Yoko Ono a déclaré qu’Oasis était « en quelque sorte un groupe que John a créé », soulignant à quel point Lennon a influencé la vision musicale et l’attitude des Gallagher. De la mélodie à l’attitude scénique, Oasis incarne l’héritage vivant des Beatles, et surtout de Lennon.
On a déjà tenté l’exercice sur grand écran : imaginer un monde orphelin des Beatles. Le film Yesterday de Danny Boyle s’en amuse, mêlant uchronie pop et romance, et laisse entrevoir la profondeur du vide qu’un tel effacement ouvrirait. La fiction force le trait, mais l’intuition est juste : sans John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr, la culture populaire n’aurait pas pris la même courbe, la musique non plus, et des pans entiers de nos communautés de fans — ce que l’on appelle aujourd’hui des fandoms — n’auraient pas trouvé leur langage. En février 1964, lorsque les Beatles passent à The Ed Sullivan Show, plus de 73 millions de téléspectateurs américains découvrent l’onde de choc en direct ; ce soir-là, l’Amérique bascule et une cohorte d’enfants et d’adolescents se promet à la musique. Le butterfly effect est lancé.
Ce courant d’air soulève, vingt-trente ans plus tard, des groupes qui réinventent le classicisme britannique à leur main. Dans les années 1990, le Britpop s’affirme, et Oasis impose sa silhouette : hymnes fédérateurs, refrains taillés pour les stades, mélodies lennoniennes assumées. Si l’on suit la logique des filiations, ce sont des petits-fils de Lennon/McCartney qui s’emparent des années Cool Britannia. À tel point que Yoko Ono, gardienne du feu et compagne de John, a pu dire — avec une pointe d’ironie, beaucoup d’indulgence et une perception aiguë des dynamiques d’influence — qu’Oasis était, en un sens, un groupe que John Lennon avait « créé ». La formule claque ; elle dit, surtout, une vérité : le modèle Lennon a fourni aux frères Gallagher un cadre esthétique, une attitude, une vision de l’auteur-interprète capable d’emplir un stade sans renoncer à l’intime.
Sommaire
- Yoko Ono, John Lennon et la « création » indirecte : ce que la phrase veut dire
- De Ed Sullivan à Knebworth : le modèle Beatles en transmission continue
- Britpop : ce que Lennon lègue à Noel et Liam Gallagher
- « Don’t Look Back in Anger » ou comment un piano peut faire un monde
- Yoko, l’accessibilité, et le droit d’essayer
- Le fan comme acteur : des Beatles aux communautés XXIe siècle
- « Il a fait un travail incroyable » : vision, visualisation, visionnaire
- Lennon et la tentation des fils : d’Oasis aux Arctic Monkeys, de The Strokes à The Killers
- Yoko Ono, concept art et musique pour tous : la boucle est bouclée
- Le débat Oasis/Beatles : pourquoi il faut désarmer l’absurde
- Manchester, Liverpool, et l’Angleterre qui se regarde dans un miroir
- Lennon, pédagogue involontaire : le droit au « premier degré »
- « Créé » par Lennon, aidé par trois autres : ce que la collectivité change à l’analyse
- La mésentente créatrice : John & Paul, Noel & Liam, un même moteur ?
- Yesterday, cigarettes, Harry Potter… et tout ce qu’un beatle change sans qu’on le sache
- Et si l’on parlait de valeur : ce que Oasis doit à John, ce que John recevrait d’Oasis
- Lennon n’a pas « inventé » Oasis : il a permis qu’Oasis soit possible
- Épilogue : la phrase de Yoko, comme une clef
Yoko Ono, John Lennon et la « création » indirecte : ce que la phrase veut dire
Mettons d’emblée la phrase entre guillemets métaphoriques. Lorsque Yoko Ono affirme qu’elle est heureuse qu’il existe un groupe qu’en réalité John a “créé”, elle ne parle pas d’un atelier secret où Lennon aurait façonné Oasis de ses mains. Elle saisit plutôt ce qui fait la force de l’héritage : des gestes, des postures, un imaginaire transmis qui deviennent, ailleurs et plus tard, matrice pour d’autres. Cette idée se tient à trois niveaux.
