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« Les mères sont très faciles à tuer » d’Anne Barbusse (poésie)

Par Etcetera
mères sont très faciles tuer d’Anne Barbusse (poésie)

Anne Barbusse a fait paraître cette année, en juin 2025, aux éditions Pourquoi viens-tu si tard ?, ce recueil poétique d’inspiration autobiographique, correspondant à une période de sa vie particulièrement difficile : celle où elle perdait la garde de son fils unique, étant divorcée. Cependant ce livre n’est pas un récit, il ne s’agit pas de nous raconter des faits mais, de façon plus essentielle, plus intériorisée, de nous livrer les ressentis, les émotions extrêmement fortes de la poète en butte à l’adversité, à l’incompréhension des juges ou des autres rouages d’un système froid et brutal, et qui se retrouve esseulée, dans sa maison vide, face à la cruelle absence de son enfant. Un chant de souffrance et de perte, donc, mais où, toujours, la présence puissante et sensuelle de la nature semble venir au secours de la mère malheureuse. On sent que le spectacle des arbres dans le vent, celui des vignes, le parfum des pêches en train de mûrir ou encore la natation bienfaisante dans la rivière, sont pour la poète un contrepoint indispensable, intimement mêlé à sa vie, au cours de ses pensées, au flux poétique de ses émotions. De nombreuses références cinématographiques, au cours du recueil, viennent donner à la poète des motifs de réflexion, des prises de conscience, en relation avec ce qu’elle vit et, sans doute, généralisables à bien d’autres vies.
Un livre très bouleversant, où les sentiments et les émotions d’une mère atteignent une intensité brûlante, presque palpable !

Quatrième de Couverture

C’est l’histoire d’une mère qui perd la garde de son fils
alors qu’elle s’apprête à partir en Grèce sur un poste universitaire.

C’est l’histoire d’un fils qui passe ses nuits à jouer aux
jeux vidéo chez le père et commence l’addiction numérique, tandis
que le père reprend le travail juste deux ans, le temps d’enlever
la garde à la mère et de faire bonne figure au tribunal.

C’est l’histoire d’une famille qui se disloque et d’une
emprise qui fait mal.

C’est l’histoire d’une aliénation parentale sans qu’à l’époque
la notion même ne soit connue des protagonistes.

Ou plutôt, ce n’est pas une histoire, juste un long poème
de douleur franche, avec le cinéma pour fanal.

**

Deux extraits
(Page 34)

les angoisses tournent dans le week-end, indues mais souveraines,
c’est à la peur de la mort que conduit le deuil de l’enfance
c’est ma vieillesse que j’interroge
dans le plat de ma main
la solitude de la maison haute et grande, divorcée de son enfant, réifiée
de souffrance,
il est parti disent les pièces vides
il est parti et le temps a passé
il ne reviendra que pour des intermèdes
car tout se précipite vers la fin – les jambes qui ne touchent pas terre,
un soir,
à une fête de village, je réalise sa petitesse – je n’ai plus rien à protéger
il n’y a plus ni cris ni rires – je m’en plaignais – maintenant
le silence de la maison dort debout

*

(Page 90)

je ne parlerai que de la voix des femmes que les enfants ont désertées à mi-parcours
si peu de temps que le temps des enfants
comme la tombée des pêches
– les assistantes sociales, « avez-vous été affectueuse avec votre enfant », la parole assène, nous regardons tomber le monde –elles enquêtent – avec les fruits les choses étaient simples et rondes
car le duvet des pêches fleurissait, la chair rose ou blanche, le sucre sur les baisers
the french kiss, disait un ami grec, quatre ans plus tôt – nous ne sommes pas au cinéma mais dans un jardin sans clôture aucune, que l’herbe étendue sur
la colline pleine – les assistantes sociales, « vous avez été heureuse avec votre mari », les
questions à deux sous pleuvent sur l’étendue outrée de mon malheur – l’État
a des droits
sur tous les enfants de toutes les mères et sur les maisons aux grands jardins ouverts
les pêches achèvent de mûrir et de pourrir et de vieillir
je natte mes cheveux dans l’ampleur du matin
je vous donne ma compagne-tristesse et je
ferme la main – créer de toute douleur née – et j’éclos au matin sans
les roses dans le parfum des pêches – je tresse ma vie dans l’été frais comme un enfant – les suicides
des adolescents et de leurs pères, cela est connu, cela tombe avec les matins

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