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« Got My Mind Set On You » : George Harrison en plein ciel, cap sur Cloud Nine

Publié le 26 octobre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

En 1987, George Harrison revient en grâce avec « Got My Mind Set On You », reprise d’un titre soul des années 60. Produit par Jeff Lynne, ce single devient son dernier n°1 américain solo, alliant efficacité pop, humour visuel et élégance musicale. Porte d’entrée de l’album Cloud Nine, il marque une renaissance artistique et annonce l’aventure des Traveling Wilburys.


À l’automne 1987, George Harrison sort du silence. Cinq ans après Gone Troppo, le plus discret des ex-Beatles renoue avec la lumière, la guitare lustrée et le sourire en coin. « Got My Mind Set On You », single bondissant extrait de « Cloud Nine », devient en quelques semaines un phénomène radiophonique et télévisuel. Derrière sa simplicité apparente — un refrain martelé, une rythmique qui avance tout droit — se cache une histoire étonnante : la reprise d’une obscurité soul des sixties signée Rudy Clark et chantée par James Ray en 1962. En janvier 1988, la version d’Harrison s’installe au sommet du Billboard Hot 100, ultime n°1 américain pour un ancien Beatle en solo, et annonciatrice d’une renaissance artistique appelée à rayonner jusque dans l’aventure des Traveling Wilburys.

Sommaire

  • Un retour qui n’a rien du hasard
  • Aux origines : un 45 tours oublié de 1962
  • Comment Harrison s’est réapproprié la chanson
  • Une équipe de studio cinq étoiles
  • Deux clips, une conquête de MTV
  • Hors du temps et de son auteur : une reprise devenue signature
  • La science Lynne/Harrison : comment moderniser sans fard
  • Cloud Nine : l’album d’une réconciliation
  • Le contexte : de l’ombre à la pleine lumière
  • Les chiffres qui parlent
  • Pourquoi cette chanson-là a tout emporté
  • Une « reprise » qui ne l’est plus tout à fait
  • Les vidéos : comédie, bricolage et pop conquérante
  • La face cachée du single : « Lay His Head »
  • Un effet domino : des Wilburys à la mémoire collective
  • Le dernier n°1 solo d’un ex-Beatle : sens et limites d’un record
  • Pourquoi cette énergie a bien vieilli
  • James Ray, Rudy Clark : la réparation mémorielle
  • Une affaire de son : la basse qui pousse, le cuivre qui sourit
  • La voix : un sourire timbre-poste
  • Ce que la chanson a changé pour Harrison
  • Le regard des critiques : simplicité gagnante
  • Du disque à la scène : une joie communicative
  • La place du single dans l’écosystème 1987-1988
  • Héritages : de « When We Was Fab » à la postérité anthologique
  • Une note sur l’art d’Harrison : joie, pudeur, précision
  • 1987 vu depuis 2025 : pourquoi on l’écoute encore
  • Un tube, un totem, un passage
    • Crédits et repères discographiques

Un retour qui n’a rien du hasard

À lire les palmarès, « Got My Mind Set On You » surgit comme un éclair bleu : entrée au Hot 100 fin octobre 1987, ascension régulière, n°1 le 16 janvier 1988, exactement une semaine avant l’intronisation des Beatles au Rock & Roll Hall of Fame. Le symbole est parfait : pendant que la légende collective est célébrée, Harrison prouve qu’il n’est pas un musée ambulant. Sa chanson, énergique et lumineuse, chevauche la nouvelle année et traverse l’hiver comme un météore. Dans la chronologie solo du guitariste, c’est la première présence sur les charts américains depuis « Wake Up My Love » en 1982, et le premier très grand hit depuis « All Those Years Ago » (n°2 en 1981), l’hommage endeuillé à John Lennon. Cette fois, il ne s’agit pas d’un chant de deuil ni d’une introspection ; c’est le plaisir pop redevenu évident.