D’abord, la figure de l’auteur. Chez Lennon, l’écriture mêle confession et projection ; le « je » est à la fois arme et refuge. Oasis hérite de ce droit à la première personne qui ose le manifeste (« Today is gonna be the day… »), assume la fragilité (« Don’t look back in anger »), tutoie le collectif sans perdre l’axe intime. Dans le sillage de John, Noel Gallagher plaque des accords simples et évidents sur des textes qui se veulent universels ; on reconnaît la méthode.
Ensuite, la mélodie : Lennon a montré comment une ligne très pure peut porter un monde. La piano-guitare de « Imagine » a servi de boussole à une génération entière. Oasis en retient l’essentiel : des hymnes où tout paraît facile, parce que l’équilibre harmonie-rythme a été peaufiné jusqu’à l’évidence. Les introductions au piano, les montées chorales, les ponts qui ouvrent l’espace : l’ADN est lisible.
Enfin, l’attitude. Lennon a cadré un rapport au public : franc, parfois insolent, jamais servile. Oasis reprend ce feu et le jette devant lui, assumant le verbe haut, l’intransigeance, l’aplomb qui font les chefs de meute scéniques. On peut contester la comparaison ; on ne peut ignorer la parenté.
Que Yoko Ono dessine ce fil n’a rien d’étonnant. Elle a souvent salué la puissance des artistes qui portent du bien — good power — dans l’espace public, voyant dans Oasis l’une de ces énergies à embrasser plutôt qu’à railler. Sa lecture dépasse l’hommage : elle replace Oasis dans une cartographie où les Beatles ont tracé la ligne de base et où les héritiers dessinent des variations.
De Ed Sullivan à Knebworth : le modèle Beatles en transmission continue
Le 9 février 1964, les Beatles captent 73 millions de regards américains en une soirée. Dans les salons, des enfants restent hypnotisés par la coupe, la cadence, l’humour, la clarté des chansons. Bruce Springsteen, Tom Petty, Billy Joel et tant d’autres racontent ce moment comme une révélation. Trente ans plus tard, Oasis mettra à son tour une génération debout. Les concerts de Knebworth en 1996 feront date : deux nuits, un raz-de-marée de demandes, des foules compactes qui reprennent des refrains en chœur. Dans ce miroir, la courbe est visible : Sullivan et Knebworth sont deux baptêmes collectifs, deux rites d’entrée dans une culture commune.
Ce passage de témoin ne se réduit pas à une litanie d’influences. Il trace une grammaire du spectacle populaire : un groupe n’additionne pas seulement des chansons, il propose une vision du nous. Les Beatles ont montré qu’on peut être radicalement moderne en restant accessible. Oasis en tire la leçon : des chansons sans portes, où l’on entre par une ligne de piano ou un riff et d’où l’on ressort plus grand, un peu réconcilié avec soi-même. Dans ce sens, la conviction de Yoko Ono rejoint une évidence d’historien : Lennon a contribué à inventer des formes qui se réincarnent au fil des décennies.
Britpop : ce que Lennon lègue à Noel et Liam Gallagher
On caricature parfois Oasis en Beatles sous stéroïdes. C’est commode et faux. Le groupe de Manchester pratique une synthèse : punch punk, ampleur mélodique héritée des sixties, attitude de foot anglais. Ce qui vient de Lennon chez Noel ? Une façon d’aimanter le simple. Écrire une progression qui s’impose d’elle-même, puis l’ouvrir comme un accordéon pour le stade. La rhétorique d’Oasis — slogans émotifs, phrases laconico-épiques, collectifs — doit autant au John de « All You Need Is Love » et « Revolution » qu’au Dylan électrique.
Chez Liam, l’héritage est plus gestuel. C’est l’art du timbre nasal, la posture face au micro, la ligne qui traîne à peine en arrière du temps. Si Lennon est un styliste de la diction, Liam en prolonge l’estampe à sa manière — plus rugueuse, moins mutante, mais identitaire à la première seconde. Que Liam ait prénommé son fils Lennon n’est pas un folklore ; c’est un signe d’allégeance musicale. Que Yoko se soit amusée de ce choix, mi-taquine, mi-sceptique, dit la liberté avec laquelle elle navigue ces jeux de références.
