En 1969, dans un climat de tensions croissantes au sein des Beatles, George Harrison déclare que Because, morceau vocalement ambitieux de John Lennon sur Abbey Road, est le plus impressionnant de l’album. Avec ses harmonies à trois voix multipliées, son inspiration classique et sa sobriété instrumentale, Because devient un sommet d’unité au cœur de la désunion. Pour Harrison, c’est un modèle de pureté, d’écoute mutuelle et de beauté tenue, révélant la capacité du groupe à chanter encore ensemble à l’aube de sa fin.
À l’été 1969, alors que les Beatles entrent dans la dernière ligne droite de leur aventure commune, les fissures entre John Lennon et Paul McCartney sont devenues des failles. Le groupe a déjà vécu l’épreuve filmée des sessions de Let It Be, avec ses disputes feutrées et ses silences pesants. Le retour aux EMI Studios de la rue d’Abbey Road vise à clore l’histoire sur une note plus lumineuse, portée par la production élégante de George Martin. Pourtant, derrière la politesse de façade, chacun sait qu’on enregistre un chant du cygne.
Dans ce climat tendu, George Harrison trouve enfin sa pleine voix d’auteur-compositeur. Il apporte deux pièces majeures, ‘Something’ et ‘Here Comes the Sun’, qui ne sont plus de simples contrepoints aux compositions du tandem Lennon–McCartney mais des sommets d’écriture. Ringo Starr, lui, offre sa fantaisie sous-marine avec ‘Octopus’s Garden’. Entre ces quatre individualités que l’on n’arrive plus tout à fait à accorder, l’album Abbey Road assemble des fragments de génie avec une élégance presque irréelle.
Dans ce contexte, une déclaration de George Harrison surprend encore : interrogé sur la piste qui l’avait le plus marqué, il cite ‘Because’, une chanson de John Lennon. « La backing est un peu comme Beethoven. Et l’harmonie à trois voix tout du long… Je pense que c’est peut-être ma préférée de l’album. Les paroles sont si simples. L’harmonie était assez difficile à chanter. Nous avons dû vraiment l’apprendre. Mais je crois que c’est l’un des titres qui impressionnera le plus de monde. C’est vraiment bon. » Le « quiet Beatle » désigne ainsi l’instant le plus impressionnant du disque, non pas parmi ses propres pièces lumineuses, mais chez son ami parfois rival, John.
Sommaire
- « Because » : un miroir à Beethoven
- Trois voix, neuf couches : l’architecture des harmonies
- Une instrumentation en clair-obscur
- Paroles simples, vertige cosmique
- La place de « Because » dans la dramaturgie d’Abbey Road
- Pourquoi George Harrison s’y reconnaît
- L’empreinte du studio : un art de la prise de son
- Une parenté secrète avec les madrigaux
- Le Moog de Harrison : un trait d’union vers l’avenir
- La réception : un classique discret
- Le dialogue silencieux avec ‘Something’ et ‘Here Comes the Sun’
- Le non-dit politique du groupe
- La poésie du titre : « Parce que… »
- Un écho dans la postérité
- La modestie de la prouesse
- Un dernier instant d’unité
- Épilogue : ce que « Because » nous apprend encore
« Because » : un miroir à Beethoven
La légende de ‘Because’ tient à un geste presque pédagogique. Yoko Ono joue au piano la Sonate au clair de lune de Beethoven, en do dièse mineur. John Lennon lui demande d’inverser la progression d’accords, d’en renverser le sens harmonique. De ce petit exercice d’atelier naît le plan de la chanson : une suite d’arpèges en miroir, au balancement hypnotique, posée sur une tonalité sombre qui nourrit à la fois la gravité et l’étrangeté du morceau. Le clin d’œil à Beethoven n’a rien d’une simple citation : c’est une façon d’absorber un héritage classique pour le dissoudre dans une écriture pop de 1969, minimaliste et sophistiquée à la fois.
