Très heureuse et honorée que trois de mes textes en prose aient été choisis par les éditeurs de l’Atelier IMIS pour figurer dans le numéro 7 de leur revue Proximités.
Merci à Pierre Martin et à Florence Toussan, en particulier !
La revue Proximités, art et littérature, numéro 7, parue en septembre 2025, aborde le thème du Jardin sous ses différentes facettes, avec, par exemple, un texte sur l’art de la bouture (Florence Toussan), des haïkus de Jean-Michel Picard, un texte sur les bégonias de Laurence Gossart, d’autres évocateurs de souvenirs d’enfance, de jardinage, des rapports que nous entretenons avec la nature, des poésies en vers libres de Pierre Martin, de Laurine Rousselet, de Yoann Lévêque… J’en oublie.
La revue Proximités est illustrée par de magnifiques images en couleur – dessins, peintures ou photographies – par Françoise Pélardy, Pauline Lisowski, Jean-Michel Picard, Marino, Laurence Gossart, etc…
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Mes trois textes, parus dans cette belle revue, font partie du recueil (encore inédit à ce jour) « Petites proses insolites et autres problèmes insolubles« , que l’on peut considérer soit comme des poèmes en prose soit comme des toutes petites nouvelles. Ce recueil a été écrit entre le début 2024 et l’hiver 2024-25.
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Ce texte (prose poétique ou micro-nouvelle) se trouve à la page 11 de la revue Proximités
Rien ne se perd, rien ne se crée
Les plantes naissent de la terre et les êtres humains germent dans le ventre des femmes. On n’a encore jamais vu une colline enceinte d’un petit enfant ou une jeune parturiente se délivrer d’une pousse de mandarinier. Pourtant, on dit que Dieu créa le premier homme à partir d’une poignée d’argile et c’est bien à cela que nous retournerons tous, dans nos réalités posthumes.
Les sols se composent et se recomposent de toutes les morts décomposées – végétales, minérales, animales, humaines. La terre, ruminant les uns après les autres les atomes et les présences du monde entier, ne serait donc qu’un gigantesque principe de digestion ? Est-ce à l’humus que Lavoisier pensait en déclarant « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ?
Les plantes poussent dans les cendres et les humeurs défuntes et nous nous nourrissons de ces êtres végétaux aux origines hybrides. Nous finissons par être nous-mêmes constitués de plantes, d’animaux et de diverses substances malaxées, triturées, réinterprétées, digérées – et sommes par conséquent tout à fait similaires à la glaise qui, plus tard, nous assimilera. Quant au ventre des femmes, si semblable à la terre par ailleurs, dans ses fécondes élaborations, ce n’est pas d’un monde décomposé qu’il est composé et cela suffit à nous rassurer. Pourtant, la matrice n’est pas si éloignée de l’estomac, anatomiquement.
Et que dire des archéologues, fouillant inlassablement cantons et parcelles, grattant, déblayant les gravats et les poussières, en quête de vestiges ou d’œuvres d’art perdues ? Car les sols ne se contentent pas de digérer tout à la fois des peuples, des troupeaux, des forêts et des champs, ils sont aussi capables d’engloutir des civilisations entières, avec leurs capitales, leurs monuments triomphaux et leurs nécropoles. Mais l’homme digère, lui aussi, et l’on dit que sa merde est l’ordure la plus ignoble de notre planète, tandis que la terre serait une matière propre, la très noble nourricière. Et pourtant, déjections et excréments, à leur tour, nourrissent et engraissent de la façon la plus pure le compost qui nous donnera pitance.
Mort, vie, nourriture, merde, procréation, digestion, assimilation et décomposition – bien malin qui pourra démêler là-dedans le propre et le sale, le digne et l’indigne, le toxique et le bienfaisant, le doux et le féroce, l’intolérable et le sacré !
M.-A. B.
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