« Don’t Look Back in Anger » ou comment un piano peut faire un monde
S’il faut un cas d’école, prenons « Don’t Look Back in Anger ». Le piano d’ouverture lorgne — sans s’y dissoudre — du côté de « Imagine ». Non qu’il copie ; il tend un pont. L’harmonie diatonique, les cadences lisses, la respiration du tempo, tout sert un chant qui n’est pas une imitation, mais une affiliation. Noel chante ici, et sa voix lisse, posée au centre, contraste avec le grain de Liam ; on entend le modèle Lennon qui autorise l’émotion sans effets.
Sur scène, la chanson devient un rituel. Dans les stades, des chorales spontanées naissent à l’attaque du refrain. Là encore, le modèle Beatles saute aux yeux : un motif très simple, mémorisable au premier contact, mais qui ouvre la porte à mille niveaux d’identification. C’est ce que Lennon a su léguer : des formes qui accueillent l’autre, qui laissent au public la liberté d’entrer avec sa propre histoire.
Yoko, l’accessibilité, et le droit d’essayer
On se tromperait à ne voir en Yoko Ono que la veuve gardienne du temple. Artiste conceptuelle, performeuse Fluxus, elle a porté très tôt l’idée que l’art est une invitation. Le livre-partition Grapefruit ou les instructions qui le composent composent une batterie de gestes qu’on peut faire chez soi, dans la rue, en groupe. Cette démocratisation du faire a un lien avec l’élan que Lennon a imprimé à la musique : l’idée que des chansons peuvent donner envie aux autres de s’y mettre. Lorsque Yoko salue la puissance d’Oasis, elle salue moins une ressemblance qu’une capacité à ouvrir la porte. Oasis dirait : « tu peux le faire ». C’est exactement ce que les Beatles ont dit, en 1964, à 73 millions d’Américains cloués devant leur poste : « viens, c’est pour toi ».
Le fan comme acteur : des Beatles aux communautés XXIe siècle
Sans les Beatles, nos fandoms n’auraient pas ce visage. Des clubs de l’ère analogique aux réseaux sociaux, une idée persiste : le fan n’est pas seulement un consommateur, il est un co-auteur de l’histoire d’un groupe. L’iconographie du drop-T, les photos devant les passages piétons, les reprises en chambre, les chants de tribune, les bannières dans les stades : tout cela participe de la fabrique du mythe. Oasis l’a compris très tôt et a convoqué cet imaginaire, jusqu’à réactiver au milieu des années 1990 une fierté pop britannique en quête de porte-drapeaux. Dire qu’Oasis a été « créé » par Lennon, c’est aussi reconnaître que le fan de 1995 se nourrit d’un réservoir de signes assemblés trois décennies plus tôt.
« Il a fait un travail incroyable » : vision, visualisation, visionnaire
Dans la phrase de Yoko Ono, un mot intrigue : « visualising ». Lennon était, dit-elle, excellent pour visualiser. Que veut-elle dire ? Qu’il possédait ce talent de voir une forme avant qu’elle n’advienne. Cela vaut pour une chanson — la structure, l’économie, la respiration —, pour une pochette, un événement (les Bed-Ins), une position dans le débat public. Dans cette optique, Oasis est moins une copie qu’une projection réussie : des artistes qui, à leur tour, visualisent la forme d’un groupe populaire total — son, style, affect, iconographie — et l’exécutent avec une conviction qui emporte les foules.
Parler de « travail incroyable » à propos de Lennon, c’est aussi rappeler la discipline sous le mythe. Derrière l’apparent éclat, il y a des journées de studio, des prises, des coupures, des pistes jetées, reprises, épurées. Noel partage ce goût pour la forme qui tombe juste ; on l’entend raboter un mot, recaler un accord, réécrire un pont pour que le morceau rende. Cette éthique du métier, Yoko sait la reconnaître.