Cette armature harmonique explique en grande partie l’admiration de George Harrison. Amateur d’enchevêtrements modaux et de couleurs inattendues – on l’a vu dès ‘I Need You’ et ‘If I Needed Someone’, puis plus franchement à l’ère psychédélique – Harrison entend dans ‘Because’ un équilibre rare : une musique à la fois cérébrale et sensorielle, où l’intellect du contrepoint n’éteint pas la poésie.
Trois voix, neuf couches : l’architecture des harmonies
La magie de ‘Because’ vient surtout des harmonies vocales. John, Paul et George chantent à trois voix… puis réenregistrent ces trois lignes à deux reprises, créant un chœur de neuf voix d’une précision redoutable. Le résultat n’est pas une nappe épaisse ; c’est au contraire un cristal. Chaque note se place comme une facette, reflétant les autres. La douceur de Paul en haut, la clarté de John au centre, le grain plus sombre de George en appui : l’alchimie est totale. On est loin du rugissement de ‘Twist and Shout’, mais tout aussi loin de la caresse sucrée. Ce sont des harmonies aériennes, tendues, qui ne se satisfont jamais du simple unisson.
Ce travail minutieux réclame du temps, de la discipline et un sens d’écoute qui, paradoxalement, semblait manquer au groupe quand il s’agissait d’arrêter des décisions communes. Dans ‘Because’, les Beatles se retrouvent dans ce qu’ils ont de plus collectif : un art de la voix qui transcende les égos. On comprend que Harrison, qui avait ressenti la frustration d’être parfois relégué à des rôles d’accompagnateur, ait entendu là un sommet. Lui qui, lors des dernières sessions, supportait de moins en moins les velléités de contrôle de McCartney, pouvait trouver dans ce chœur égalitaire une forme de réconciliation musicale.
Une instrumentation en clair-obscur
Contrairement à l’imagerie pop qui associe les Beatles à la guitare-basse-batterie, ‘Because’ tient dans une économie instrumentale presque chambriste. Point de batterie tonitruante : Ringo Starr ne martèle rien ici, et l’absence de gros bas-fond de basse renforce la sensation de suspension. La pulsation vient de l’arpège initial, partagé entre un clavicorde/harpsichord électrique joué élégamment par George Martin et une guitare de John filtrée, au grain doux et légèrement étouffé. À cette ossature s’ajoutent les traînées du Moog synthétiseur, instrument que George Harrison vient de découvrir et de s’approprier. Les glissements du Moog ne font pas tapisserie : ils dessinent un horizon un peu science-fiction, une ombre mouvante qui fait scintiller la tonalité mineure.
On tient là l’un des rares titres de Abbey Road où la section rythmique s’efface quasi totalement, sans perdre la tension dramatique. Tout est question de respiration : l’accord se déploie, le chant surgit, la phrase se résout et retombe, comme une marée. Cette sensation d’apesanteur répond directement à la matière du texte.
Paroles simples, vertige cosmique
John Lennon avait dit : « Les paroles sont tellement simples. » Elles le sont. Mais cette simplicité n’est pas une pauvreté. « Because the world is round it turns me on », « Because the wind is high it blows my mind » : peu de mots, des images élémentaires, le monde, le vent, l’amour, l’œil qui s’ouvre. On n’est pas dans l’hermétisme des chansons psychédéliques les plus baroques. On est dans une métaphysique de poche : le cosmos et la sensation immédiate, la rotation de la Terre et l’émoi amoureux. L’anglais de Lennon réduit les phrases à des évidences presque enfantines, et c’est cette nudité qui frappe.
Pour Harrison, qui a souvent recherché une élévation spirituelle dans ses textes, l’économie verbale de ‘Because’ touche juste. Pas de prêche, pas de doctrine ; un geste : ouvrir les yeux, écouter l’air, suivre le souffle. La chanson n’explique rien, elle dévoile.
