blues, il a souvent témoigné de son affection pour les standards américains. Parmi ses multiples hommages à cette culture musicale, l’enregistrement de « Bring It On Home To Me » pour l’albumChoba B CCCP(souvent appeléThe Russian Album) occupe une place toute particulière. Enregistré le 20 juillet 1987 aux côtés de musiciens chevronnés, ce titre dévoile la passion de McCartney pour l’œuvre de Sam Cooke, légende de la soul, dont la voix a bouleversé aussi bien les États-Unis que l’Europe.
Au-delà de la qualité intrinsèque de cette chanson, il faut replacer la reprise de « Bring It On Home To Me » dans un contexte artistique et historique précis : la fin des années 1980 marque pour Paul McCartney une période de transition, où le besoin de se recentrer sur les fondements du rock se fait ressentir. À cette époque, les ex-Beatles continuent, chacun à leur manière, de célébrer l’âge d’or du rock et du rhythm and blues américain. John Lennon, avant sa disparition, avait déjà exploré ce répertoire sur son albumRock ‘n’ Rollen 1975, où il avait intégré « Bring It On Home To Me » dans un medley avec « Send Me Some Lovin’ ». Quant à McCartney, il choisit de graver sa propre version à Moscou, dans des conditions plus directes, presque live, avec un groupe soudé par le plaisir de jouer.
Le résultat, pressé initialement pour le marché soviétique, ne tardera pas à acquérir un statut singulier dans la discographie du bassiste légendaire. Alors qu’il aurait pu se contenter de nouveaux enregistrements originaux, Paul McCartney opte pour un clin d’œil appuyé à ses jeunes années : cette démarche embrasse l’héritage d’une époque où les musiques noires américaines constituaient un véritable trésor que tous les groupes britanniques voulaient s’approprier et réinventer.
La genèse d’un classique : Sam Cooke et « Bring It On Home To Me »
Avant de plonger dans l’interprétation qu’en donne Paul McCartney, il est utile de rappeler la genèse de « Bring It On Home To Me ». Sam Cooke, artiste majeur de la soul, l’enregistre en avril 1962. La chanson paraît en mai de la même année, en tant que face B du single « Having A Party ». Le choix de la placer en revers d’un autre tube témoigne du statut singulier de Cooke, capable de composer et d’interpréter des titres qui, même lorsqu’ils ne sont pas présentés comme la pièce maîtresse d’un 45-tours, deviennent des classiques intemporels.
Portée par une mélodie accrocheuse, une rythmique ancrée dans le gospel et le R&B, « Bring It On Home To Me » séduit immédiatement. Les auditeurs y perçoivent le style si caractéristique de Sam Cooke : un savant mélange de douceur, d’intensité et de virtuosité vocale. Rapidement, le titre devient un incontournable, repris par quantité d’artistes au fil des décennies. Sa souplesse harmonique et son refrain fédérateur offrent un terrain propice aux interprétations les plus variées : du rock au jazz, en passant par la soul et la pop, « Bring It On Home To Me » reste un canevas parfait pour que chaque artiste y apporte sa touche personnelle.
Pour les Beatles et leurs contemporains de la scène britannique, Sam Cooke est déjà un maître du chant, un modèle de finesse et d’émotion. Dans les clubs de Liverpool, les groupes de l’époque s’amusent à revisiter les standards du rhythm and blues américain, dont « Bring It On Home To Me ». Les quatre garçons dans le vent s’inspirent de ces titres pour forger leur propre son. Néanmoins, c’est John Lennon qui, le premier, grave officiellement sa version sur disque avecRock ‘n’ Rollen 1975, montrant ainsi que la fascination pour la soul et pour Sam Cooke ne se seraitompe jamais chez les ex-Beatles.