Lennon et la tentation des fils : d’Oasis aux Arctic Monkeys, de The Strokes à The Killers
La ligne ne se limite pas à Oasis. Les Arctic Monkeys, surgis au milieu des années 2000, prônent une écriture au scalpel, des mélodies fines, une ironie qui doit autant à la littérature anglaise qu’aux Beatles. The Strokes ont réinvesti la guitare avec une économie de moyens qui fait écho au John de 1968-1969 : laisser respirer le riff, dire moins pour que tout s’entende. The Killers, dans leur versant le plus anthemique, rejouent la tentation de la grande ballade fédératrice, criblée de lignes-mémoires. Tracer ces correspondances ne sert pas à distribuer des brevets d’héritage, mais à rappeler que Lennon a offert un alphabet. D’autres ont écrit, avec le même alphabet, des romans différents.
Yoko Ono, concept art et musique pour tous : la boucle est bouclée
Quand Yoko insiste sur l’accessibilité de l’art, elle n’en fait pas une banalisation : elle parle d’exigence démocratique. Une instruction simple peut exiger une attention extrême ; une chanson immédiate peut être savante. Lennon a pratiqué ce grand écart ; Oasis aussi, à sa manière. Ce qui réunit ces mondes, c’est la confiance dans le public. On lui tend la main, on ne l’éprouve pas, on le convie. D’où, peut-être, le sentiment de Yoko que John a « créé » Oasis : non pas parce que Noel aurait pillé la boîte à outils, mais parce que la croyance dans une pop qui rassemble tout en s’écrivant au plus simple est, chez lui, fondatrice.
Le débat Oasis/Beatles : pourquoi il faut désarmer l’absurde
Il y eut des petites phrases — fanfarons chez les uns, mordantes chez les autres — sur qui était « plus grand » que qui. Pris au premier degré, le jeu est stérile. Il a pourtant une utilité : rappeler que la confrontation est aussi un moteur de la pop. Oasis s’est construit contre des fantômes prestigieux, puis a rendu hommage à ceux-là mêmes qu’il provoquait. Lennon — qui adorait les pirouettes — n’aurait pas détesté ce pied-de-nez ; il a toujours pensé que la culture avance à coups de défis, de reprises, de réappropriations. En ce sens, la lecture de Yoko n’est pas une provocation : c’est une clarification. Oasis est un enfant de Lennon qui, fidèle à l’esprit du père, refuse la soumission et choisit la confrontation créative.
Manchester, Liverpool, et l’Angleterre qui se regarde dans un miroir
On parle de généalogie musicale, on oublie souvent la géographie. Liverpool et Manchester se font face, deux villes portuaires au sens large, ouvertes sur les flux, trempées dans le travail, les luttes, la fierté. Le merseybeat puis la British Invasion ont exporté l’imaginaire de l’une ; la vague Mancunienne des années 80-90 (de Joy Division aux Stone Roses, d’Happy Mondays à Oasis) a fait rayonner l’autre. Dans ce va-et-vient, un héritage circule : la conviction que des chansons écrites entre pub et local de répèt peuvent parler au monde. De Lennon à Gallagher, ce n’est pas qu’affaire de cadences ; c’est un caractère.
Lennon, pédagogue involontaire : le droit au « premier degré »
Si Oasis a tant touché, c’est qu’il a rendu au premier degré sa dignité. Dire « maybe, I don’t really wanna know » et y mettre tout son cœur, ce n’est pas simpliste ; c’est une esthétique. Lennon l’a pratiquée, parfois jusqu’au risque : l’évidence de « All You Need Is Love », la naïveté assumée de « Imagine ». En dépit des procès en mièvrerie, il a maintenu que la clarté pouvait porter une ambition. Oasis a pris la balle au bond : le premier degré est un acte de courage dans un monde qui valorise l’ironie. Là encore, Yoko reconnaît chez les uns ce que John avait tant défendu : l’accessibilité comme choix artistiquement exigeant.