La place de « Because » dans la dramaturgie d’Abbey Road
Sur l’album, ‘Because’ arrive après ‘Here Comes the Sun’, instant de lumière pure signé Harrison, et juste avant le début de la grande medley qui court jusqu’à ‘The End’. Ce positionnement est crucial. ‘Because’ fonctionne comme un seuil. C’est le dernier morceau entièrement autonome avant que les fragments s’imbriquent. Il opère comme un temps suspendu, une apnée dans le récit, une chambre d’écho où les voix résonnent avant l’enchaînement final.
L’ironie, relevée par plus d’un auditeur, tient à ce que le titre le plus « rassemblé » – un chœur parfait, une structure harmonique serrée – introduit la partie la plus « fragmentée » d’Abbey Road, souvent associée à l’esprit d’atelier de Paul McCartney. Dans le sillage de ‘Because’, tout vole en éclats contrôlés : ‘You Never Give Me Your Money’, ‘Sun King’, ‘Mean Mr Mustard’, ‘Polythene Pam’, ‘She Came in Through the Bathroom Window’, ‘Golden Slumbers’, ‘Carry That Weight’, ‘The End’. La paix avant la mosaïque.
Pourquoi George Harrison s’y reconnaît
On a souvent voulu lire les débats esthétiques des Beatles à travers l’opposition Lennon–McCartney. Harrison y joue pourtant un rôle décisif. Son agacement devant certaines méthodes de Paul n’est pas un simple caprice. Il reflète un désir d’exister pleinement comme auteur et arrangeur. Si ‘Because’ l’impressionne, c’est que la pièce respecte ce que George chérit alors : un partage du chant, une discipline vocale qui oblige chacun à écouter l’autre, une sobriété instrumentale qui laisse respirer l’harmonie.
En cela, ‘Because’ s’oppose à l’anecdote bien connue où Harrison raconte qu’il pouvait à peine ouvrir son étui de guitare sans qu’on lui intime d’attendre qu’on soit « prêt ». Ici, tout est prêt précisément parce que rien n’est superflu. La chanson prouve qu’au cœur des tensions, les Beatles savent encore suspendre leur querelle au profit d’un résultat d’une pureté stupeur.
L’empreinte du studio : un art de la prise de son
On sous-estime parfois l’importance du son de ‘Because’. La salle de Studio Two à Abbey Road offre une réverbération naturelle dont le mixage tire parti pour envelopper le chœur. George Martin, en producteur-arrangeur, sculpte un équilibre où les voix flottent sans devenir vaporeuses. Les prises successives des parties vocales, parfaitement calées, exigent un contrôle du souffle et un placement milimétré qui impressionnent encore aujourd’hui. On n’est pas loin de la rigueur d’un ensemble vocal classique, mais la couleur reste pop : intime, proche, presque chuchotée.
L’électrification du clavier et le traitement discret de la guitare de John participent à cette esthétique : ni rock frontal, ni baroque ostentatoire. Un entre-deux moderne, qui annonce par endroits les textures vocales du soft rock des années 1970 et, plus loin, les empilements choraux que reprendront nombre de groupes indie. La modernité de ‘Because’ est moins dans la technologie que dans la vision : faire d’un chœur serré l’élément porteur, avec le reste en pénombre.
Une parenté secrète avec les madrigaux
Les commentateurs aiment convoquer Beethoven ; ils oublient parfois une autre filiation : l’art élisabéthain du madrigal. Le goût pour les tierces et sixte parallèles, les entrées mesurées, la narration sans accompagnement envahissant, tout ramène aux pièces où la voix porte la forme autant que le sens. ‘Because’ n’imite rien ; il évoque. C’est un madrigal moderne, où les mots simples remplacent les poésies courtoises et où la métrique épouse l’ondulation de l’arpège.
Cette dimension « vocale d’abord » explique que l’on se rappelle surtout ‘Because’ pour son timbre collectif. Chacun des Beatles y est reconnaissable, mais on retient avant tout le chœur. À l’heure où le groupe s’effrite, ce chœur fait figure d’ultime serment : nous savons encore chanter ensemble.