L’empreinte durable de la soul sur la pop britannique
La musique de Sam Cooke incarne cette veine du gospel sublimé, passé par le prisme d’une sensibilité pop capable de toucher un large public. En Grande-Bretagne, la vague Merseybeat, dont les Beatles seront le plus célèbre représentant, doit beaucoup à la passion qu’ont les musiciens anglais pour le répertoire afro-américain. L’écoute de Ray Charles, d’Elvis Presley, de Little Richard ou encore de Fats Domino a déclenché un véritable engouement pour le rhythm and blues, que les jeunes groupes anglais s’acharnent à reproduire dans les caves enfumées de Liverpool et d’Hambourg.
Sam Cooke, même s’il est moins associé au rock ‘n’ roll pur que Chuck Berry ou Little Richard, exerce néanmoins une puissante influence grâce à sa maîtrise vocale et son talent de songwriter. Quand on songe aux premiers efforts des Beatles, on se rappelle qu’ils puisaient autant dans la musique rock que dans les ballades R&B. Ce double héritage est réaffirmé au début des années 1970 lorsque les ex-Beatles revisitent les standards de leur jeunesse, Paul McCartney en tête avec son amour pour ces compositions intemporelles.
John Lennon et sa relecture sur « Rock ‘n’ Roll »
Si Paul McCartney reprend « Bring It On Home To Me » surChoba B CCCPen 1987, John Lennon l’avait déjà fait douze ans plus tôt dans son albumRock ‘n’ Roll, sorti en 1975. Dans cet opus, Lennon rend hommage à ses idoles de jeunesse : Gene Vincent, Chuck Berry, Little Richard, et bien d’autres. Parmi ces icônes figure Sam Cooke, dont Lennon intègre « Bring It On Home To Me » dans un medley avec « Send Me Some Lovin’ ».
Pour Lennon, cette démarche tient presque de l’exorcisme musical : lui qui a traversé une période mouvementée, marquée par la séparation des Beatles et une tempête médiatique autour de sa vie privée, plonge dans les racines du rock pour se ressourcer. Il ne s’agit pas seulement de reprendre des titres, mais de renouer avec l’énergie brute, la liberté et l’insouciance qui caractérisaient ses premières années musicales. « Bring It On Home To Me », avec sa ligne mélodique passionnée et son texte implorant, fait vibrer l’âme de Lennon, bien qu’il ne la livre pas en version solo, préférant l’entrelacer à un autre classique.
Cette interprétation, logée au cœur deRock ‘n’ Roll, montre à quel point la chanson de Sam Cooke est devenue un pilier du patrimoine musical des sixties, indémodable et toujours prête à renaître sous une nouvelle forme.
Le contexte musical de Paul McCartney à la fin des années 1980
Pendant les années 1980, Paul McCartney s’embarque dans des projets variés, expérimentant des collaborations avec des figures de la pop et de la scène rock, de Stevie Wonder à Michael Jackson, tout en restant très actif sur la scène internationale. Après l’albumPress to Play(1986), qui reçoit un accueil mitigé de la critique, McCartney ressent le besoin de revenir à quelque chose de plus direct, de plus fidèle à ses racines.
Dans cet esprit, il se lance dans l’enregistrement d’un album de reprises rock ‘n’ roll, capturées de façon spontanée au studio, sans artifices superflus. L’idée est de se rapprocher de cette tradition de l’enregistrement « live », chère aux pionniers de la musique pop et rock, où l’on cherche avant tout à capturer l’énergie du moment plutôt qu’à peaufiner la production.
Le choix de ne publier ce disque qu’en Union soviétique, du moins dans un premier temps, ajoute à l’entreprise un parfum d’exotisme et de mystère. À l’époque, l’URSS se montre très intéressée par les figures majeures de la pop occidentale, bien qu’elle en soit parfois privée du fait de la censure ou de la rareté des importations.Choba B CCCP, littéralement « Back in the USSR » en russe, s’intègre dans cette démarche de rapprochement culturel. McCartney reprend un humour déjà exprimé lors de l’époque Beatles, avec le titre « Back In The USSR » sur l’album blanc (1968), en l’appliquant cette fois à un projet complet.
