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George Harrison et « Beware of Darkness » : une chanson qu’il voulait cacher

Publié le 23 octobre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

George Harrison voyait « Beware of Darkness » comme une œuvre inachevée et ne souhaitait pas que ses premières versions soient dévoilées. Pourtant, cette chanson est devenue l’un des joyaux de l’album « All Things Must Pass ». Son refus de publier certaines démos illustre son exigence artistique et sa quête de perfection.


Lorsque George Harrison quitta les Beatles, ce n’était pas seulement pour se libérer de l’ombre écrasante de Lennon et McCartney. Il aspirait à une autonomie artistique totale, à un espace où il pourrait pleinement exprimer son talent de compositeur et sa vision musicale. L’albumAll Things Must Pass, sorti en 1970, fut l’illustration éclatante de cette ambition, un chef-d’œuvre en trois disques qui demeure l’un des plus grands accomplissements d’un ancien Beatle. Pourtant, au milieu de cette profusion créative, certaines chansons ne devaient, selon lui, jamais voir le jour sous leur forme embryonnaire. Parmi elles,Beware of Darkness.

Sommaire

Un album manifeste

Dès les premières notes deAll Things Must Pass, l’auditeur comprend que Harrison a pris une direction résolument différente de celle des Beatles. Finies les compositions soumises à l’approbation de Lennon et McCartney : ici, Harrison déploie librement son univers. Il s’entoure des meilleurs musiciens de l’époque, dont Eric Clapton et les membres deDerek and the Dominos, pour livrer une œuvre à la fois spirituelle et profondément personnelle.

L’album regorge de morceaux marquants, allant de la pop enjouée deApple Scruffsà la dévotion mystique deMy Sweet LordetAwaiting on You All. Harrison y alterne légèreté et gravité, toujours guidé par sa quête de sens et son désir de partager une sagesse acquise au fil des ans.Run of the Mill, par exemple, est une réflexion acerbe sur la responsabilité individuelle et les relations humaines, tandis queBeware of Darknessprend des allures d’avertissement métaphysique.

Une genèse hésitante

SiBeware of Darknessest aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes compositions de Harrison, son auteur lui-même ne souhaitait pas que ses premières versions soient diffusées. Ce morceau, sombre et introspectif, met en garde contre les illusions et les dangers qui guettent l’âme. Son message universel et sa mélodie poignante en font un des sommets de l’album, mais Harrison estimait que la chanson n’était pas prête lorsqu’elle fut captée sous forme de démo.

Dans une interview, il confia son désarroi face à la publication de ces enregistrements inachevés :« Je ne savais même pas que cette version avait été enregistrée à l’époque. Elle est sortie plus tard sur un bootleg, et c’est étrange de voir quelque chose que vous n’avez jamais envisagé comme un enregistrement officiel se retrouver entre les mains du public. J’ai un problème avec tout ça. »

Cette réaction illustre bien la posture d’Harrison face à son œuvre. Contrairement à Lennon, qui pouvait apprécier le côté brut d’une démo, ou à McCartney, toujours prompt à peaufiner un morceau jusqu’à sa forme définitive, Harrison voyait ses chansons comme des entités devant atteindre un degré de maturité suffisant avant d’être dévoilées au public.

L’alchimie d’une grande chanson

Le processus de création d’une chanson est souvent long et mystérieux. La genèse deBeware of Darknessen est un parfait exemple. Harrison, à travers ses années d’apprentissage au sein des Beatles, savait qu’un morceau ne naît pas toujours dans une fulgurance inspirée. Il faut du temps pour le modeler, l’affiner, lui donner toute sa puissance émotionnelle.

L’albumAll Things Must Passa connu de nombreuses rééditions et remixages au fil des ans, permettant aux fans d’accéder aux coulisses de sa création. Ces versions alternatives, bien que fascinantes, ne correspondent pas toujours à la vision initiale de l’artiste.Beware of Darkness, en particulier, fut enregistrée sous différentes formes avant d’atteindre son expression définitive, et Harrison aurait préféré que certaines étapes intermédiaires restent dans l’ombre.

Un regard sur la création musicale

L’histoire deBeware of Darknessrappelle à quel point le processus de composition peut être complexe et intime. Aujourd’hui, grâce à des documentaires commeGet Back, nous avons pu voir Paul McCartney composer une chanson en temps réel. Mais ces moments de création pure, où une simple idée prend forme et s’épanouit, restent rares. Ils témoignent de la magie inexplicable qui préside à la naissance des grandes œuvres musicales.

Même si Harrison ne voulait pas que les premières versions deBeware of Darknesssoient révélées, elles offrent aux auditeurs une occasion unique d’explorer son processus créatif. Car au final, une grande chanson n’est pas simplement un enchaînement de notes et de paroles : c’est le fruit d’un cheminement intérieur, d’un travail patient, parfois douloureux, mais toujours sincère. Et dans ce domaine, George Harrison fut sans doute l’un des plus grands alchimistes de son temps.


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