Le Moog de Harrison : un trait d’union vers l’avenir
L’autre élément marquant est le Moog que George Harrison ramène en studio à l’été 1969. L’instrument, encore rare, n’est pas utilisé ici comme un gadget spectaculaire. Il glisse des lignes presque vocales, qui dialoguent avec les trois voix humaines. Cette qualité organique du synthétiseur tient au jeu mesuré de Harrison, plus coloriste que démonstratif. On est loin des flamboyances électroniques qui marqueront d’autres scènes au tournant des années 1970. Le Moog sert la respiration du morceau ; il ne la détourne pas.
Le paradoxe est plaisant : Harrison, compositeur de ‘Here Comes the Sun’ – titre solaire, acoustique, ouvert – contribue à l’ombre planante de ‘Because’ par ce Moog discret. Entre le jour et la nuit, Abbey Road tient sa balance.
La réception : un classique discret
Lors de la sortie d’Abbey Road à l’automne 1969, ‘Because’ n’a pas l’évidence fédératrice d’un ‘Come Together’ ni l’aura mélodique de ‘Something’. Ce n’est pas un single, ni même une pièce qu’on siffle en sortant. Et pourtant, avec le temps, le morceau s’est imposé comme un pivot esthétique. Les rééditions, les mixes modernes et les démos ont permis de redécouvrir la perfection vocale de la prise. On s’y attarde, on isole les pistes, on mesure la difficulté réelle de la polyphonie. On comprend que Harrison ait parlé d’une harmonie « difficile à chanter » qu’il a fallu « apprendre » comme une pièce de répertoire.
Le public beatlemaniaque d’aujourd’hui range souvent ‘Because’ parmi les titres « pour connaisseurs », ceux qu’on met en avant pour signifier qu’on écoute l’album en entier, pas seulement ses tubes. C’est injuste et révélateur : injuste, parce que la beauté de ‘Because’ ne tient pas à une posture élitiste ; révélateur, parce que le morceau incarne la maturité des Beatles : quatre musiciens capables d’économiser le geste pour atteindre la pureté.
Le dialogue silencieux avec ‘Something’ et ‘Here Comes the Sun’
Choisir ‘Because’ comme titre « le plus impressionnant » n’implique pas que Harrison mésestime ses propres morceaux. ‘Something’ est peut-être la plus belle ballade amoureuse de tout le répertoire des Beatles, et ‘Here Comes the Sun’ un condensé d’optimisme sans naïveté. Mais ces deux chansons respirent un élan mélodique « évident ». ‘Because’, lui, retient son mouvement. Il contemple. Il regarde le monde tourner et s’en tient à la stase. En cela, il complète l’équilibre de l’album : la lumière de George, l’élan de Paul, la gravité de John.
En filigrane, on pourrait lire une solidarité esthétique : le George de 1969, frustré de n’être pas toujours entendu, reconnaît chez John un pari artistique qu’il admire : construire une chanson sans surenchère, sans morale, sans démonstration instrumentale. Juste la forme et l’harmonie.
Le non-dit politique du groupe
Derrière l’analyse musicale, ‘Because’ raconte aussi quelque chose de la politique interne des Beatles. Les remous managériaux, l’arrivée d’Allen Klein, les divergences quant au destin d’Apple, tout concourt à l’épuisement. McCartney cherche des standards de travail plus stricts, Lennon veut parfois démonter la forme, Harrison réclame de l’espace, Starr tente de tenir le tempo humain du groupe. Dans ce chaos feutré, ‘Because’ est un rare moment où la méthode – précision des voix, simplicité du texte, sobriété instrumentale – supplante le débat. On travaille, on chante, on s’ajuste. Le fait même que Harrison en parle comme d’un morceau « difficile à chanter » dit l’effort collectif qui l’a rendu possible.
La poésie du titre : « Parce que… »
Le mot Because installe une subordination. En anglais, tout part d’un parce que ; on attend la cause. Lennon en joue : « Parce que le monde est rond… », « Parce que le vent est fort… », « Parce que le ciel est bleu… ». Il ne donne ni argument ni conclusion, seulement une coïncidence. Le monde est ; je l’aime parce qu’il est. La chanson refuse l’explication et embrasse le constat. Là encore, Harrison ne pouvait qu’être sensible à cette ascèse : lui qui, en d’autres textes, cherchera des mantras et des formules de paix intérieure, entend ici une simplicité qui n’est pas simplisme.