« Choba B CCCP » : un album en forme de clin d’œil à la tradition rock
Le titre même de l’album, souvent translittéré en « Choba B CCCP », est un signe de complicité de McCartney envers son public soviétique. L’album sort le 31 octobre 1988 uniquement sur le marché de l’URSS, avant de connaître une diffusion plus large en Occident, d’abord en 1991 aux États-Unis, puis la même année au Royaume-Uni.
L’idée directrice de cet opus est simple : Paul McCartney et un groupe de musiciens chevronnés, réunis pour revisiter des standards du rock ‘n’ roll et du R&B. Avec des titres comme « Kansas City », « Twenty Flight Rock », « Lawdy Miss Clawdy », « I’m In Love Again », « Lucille », « I’m Gonna Be A Wheel Someday », « That’s All Right (Mama) », « Summertime », « Just Because », ou encore « Midnight Special », McCartney déclare son amour inconditionnel pour un âge d’or musical qui l’a vu grandir, et dont il a hérité la fougue.
C’est au sein de cette même séance du 20 juillet 1987 que Paul enregistre « Bring It On Home To Me ». L’intention est claire : rendre un hommage à Sam Cooke, tout en célébrant ce qui fait l’essence de la musique de McCartney : la mélodie, l’émotion, et un certain sens du groove hérité du rhythm and blues.
Session du 20 juillet 1987 : l’enregistrement de « Bring It On Home To Me »
En plein cœur de l’été 1987, Paul McCartney investit le studio avec la même flamme qu’aux premières heures de sa carrière. Cette session, marquée par la spontanéité, voit naître l’essentiel des morceaux de l’albumChoba B CCCP. L’objectif est de capturer l’interprétation la plus directe possible, sans retomber dans une production lissée.
À la production, McCartney garde la main, fort de l’expérience acquise au fil des ans, et désireux de s’émanciper de toute influence extérieure. L’ambiance est amicale et détendue : on imagine facilement Paul sourire derrière son micro, tout en donnant quelques directives à l’ingénieur du son pour que chacun reste concentré. Sur « Bring It On Home To Me », il pose sa voix avec souplesse et émotion, en écho à celle de Sam Cooke. Les arrangements, eux, restent sobres : il s’agit de laisser briller la ligne mélodique et la chaleur vocale.
L’album, terminé assez rapidement, propose donc une galerie de chansons qui ont alimenté l’imaginaire rock de Paul McCartney depuis l’adolescence. Bien que « Bring It On Home To Me » ne figure pas toujours parmi les reprises les plus célébrées de McCartney, elle incarne parfaitement l’esprit de ces sessions : un retour aux fondements, une immersion dans le répertoire américain, et une relecture personnelle de classiques qui ont façonné la pop.
Le casting musical autour de Paul McCartney
Pour soutenir cette entreprise, Paul McCartney s’entoure d’un groupe restreint mais solide. Sur « Bring It On Home To Me », on retrouve Mick Green à la guitare, un vétéran de la scène rock anglaise ayant travaillé notamment avec Johnny Kidd and the Pirates. Le piano et les claviers sont confiés à Mick Gallagher, connu pour avoir accompagné The Blockheads et The Clash. Derrière les fûts, Chris Whitten assure la pulsation, fort de ses collaborations avec des artistes tels que The Waterboys ou Dire Straits.
Quant à Paul McCartney, il assume, évidemment, le chant principal et la basse, son instrument de prédilection. Sa voix, caractérisée par une tessiture large et un timbre identifiable entre mille, insuffle un supplément d’âme à la chanson. Cette formation, à la fois compacte et expérimentée, donne au morceau un relief direct, dénué de tout artifice excessif.
La dynamique collective est essentielle : en revisitant un standard comme « Bring It On Home To Me », McCartney ne cherche pas seulement à copier Sam Cooke, mais à faire passer l’enthousiasme d’un groupe de musiciens qui retrouve le frisson de l’improvisation et du live. Le résultat est une version marquée du sceau de la spontanéité, où l’on sent l’influence soul, la patte rock de Mick Green, et l’énergie d’un Paul McCartney heureux de renouer avec ses vieilles passions.
