En 1972, John Lennon, connu pour son franc-parler, quitte furieux une émission de radio après avoir entendu Magical Misery Tour, une parodie mordante du National Lampoon. Ce titre, inspiré de ses interviews, tournait en dérision son ego et sa vulgarité. Incapable de supporter la moquerie, Lennon révéla ainsi son hypersensibilité face à la critique.
John Lennon n’a jamais été un homme à garder sa langue dans sa poche. Si son franc-parler et son humour cinglant lui ont permis de marquer son époque, ils lui ont aussi valu de nombreuses inimitiés. Mais s’il y a bien une chose que l’ancien Beatle ne supportait pas, c’était d’être tourné en ridicule. Un épisode survenu en 1972 illustre parfaitement cette aversion : alors qu’il était invité dans une émission de radio avec Yoko Ono, il entendit une parodie de sa propre musique et, furieux, quitta immédiatement le studio.
Sommaire
- Une satire mordante qui ne passe pas
- Une réaction explosive
- Lennon et la critique : un artiste à fleur de peau
- L’héritage deMagical Misery Tour
Une satire mordante qui ne passe pas
La chanson incriminée,Magical Misery Tour, est une création du magazine satiriqueNational Lampoon, réputé pour son humour acerbe. écrite par les humoristes Tony Hendra et Michael O’Donoghue, elle figurait sur l’albumRadio Dinner, une compilation de sketches et de chansons parodiques visant plusieurs figures de la culture populaire. Mais c’est surtout Lennon qui fut la cible principale de cette satire.
S’appuyant sur une interview donnée par le chanteur àRolling Stoneen 1970, le morceau tournait en dérision son ego, ses relations avec ses anciens camarades des Beatles et son langage souvent vulgaire. Imitant son timbre de voix, Hendra chantait des phrases comme« Je déteste devoir me produire pour vous, bande de c… »et« Je ne vous dois rien, alors allez vous faire f… ». Le titre même,Magical Misery Tour, était une référence directe à l’albumMagical Mystery Tourdes Beatles, mais détournée pour accentuer le ressentiment supposé de Lennon après la séparation du groupe.
Une réaction explosive
Pour John Lennon, qui avait toujours assumé une posture provocatrice et sans filtre, cette caricature fut une véritable offense. Lorsqu’un DJ eut l’audace de diffuserMagical Misery Touren direct, la réaction du chanteur ne se fit pas attendre. Bouillonnant de rage, il interrompit l’interview et quitta immédiatement le studio, incapable d’accepter cette vision de lui-même.
Tony Hendra, dans son livreGoing Too Farpublié en 1987, raconte cet épisode et souligne à quel point Lennon fut blessé par cette parodie. Loin de s’en amuser, il y vit une attaque personnelle qui, selon Hendra, révélait en réalité son hypersensibilité et son besoin constant de contrôler son image publique.
Lennon et la critique : un artiste à fleur de peau
Ce n’était pas la première fois que John Lennon réagissait violemment à la critique. Depuis la dissolution des Beatles en 1970, il s’était efforcé de réaffirmer son identité artistique en solo, multipliant les déclarations polémiques sur ses anciens camarades, notamment Paul McCartney. Son albumPlastic Ono Bandmarquait un retour à une forme de dépouillement brutal, sans concession, où il exprimait sa colère et son désenchantement vis-à-vis de la célébrité et du show-business.
Mais si Lennon pouvait se montrer acerbe envers les autres, il supportait mal d’être lui-même moqué.Magical Misery Tourlui renvoyait une image exagérée, certes, mais qui faisait écho à certains aspects de sa personnalité : son arrogance perçue, ses propos parfois incohérents, et sa tendance à se poser en génie incompris. Ce miroir déformant lui était insupportable.
L’héritage deMagical Misery Tour
Loin de disparaître dans l’oubli, la chanson est restée une curiosité pour les fans des Beatles et de Lennon. Elle témoigne du climat culturel des années 1970, où la critique et la satire jouaient un rôle essentiel dans la remise en question des icônes de la musique.National Lampoon, avec son humour corrosif, a continué à influencer des générations d’humoristes et de musiciens adeptes de la parodie.
Quant à Lennon, il n’a jamais publiquement commenté cet incident par la suite, mais son attitude ce jour-là en dit long sur la complexité de sa personnalité. Entre provocateur invétéré et artiste ultra-sensible, il oscillait constamment entre le besoin de choquer et la nécessité d’être pris au sérieux. Et si son talent et son charisme restent indiscutables, cet épisode rappelle que, derrière l’image du rockeur rebelle, se cachait aussi un homme vulnérable, incapable d’accepter que l’on se moque de lui comme il se moquait des autres.