« Créé » par Lennon, aidé par trois autres : ce que la collectivité change à l’analyse
La phrase de Yoko ajoute un complément : « avec l’aide des trois autres ». On aurait tort de ne pas l’entendre. Elle rappelle que la vision de Lennon s’est constituée dans un collectif. Sans McCartney, Harrison, Starr, George Martin, les Beatles n’auraient pas cette signature. Or c’est précisément ce modèle collectif qu’Oasis récupère à sa façon : deux frères au cœur, un groupe qui se voit comme une unité esthétique, un clan plus encore qu’une somme de virtuoses. La création n’est pas l’œuvre d’un solitaire ; elle est un jeu d’équipe. C’est aussi cela que Yoko salue : la réinvention d’un nous cohérent.
La mésentente créatrice : John & Paul, Noel & Liam, un même moteur ?
On l’a dit mille fois : sans la tension entre Lennon et McCartney, pas de Beatles à ce niveau. L’acide fait briller le sucre, et inversement. On pourrait risquer un parallèle avec la dialectique Noel/Liam. L’un écrit, structure, visionne ; l’autre incarne, projette, enflamme. Bien sûr, les trajectoires diffèrent, les résultats aussi. Mais l’idée demeure : l’étincelle naît d’un frottement. Yoko connaît intimement ce mécanisme. Lorsqu’elle reconnaît chez Oasis une création lennonienne, elle reconnaît aussi une qualité de friction. La pop aime les duos difficiles ; ils font de bonnes chansons.
Yesterday, cigarettes, Harry Potter… et tout ce qu’un beatle change sans qu’on le sache
Revenons un instant à la fiction. Dans Yesterday, la disparition des Beatles entraine d’autres absences bizarres : des marques, des livres, des habitudes. L’idée est fantaisiste, mais elle pointe une réalité : un groupe change plus que la musique. Les Beatles ont influencé des façons de s’habiller, des habitudes de travail en studio, des carrières entières dans les médias, la photographie, la promotion. Ils ont normalisé l’idée qu’un groupe peut porter une vision qui débordera l’album. Oasis a, à son tour, réactualisé ce pouvoir au milieu des nineties. Que Yoko établisse la lignée ne relève pas du fan service ; c’est une lecture sérieuse de ce que les formes font au monde.
Et si l’on parlait de valeur : ce que Oasis doit à John, ce que John recevrait d’Oasis
La dette est claire : Oasis doit à Lennon une grammaire et une audace. Mais le mouvement va dans les deux sens : Lennon aurait, sans doute, aimé la franchise des Gallagher, leur méfiance envers les habillages, leur façon de rendre à la mélodie le premier rôle. Il aurait goûté la force d’une nation qui reprend des refrains au stade et s’y reconnaît. En ce sens, la phrase de Yoko tient de la conversation d’outre-temps : John, tu as ouvert une porte, d’autres l’ont franchie en courant, et c’est bien.
Lennon n’a pas « inventé » Oasis : il a permis qu’Oasis soit possible
C’est la conclusion raisonnable. Les Beatles n’ont pas pré-écrit les années 1990 ; ils ont rendu possible une façon d’y réussir. Oasis a sa propre histoire — Manchester, Creation Records, Alan McGee, des tournées qui disloquent, des sessions où l’on trouve les angles, des ruptures qui usent puis libèrent. Mais la possibilité d’un groupe qui marche au premier degré, qui dit « nous » sans complexe, qui assume ses dettes et les rend en hymnes, c’est bien Lennon et les Beatles qui l’ont schématisée.
Épilogue : la phrase de Yoko, comme une clef
« Je suis heureuse : c’est en quelque sorte un groupe que John a créé. Il a fait un travail incroyable, avec l’aide des trois autres. Sa vision les a portés. Il visualisait très bien. » On peut en débattre, on peut la railler, on peut la chérir. Elle cristallise pourtant l’essentiel : la création n’est pas un brevet à défendre, mais une source à partir de laquelle des fleuves multiples courent. Oasis est un de ces fleuves. Et dans son courant, on entend encore le bruissement d’un homme qui, à Liverpool, a décidé qu’une chanson simple pouvait changer la vie de millions d’inconnus.