Un écho à la passion de Paul pour les standards
Si Paul McCartney s’est imposé au panthéon de la musique populaire comme un compositeur hors pair, capable d’écrire des chansons inoubliables, il a aussi maintes fois prouvé son admiration pour des œuvres qu’il n’a pas créées lui-même. Loin de se contenter d’être l’auteur de « Yesterday », « Hey Jude » ou « Let It Be », il prend plaisir à revisiter les succès d’autres artistes, comme s’il voulait retourner aux sources du rock, du blues ou de la soul pour régénérer son propre élan créatif.
Ce plaisir de puiser dans la tradition se manifeste dès les premières heures des Beatles, quand le groupe reprenait en concert les morceaux de Little Richard, Chuck Berry, Carl Perkins ou encore les Shirelles. Plus tard, même au faîte de la gloire, McCartney ne cesse d’employer des références directes ou indirectes à ces pionniers. Dans « Back In The USSR », on repère le clin d’œil à Chuck Berry, tandis que « Lady Madonna » évoque Fats Domino.
En préparantChoba B CCCP, Paul McCartney se lance dans une démarche similaire : donner vie à un album hommage, conçu comme un vibrant rappel de ce qui l’a fait vibrer à quatorze ou quinze ans. « Bring It On Home To Me » apparaît dès lors comme un jalon incontournable dans cette collection de classiques, tant la chanson de Sam Cooke fait partie du patrimoine que McCartney affectionne.
La réception du disque en URSS et dans le monde
Lors de sa sortie initiale, le 31 octobre 1988, l’albumChoba B CCCPest distribué exclusivement en Union soviétique. Le tirage, relativement limité, se vend en quelques temps, alimentant l’intérêt des collectionneurs à l’Ouest. Le phénomène intrigue la presse internationale : pourquoi donc Paul McCartney, star planétaire, publie-t-il un disque uniquement pour le marché soviétique ?
La réponse se trouve en partie dans l’attrait qu’exerce l’Union soviétique en cette fin de décennie, alors que la politique de la perestroïka et de la glasnost commence à ouvrir le pays sur l’Occident. Paul McCartney, de son côté, voit l’occasion de réaliser une opération à la fois symbolique et ludique, renouant avec un certain humour dont il a souvent fait preuve.
Ce n’est qu’en 1991 que le reste du monde bénéficie enfin deChoba B CCCP, avec une sortie officielle d’abord aux États-Unis le 30 septembre, puis au Royaume-Uni le 29 octobre de la même année. Les critiques, plutôt positives, saluent la spontanéité de l’entreprise : on retient la performance vocale de McCartney, la bonne humeur contagieuse qui se dégage des interprétations, et la fidélité au style rock ‘n’ roll originel.
Bien sûr, « Bring It On Home To Me », en tant que reprise de Sam Cooke, n’est pas forcément la plus mise en avant parmi le tracklisting. Les observateurs soulignent malgré tout la justesse de la version, la rondeur de la basse, la chaleur qui se dégage du chant. Pour beaucoup, c’est la preuve supplémentaire que McCartney est capable de se glisser dans presque tous les registres avec une aisance déconcertante.
La version avec Al Jarreau et George Benson en 2006
Près de vingt ans après la session du 20 juillet 1987, Paul McCartney reprend à nouveau « Bring It On Home To Me », cette fois pour une collaboration hors du commun. En 2006, il participe à l’albumGivin’ It Up, fruit de la rencontre entre deux géants de la scène jazz et soul : Al Jarreau et George Benson. Sur la dernière piste de ce disque, McCartney pose sa voix en lead vocal, dans une relecture inédite du classique de Sam Cooke.