Aux origines : un 45 tours oublié de 1962

L’histoire commence au début des années 60. James Ray, chanteur de R&B au timbre velouté, enregistre pour le label Dynamic Sound le morceau « I’ve Got My Mind Set On You », composé par Rudy Clark. La chanson ne s’impose pas dans les classements ; elle demeure confidentielle, éclipsée par le petit succès de « If You Gotta Make A Fool Of Somebody ». Pourtant, le titre laisse une empreinte chez un jeune guitariste anglais qui découvre l’Amérique au fil de voyages familiaux : George Harrison. En 1963, chez sa sœur dans l’Illinois, il farfouille dans des bacs de disquaires et ramène, parmi d’autres curiosités, le disque de James Ray. La graine est plantée ; elle mettra vingt-quatre ans à lever.

Comment Harrison s’est réapproprié la chanson

Reprendre « I’ve Got My Mind Set On You » en 1987 n’est pas un geste nostalgique, c’est une réécriture. Harrison garde l’ossature mélodique et la promesse d’entêtement du refrain, mais réinvente l’architecture sonore : guitare slide en dentelle métallique, saxophones qui ponctuent, batterie à la frappe souple, et surtout cette épaisseur moderne — basse et claviers — qui porte la chanson dans l’air du temps sans l’alourdir. À la production, Jeff Lynne (ELO) met en œuvre une signature devenue repère à la fin des années 80 : harmonies de chœurs, compression soyeuse, bas médium soigné et groove élastique. Le résultat est immédiat : là où la version 1962 flirtait avec un R&B orchestral, la mouture 1987 devient une pop-rock irrésistible, calibrée pour la FM internationale et la rotation lourde à la télévision musicale.

Une équipe de studio cinq étoiles

Si « Got My Mind Set On You » sonne si large, c’est aussi grâce à la dream team réunie autour d’Harrison et de Lynne pendant les sessions de janvier à août 1987. Aux côtés du leader : Jim Keltner à la batterie, Jim Horn aux saxophones, Ray Cooper aux percussions. Lynne lui-même empile basse, synthétiseurs et chœurs. On retrouve là des artisans habitués des grands disques : Keltner, frappeur aux mille nuances ; Horn, héritier direct des sections cuivrées du rock californien ; Cooper, coloriste précis. Cette équipe ne surcharge jamais : elle respire, laisse la voix d’Harrison s’installer avec sa patine ambrée, et donne à la guitare slide le champ nécessaire pour chanter entre les lignes.

Deux clips, une conquête de MTV

À la fin des années 80, un single ne devient pas planétaire sans images fortes. Harrison, longtemps éloigné des codes télévisuels, joue la carte du clip avec une élégance narquoise. Deux versions sont tournées, toutes deux réalisées par Gary Weis. La première met en scène un jeune homme — l’acteur Alexis Denisof — dans une salle d’arcade, essayant de gagner le cœur d’une fille en remportant un lot. Harrison et son groupe apparaissent dans un kinétoscope, clin d’œil au cinéma primitif. La seconde, devenue iconique, se déroule dans un salon-bibliothèquemeubles et biblos s’animent ; Harrison, impassible, y exécute un backflip et une chorégraphie pastichée via une doublure danseur. Le ton est loufoque, les effets spéciaux maison délicieux ; la télévision adore. Les nominations aux MTV Video Music Awards achèvent d’installer la chanson dans la culture visuelle de 1987-1988.

Hors du temps et de son auteur : une reprise devenue signature

Paradoxe savoureux : des trois n°1 américains de George Harrison en solo, « Got My Mind Set On You » est le seul qu’il n’a pas écrit. Et pourtant, pour toute une génération, c’est sa chanson. L’interprétation en dit long : grain de voix patiné, joie non feinte, tempo qui garde le sourire tout en pressant le pas. Dans l’économie d’« Cloud Nine », le titre joue le rôle d’ouverture sur le monde, une promesse d’accessibilité qui n’empêche pas le reste de l’album de respirer différemment, entre souvenirs sixties sublimés et pop hautement sophistiquée. Le single accroche le grand public ; l’album installe la renaissance.

