Quatrième de couverture :
Un retraité poignardé dans un ascenseur, un pêcheur tunisien mitraillé au large de Vigàta, une flamboyante prostituée, un colonel nain, une vieille institutrice en chaise roulante… et un enfant abandonné. C’est en ronchonnant, comme à son habitude, que le commissaire Montalbano va tenter de trouver le lien qui relie tous ces personnages, d’autant que, pour la première fois, il doit se frotter aux Services secrets, incarnation d’une Italie occulte et malfaisante. Mais pour sauver un enfant de la meurtrière raison d’État, notre commissaire est prêt à faire des choix. Même les plus difficiles…
Et voilà la troisième enquête que je lis du commissaire Montalbano, un opus où le commissaire veut se concentrer sur le meurtre d’un vieux retraité découvert dans l’ascenseur de son immeuble et surtout laisser aux autres la mort par balles d’un pêcheur tunisien à la limite entre les eaux territoriales et les eaux internationales. Mais la découverte de l’existence de Karima, superbe femme de ménage et maîtresse du retraité (mais pas seulement) va obliger Montalbano à faire des liens entre les deux affaires et à prendre énormément sur lui et son goût de l’indépendance pour sauver le fils de Karima et envisager la pérennité de sa relation avec Livia. Pendant le temps de l’enquête, Montalbano laisse la bride sur le cou à son adjoint Mimi Augello et fait tout pour refuser toute promotion – comme d’habitude -, il nous fait une démonstration de son habileté technologique (c’est sûr qu’il s’y connaît mieux en littérature), sa femme de ménage me fait toujours autant saliver (tout comme les trattorie où il s’arrête pour déjeuner) tandis Catarella nous réjouit de ses perles téléphoniques (« personnellement en personne »). Autant d’éléments jubilatoires – ah ! cet humour ! – qui s’ajoutent à une intrigue complexe et bien ficelée et donnent évidemment envie de continuer la route avec Salvo Montalbano !
« Les spaghettis arrivèrent quand, par chance, Montalbano eut fini son merlan, parce que Mimì couvrit abondamment son assiette de parmesan. Seigneur ! Même une hyène, une vraie hyène qui se nourrit de charogne aurait vomi à l’idée d’un plat de pâtes aux palourdes avec du parmesan dessus. »
« Il n’est pas de femme sicilienne de quelque milieu que ce soit, noble ou manante, qui, passé la cinquantaine, ne s’attende au pire. Quel pire ? Un pire quelconque, mais toujours le pire. »
« — Alors, c’est un cas de cleptomanie, conclut la dame.
Un instant, le commissaire fut stupéfait puis il comprit qu’elle voulait dire « télépathie ».
« Un jour ou l’autre, je la présente à Catarella, pensa Montalbano, et puis je transcris les dialogues. Mieux que du Ionesco ! »
« Alors j’ai compris ce que vous, dottore, vous attendiez de moi, et je l’ai fait.
-Et qu’est-ce que je voulais de toi?
-Que je fasse du scarmazzo, du bordel, du bruit. (…) Ce n’était pas ça que vous vouliez?
Montalbano se sentit gagné par l’émotion. Ça, c’était l’amitié sicilienne, la vraie, qui se base sur le non-dit, sur l’intuition : à un ami, on a pas besoin de demander, c’est l’autre qui, de manière autonome, comprend et agit en conséquence. »
« Puis arrivèrent les huit morceaux de merlan, portion clairement destinée à huit personnes. Ils criaient, les morceaux de merlan, leur joie d’avoir été cuisinés comme Dieu le veut. Au nez, le plat faisait sentir sa perfection, obtenue par la juste quantité de chapelure, avec le délicat équilibre entre l’anchois et l’œuf battu. »
« Moi, quand je parle, je ne mange pas. En conséquence, si je mange, je ne parle pas.
-Bienvenue au club, dit Montalbano avec soulagement.
Les pâtes au crabe avaient la grâce d’un danseur étoile d’opéra mais le loup farci en sauce au safran le laissa le souffle coupé, quasiment effrayé.
-Vous pensez qu’il pourra répéter un miracle pareil ? demanda-t-il en en montrant le plat désormais vide. »
Andrea CAMILLERI, Le voleur de goûter, traduit de l’italien par Serge Quadruppani, Pocket, 2002 (Fleuve noir, 2000)