Cette association entre Jarreau, Benson et McCartney peut sembler surprenante à première vue, tant les univers respectifs de ces trois artistes semblent diverger. Pourtant, le fil conducteur est bel et bien la passion pour la soul et le jazz. Al Jarreau est réputé pour sa maitrise vocale et sa capacité à naviguer entre pop, jazz et R&B, tandis que George Benson apporte sa touche de guitare sophistiquée et une sensibilité vocale hors pair.
À leurs côtés, McCartney ne renonce pas à sa patte pop : il conserve un style vocal clair et direct, qui s’accorde étonnamment bien avec les envolées de Jarreau et la finesse de Benson. Cette interprétation de « Bring It On Home To Me » révèle la versatilité de McCartney, capable de passer d’un enregistrement rock brut pour le marché soviétique à un arrangement plus feutré et jazzy aux côtés de pointures américaines.
Un regard rétrospectif sur la démarche de McCartney
Lorsque l’on observe la trajectoire musicale de Paul McCartney, on constate à quel point il aime revenir périodiquement aux morceaux fondateurs du rock et de la soul. Cette inclination ne se limite pas à une simple nostalgie : c’est une façon pour lui de renouveler le dialogue avec des influences qui l’ont construit et qu’il tient à honorer.
En consacrant un album entier aux reprises, McCartney prend le risque d’être jugé sévèrement par certains critiques qui auraient pu préférer qu’il produise de nouvelles compositions. Pourtant, l’albumChoba B CCCPse pose comme une récréation assumée, un manifeste musical sans prétention, où l’authenticité se substitue à l’ambition artistique. Dans cet équilibre, « Bring It On Home To Me » occupe une place de choix, incarnant l’esprit soul et la chaleur mélodique que McCartney affectionne.
Il est frappant de noter à quel point le titre continue de jouir d’une aura intacte parmi les amateurs de rock et de soul. Sam Cooke l’a écrit il y a plus de soixante ans, et pourtant, sa capacité à émouvoir ne faiblit pas. Cela vaut pour l’enregistrement originel de 1962, comme pour la version de McCartney en 1987 et celle, collective, de 2006. Dans chacune de ces incarnations, on retrouve une sincérité, un désir de partager un sentiment universel : la supplication amoureuse, l’espoir du retour de l’être cher, et l’exaltation de la voix humaine dans toute sa splendeur.
La relation Lennon-McCartney autour des classiques américains
Même après la séparation des Beatles, John Lennon et Paul McCartney se rejoignent sur un point : leur amour pour le rock ‘n’ roll et la soul. Lennon avait déjà exploré ces terres dansRock ‘n’ Roll, tandis que McCartney, de son côté, multiplie les clins d’œil au passé dans ses concerts et ses albums. « Bring It On Home To Me » n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette complicité à distance.
En effet, si Lennon intègre le morceau dans un medley, McCartney le traite comme une chanson à part entière. Les deux approches traduisent des personnalités différentes, mais l’intention demeure : on tient à faire revivre un morceau-clé des sixties, au même titre que d’autres standards. On peut y voir une forme d’hommage collectif, implicite, à la musique noire américaine qui a tant nourri la pop britannique.
L’évolution du répertoire des ex-Beatles, dans les années qui suivent la dissolution du groupe, témoigne souvent d’une volonté de prolonger cette passion commune. Au fond, qu’il s’agisse de John, Paul, George ou Ringo, tous ont conservé un attachement viscéral pour ces chansons qui leur ont donné l’envie de se lancer.
Le rôle de « Bring It On Home To Me » dans le parcours de McCartney
Si l’on dresse un bilan de la discographie de Paul McCartney, on remarque que la plupart de ses albums de reprises ou de morceaux inspirés par le rock ‘n’ roll originel se concentrent sur l’énergie brute, la proximité avec le public.Choba B CCCPne cherche pas à rivaliser avec les albums conceptuels ou les grands disques pop de McCartney : il est conçu comme une halte, une célébration.
