Dans ma série des métiers oubliés, disparus (Les métiers insolites disparus ), inconnus (Runner ou runneuse, un métier inconnu ! ou étonnants (Un métier peu commun : effaceur de pénis), j’aimerais aujourd’hui évoquer avec vous celui de marchand d’arlequins. Arlequin, le personnage de la comédie italienne portant un vêtement à losanges bariolé, vous le connaissez, mais le marchand d’arlequins ne vend aucun objet à l’effigie de ce personnage tout en couleurs. Non ! Les arlequins désignent un mélange composé des restes récupérés sur les tables après le service, que les plongeurs revendaient, au XIXᵉ siècle, à des consommateurs aux moyens modestes. Le marchand d’arlequins était donc le commerçant chargé de vendre aux plus pauvres, les reliquats de nourriture issus des tables bourgeoises. On croisait parfois ces vendeurs dans les ruelles animées de Paris, porteurs de paniers encore tièdes, symbole d’un temps où la faim côtoyait l’abondance.
Ce métier se rapproche d’ailleurs d’un autre terme ancien : le regrattier (ou regrattière au féminin), dérivé du verbe regratter (« récupérer ») avec le suffixe -ier. Le regrattier désignait celui qui revendait de petites quantités de denrées déjà achetées ou issues de restes, souvent à prix réduit. Une activité de survie, mais aussi de débrouille et de solidarité.
Si de prime abord, cette pratique nous semble peu ragoutante, elle prend une toute autre valeur lorsque l’on sait chaque année en France, le gaspillage alimentaire s’élève à 10 millions de tonnes de nourriture perdue, ce qui équivaut à environ 16 milliards d’euros. Des pertes considérables, qui impactent directement nos ressources naturelles et rappellent que l’abondance d’aujourd’hui n’efface pas les inégalités d’hier.
Finalement, ce marchand d’arlequins, aussi surprenant soit-il, n’était-il pas un précurseur du recyclage alimentaire ? Une époque où l’on ne parlait pas encore de développement durable, mais où rien ne se perdait, tout se transmettait — parfois même dans l’assiette ! Ce métier d’un autre temps nous rappelle qu’autrefois, chaque morceau comptait. Une leçon d’humilité et de bon sens dont nous pourrions bien nous inspirer aujourd’hui, à l’heure où le gaspillage est devenu un luxe que notre planète ne peut plus se permettre.
À nous de choisir aujourd’hui des gestes simples, solidaires et créatifs pour réduire le gaspillage et préserver demain, ensemble durablement.
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