Un écho dans la postérité
Les traces de ‘Because’ sont innombrables. On en retrouve l’esprit dans des harmonies pop sophistiquées des années 1970, dans certaines ballades où la voix triple s’avance comme un instrument. Le morceau a été revisité de multiples façons : dépouillé a cappella pour révéler la dentelle des voix, transcrit pour chœurs et ensembles vocaux qui y voient un terrain d’étude parfait. Plus on écoute ‘Because’, plus la chanson grandit : elle ne s’use pas, elle s’épure.
Ce phénomène explique un paradoxe : au fil des décennies, on a appris à entendre Abbey Road non seulement comme un réservoir de classiques immédiatement mélodiques, mais comme un album de son et d’espace. ‘Because’ y joue le rôle d’une pièce-clef, un pivot acoustique qui, sans jamais forcer, redéfinit ce que peut être une chanson pop.
La modestie de la prouesse
Il faut enfin mesurer la modestie de ‘Because’. Rien ici n’a vocation à épater. Pas de solo spectaculaire, pas d’arrangement envahissant, pas de tour de force tapageur. Et pourtant, chaque détail réclame une exécution irréprochable : l’accordage des voix, la justesse des attaques, la régularité des arpèges, l’équilibre des timbres. C’est un haut niveau caché sous un voile de simplicité. La forme parfaite qui semble aller de soi est toujours la plus difficile à atteindre.
Ce caractère humble et intransigeant à la fois éclaire le choix de Harrison. Lui qui, à l’aube de All Things Must Pass, s’apprête à libérer sa propre écriture, reconnaît dans ‘Because’ un idéal : atteindre l’évidence sans renoncer à la complexité.
Un dernier instant d’unité
On a beaucoup glosé sur ‘Come Together’, souvent entendu comme une invocation ironique à l’union d’un groupe disloqué. Le refrain « Come together… » résonne, en 1969, comme un clin d’œil à peine voilé à la désunion. ‘Because’, au contraire, réalise ce que l’autre titre énonce : l’unité non pas proclamée mais faite. Pendant trois minutes, les Beatles chantent ensemble d’une seule voix multipliée. On tient peut-être là, plus encore que dans la medley finale, leur dernière image commune : trois voix indissociables, soutenues par l’ombre moog d’un quatrième, liées par le geste discret de George Martin.
Que George Harrison ait qualifié ‘Because’ de morceau « le plus impressionnant » d’Abbey Road n’a donc rien d’un compliment poli. C’est le diagnostic d’un musicien qui sait ce que chanter ensemble veut dire, qui mesure la difficulté des choses simples et l’exigence de la beauté tenue. Dans le vacarme des récits de séparation, ‘Because’ demeure un silence habité, un moment où l’on cesse de se disputer pour respirer à l’unisson.
Épilogue : ce que « Because » nous apprend encore
Plus de cinquante ans plus tard, ‘Because’ continue d’enseigner une leçon que les Beatles avaient apprise à la dure : la cohésion n’est pas la négation des individus, c’est l’art d’entendre l’autre. Le morceau n’offre pas de morale, seulement un état. Il attire l’oreille vers ce que la musique peut faire de plus simple et de plus mystérieux : faire vibrer le monde dans trois voix qui se cherchent et se trouvent.
Sur Abbey Road, le disque de tous les équilibres, ‘Because’ est la pause qui révèle tout le reste : après la lumière de ‘Here Comes the Sun’, avant la fresque finale, il rappelle que l’essentiel tient souvent dans une phrase tenue, un souffle partagé. On comprend alors, avec George Harrison, pourquoi cette chanson impressionne tant. Parce que le monde est rond. Parce que le vent est haut. Parce que le groupe, l’espace d’un instant, ne fait plus qu’un.