Parmi les chansons qui figurent sur cet album, « Bring It On Home To Me » s’impose comme un pivot notable. D’autres titres, tels que « Lucille » ou « Lawdy Miss Clawdy », sont déjà associés à l’imaginaire rockabilly et au style débridé de Little Richard. Avec « Bring It On Home To Me », on s’inscrit dans une tradition soul qui s’appuie davantage sur l’expression vocale et la finesse rythmique.
À travers cette reprise, McCartney démontre que son goût pour la mélodie ne s’arrête pas aux frontières du rock, mais qu’il embrasse également la sophistication sentimentale de la soul. On peut rappeler que sur scène, notamment lors de certaines tournées, il s’amuse à revisiter des standards de divers horizons, prouvant sa curiosité infinie et sa volonté de partager des plaisirs musicaux avec son public.
Les échos critiques et la place du disque dans l’histoire
Au moment de la parution deChoba B CCCP, la critique occidentale reste d’abord dans l’expectative : l’album n’est pas disponible immédiatement dans le circuit habituel, ce qui alimente la curiosité et parfois la frustration des fans. Lorsque le disque arrive enfin, en 1991, les chroniqueurs saluent surtout le geste, la fraîcheur et la démarche historique. Certains regrettent l’absence de morceaux plus audacieux ou l’aspect un peu trop « facile » d’un album de reprises.
De nos jours,Choba B CCCPest redécouvert comme un témoignage précieux de l’envie de McCartney, à la fin des années 1980, de renouer avec ses premières amours. Le côté minimaliste de la production, le fait qu’il ait d’abord été réservé au marché soviétique, et la sélection de classiques forment un tout attachant. Dans la carrière d’un ex-Beatle, habitué aux sommets des charts et aux tournées mondiales gigantesques, ce détour par la Russie, à travers des reprises intemporelles, a de quoi intriguer.
« Bring It On Home To Me » peut être considéré comme un acte de respect envers Sam Cooke, mais aussi une façon de réaffirmer l’importance de la soul dans la construction de la pop britannique. Le choix de ce morceau, dans un album quasi exclusivement composé de standards rock, est révélateur. McCartney veut rappeler que le rock et la soul partagent des racines communes et que la musique de Sam Cooke mérite d’être jouée avec la même ferveur que celle de Chuck Berry.
Une tradition perpétuée dans les concerts et les jams
Même si « Bring It On Home To Me » ne figure pas souvent dans les setlists officielles des tournées de McCartney, on sait que l’ancien Beatle prend plaisir à faire des jams lors de répétitions ou de balances. De nombreuses anecdotes de musiciens proches de lui racontent ces instants où Paul, détendu, invite son groupe à interpréter un classique. La chanson de Sam Cooke, avec sa structure simple et sa possibilité d’improvisation vocale, se prête bien à cet exercice.
Au-delà de l’aspect strictement musical, la reprise d’un titre emblématique de Sam Cooke permet de célébrer un héritage culturel afro-américain. Dans l’histoire des Beatles, mais aussi dans celle de la British Invasion en général, il est impossible de sous-estimer la contribution des musiques noires. McCartney, en continuant de chanter ces morceaux, montre qu’il n’a jamais oublié ce legs fondamental.
La force intergénérationnelle de « Bring It On Home To Me »
Plus de soixante ans après son écriture, « Bring It On Home To Me » continue de résonner dans la culture populaire. Si Sam Cooke reste l’interprète de référence, les innombrables reprises, dont celles de John Lennon et Paul McCartney, assurent à la chanson une longévité exceptionnelle. Chaque nouvelle génération de musiciens la redécouvre, la réadapte, lui fait franchir de nouvelles frontières.
L’attrait pour ce morceau tient autant à sa mélodie qu’à l’émotion qu’il véhicule. Les paroles, simples et directes, expriment le regret et l’espoir, la supplication amoureuse dans ce qu’elle a de plus universel. Au fil du temps, « Bring It On Home To Me » est devenu un passage quasi obligatoire pour les chanteurs souhaitant prouver leur sensibilité et leur sens du phrasé.
Dans le cas de Paul McCartney, c’est aussi un dialogue avec les racines de la pop, une manière de rappeler qu’avant d’être un auteur-compositeur génial, il fut un jeune homme ébahi par la musique américaine, un garçon fasciné par l’intensité de ces voix venues d’outre-Atlantique.
Un héritage réaffirmé
Lorsqu’on aborde les grandes lignes de la carrière de McCartney, il est fréquent que le regard se porte sur ses compositions phares, ses collaborations ou ses performances à guichets fermés. Pourtant, des enregistrements commeChoba B CCCPont aussi leur importance : ils soulignent la fidélité de Paul à ses premiers amours musicaux. Dans l’esprit d’un artiste majeur, les standards représentent le point de départ, le carburant qui alimente la flamme créative.
« Bring It On Home To Me » est un titre représentatif de cette histoire d’amour ininterrompue entre la pop britannique et la soul américaine. Y puiser de l’inspiration reste une démarche récurrente chez McCartney, illustrant son humilité devant les monuments du passé. À chaque reprise, il ne cherche pas tant à révolutionner la chanson qu’à la remettre en lumière, à la partager à nouveau avec une nouvelle audience.
Une passerelle entre la soul et la pop pour la postérité
En définitive, l’existence de la version de Paul McCartney surChoba B CCCPs’inscrit dans le prolongement naturel d’une longue tradition de reprises, mais elle apporte aussi quelque chose de singulier : la sensibilité d’un Beatle qui rend hommage à un géant de la soul, dans un album pensé initialement pour le public soviétique. Le symbole est fort : la musique transcende les frontières politiques, les générations, et réunit les passionnés autour de quelques accords et d’une ligne vocale inspirée.
Cet enregistrement a beau ne pas figurer parmi les plus célèbres de la carrière de McCartney, il demeure un maillon essentiel pour comprendre la continuité de sa démarche artistique. Car, tout au long de son parcours, Paul McCartney n’a jamais cessé de répéter que l’essence de la bonne musique se trouve souvent dans la simplicité, dans l’ardeur vocale et dans la communion spontanée entre les musiciens.
Le regard que porte McCartney sur cette chanson
À la lecture de diverses interviews, il apparaît que Paul McCartney aime évoquer ces sessions de 1987 comme un moment de détente et de plaisir pur. Revenir aux morceaux qui l’ont fait vibrer dans sa jeunesse, loin de l’obsession de composer le prochain grand succès, équivaut pour lui à se ressourcer. Dans ce cadre, « Bring It On Home To Me » s’intègre parfaitement, tant elle incarne la grâce soul qu’il recherche parfois à travers ses propres ballades.
Pour McCartney, reprendre Sam Cooke, c’est se confronter à une référence vocale. Lui-même très à l’aise dans les registres plus aigus, capable d’une expressivité rare, McCartney relève le défi, tout en conservant la modestie qui sied à l’interprétation d’un tel classique. Dans ses propos, on ressent un profond respect pour l’héritage culturel de Sam Cooke et une reconnaissance intime de l’influence qu’il a eue sur la formation de la pop britannique.
Un témoignage vivant de la communion artistique
En réécoutant la version de 1987, il est frappant de constater à quel point Paul McCartney y insuffle un esprit live. L’enregistrement n’est pas surchargé d’overdubs ni de chœurs excessifs. Il est question d’un groupe jouant ensemble, en temps réel, s’efforçant d’honorer la pureté de la composition de Sam Cooke. Cet aspect confère à « Bring It On Home To Me » une dimension chaleureuse, presque intime, que l’on retrouve dans bon nombre de reprises réussies de McCartney, qu’il s’agisse de vieux standards rock ou de simples improvisations scéniques.
Aujourd’hui encore, ce titre suscite la curiosité de ceux qui souhaitent explorer les recoins parfois moins fréquentés de la discographie de McCartney.Choba B CCCPest un album qui se distingue par sa singularité : ni entièrement commercial, ni purement confidentiel, il flotte dans une zone à part, chère aux collectionneurs et aux admirateurs de la démarche artisanale de McCartney.
Un pont symbolique dans la chronologie des ex-Beatles
Avec la reprise de « Bring It On Home To Me », il est également possible d’établir un parallèle avec l’enregistrement de John Lennon surRock ‘n’ Roll. Les deux anciens complices des Beatles, qui ont signé tant de chefs-d’œuvre ensemble, n’ont jamais perdu leur fascination pour les pionniers américains, qu’il s’agisse de Sam Cooke ou de Chuck Berry. Le fait que McCartney, plus d’une décennie après Lennon, pose lui aussi sa voix sur ce morceau célèbre, renforce l’idée d’un hommage commun, à la fois individuel et collectif, à l’égard de la soul.
Même si l’approche de Lennon, dans son album de 1975, est parfois plus sauvage et plus ancrée dans une volonté d’exorciser le passé, celle de McCartney en 1987 paraît plus tranquille, plus joyeuse, comme si l’intention n’était plus de régler des comptes avec soi-même, mais simplement de célébrer des chansons intemporelles. Ce contraste de tonalité reflète, en filigrane, la différence de tempérament et de parcours entre les deux auteurs de « Hey Jude » et « Strawberry Fields Forever ».
La pérennité d’un classique sur la scène rock
En somme, « Bring It On Home To Me » traverse les âges sans jamais perdre de sa force émotionnelle. La version de Paul McCartney, qu’elle soit écoutée dans le cadre de l’albumChoba B CCCPou découverte plus tard en réédition, symbolise ce rapport intime entre un musicien accompli et l’une de ses influences fondamentales.
Loin d’être une curiosité anecdotique, ce titre illustre la durabilité du lien entre la pop britannique et la soul américaine. Les Beatles, et plus largement la British Invasion, ont toujours revendiqué cet héritage musical transatlantique. En 1987, McCartney en donne une nouvelle preuve, enregistrant sur le sol anglais, mais destinant d’abord son œuvre aux bacs soviétiques, comme pour souligner le caractère universel et pacifiste de la musique.
Au fil des rééditions, des compilations et des diffusions en streaming, cette reprise a trouvé son public, séduisant ceux qui chérissent les racines du rock et découvrant les frémissements d’un McCartney spontané. Peut-être n’est-ce pas la plus célèbre de ses performances, mais elle incarne à merveille l’esprit de l’album : un plaisir sincère, partagé entre musiciens complices, au service d’un chef-d’œuvre de Sam Cooke.
Un joyau discret dans la constellation McCartney
La discographie de Paul McCartney, riche de dizaines d’albums studio, de compilations, de projets collaboratifs et de performances live, regorge de moments inattendus.Choba B CCCPfait partie de ces pièces insolites, parfois placées en marge des grands succès, mais qui offrent une plongée brute dans l’essence même de l’artiste. « Bring It On Home To Me », dans ce contexte, agit comme une madeleine de Proust auditive, ramenant McCartney à l’époque où il écumait les clubs avec John Lennon et George Harrison, reprenant inlassablement les standards venus d’Amérique.
C’est aussi un rappel que la force de McCartney réside dans sa flexibilité, sa capacité à naviguer entre la composition de tubes pop universels et la relecture humble d’un répertoire historique. À travers cette reprise, il célèbre la connexion indéfectible entre la soul et le rock, entre l’histoire américaine et la vitalité de la scène britannique, entre un passé glorieux et un présent toujours avide de vibrations authentiques.
En fin de compte, « Bring It On Home To Me » surChoba B CCCPest un exemple éloquent de la manière dont Paul McCartney sait honorer ses racines tout en continuant d’avancer. Un titre qui conjugue mémoire, passion et respect, et qui trouve encore aujourd’hui une résonance particulière chez quiconque aime explorer la genèse du rock et savourer une voix intemporelle au service d’une chanson éternelle.