La science Lynne/Harrison : comment moderniser sans fard

Le travail de Jeff Lynne avec Harrison — qui fera école, jusque dans les productions de Tom Petty et les futures réunions d’anciens Beatles — tient à un équilibre : moderniser le son, oui, mais sans dépersonnaliser l’artiste. Sur « Got My Mind Set On You », cela s’entend dans la gestion des harmoniques : la slide d’Harrison reste au premier plan émotionnel, mais le lit rythmique est tenu, jamais raide, grâce à un alliage basse/claviers qui donne du ressort au couplet et déploie le refrain. La compression, alors très à la mode, sert la pulsation sans écraser la dynamique ; les saxophones de Jim Horn circonscrivent l’espace sans le saturer. Cette intelligence du détail fait du morceau un standard radiophonique qui vieillit bien.

Cloud Nine : l’album d’une réconciliation

Sorti à l’automne 1987, « Cloud Nine » n’est pas un simple véhicule à single. C’est un statement : Harrison revient, apaisé, entouré d’amis (Eric Clapton, Elton John, Gary Wright), et décide de sonner comme il aime. Le disque ne joue pas la carte du minimalisme ; il embrasse le grand format pop-rock, sans cynisme. « When We Was Fab », autre single mémorable, revisite l’ADN Beatles avec un clin d’œil assumé, tandis que « This Is Love » étire la palette mélodique. « Got My Mind Set On You » agit comme porte d’entrée : il offre l’euphorie, l’album donne la substance. Dans un paysage musical saturé de nouveautés électroniques, Harrison montre qu’un songwriting classique peut encore gagner la foule.

Le contexte : de l’ombre à la pleine lumière

Depuis 1982, Harrison s’était fait rare. Le relatif échec commercial de « Gone Troppo » l’avait conforté dans l’idée qu’il valait mieux se tenir à distance. Il produit, jardine, filme, promène sa guitare en amateur éclairé. Quand il revient, c’est sans ressentiment. « Got My Mind Set On You » n’est pas une revanche ; c’est une récréation jubilatoire. D’où son effet de fraîcheur. À l’heure où l’industrie commence à fétichiser les comebacks, Harrison arrive sans posture : une bonne chanson, un son clair, des images malicieuses, et la magie opère.

Les chiffres qui parlent

Dans les classements, la trajectoire est nette. Aux États-Unis, la chanson atteint le n°1 du Hot 100 et de l’Adult Contemporary, s’installe aussi dans le Mainstream Rock, et figure en bonne place dans le classement annuel 1988. Au Royaume-Uni, elle monte jusqu’au n°2, bloquée par des poids lourds du moment, mais reste l’un des tubes les plus identifiés de l’hiver 1987-1988. À l’international, le single tutoie les sommets en Australie, Belgique, Canada, et s’inscrit durablement dans la mémoire pop de la fin de décennie. Trente-sept ans plus tard, il demeure cité comme dernier n°1 américain d’un ex-Beatle en solo.

Pourquoi cette chanson-là a tout emporté

On pourrait croire que le succès tient au refrain répétitif. Ce serait oublier le savoir-faire mélodique d’Harrison et l’intelligence rythmique du groupe. Le couplet prépare sans lasser, la montée vers le refrain accélère subtilement la perception du temps, et la relance du pont instrumental, avec ses saxes bondissants, évite l’effet boucle. La voix — patinée, légèrement nasale, toujours aimable — ne force jamais. Harrison ne crie pas son envie ; il la sourit. Dans une fin de décennie qui aime les grands gestes vocaux, cette retenue fait la différence.

Une « reprise » qui ne l’est plus tout à fait

La question des reprises est toujours piégeuse : où finit l’hommage, où commence la propriété artistique ? Dans le cas de « Got My Mind Set On You », Harrison parvient à absorber la chanson sans effacer James Ray ni Rudy Clark. Le crédit est clair, le respect évident ; mais l’empreinte 1987 est telle que, pour l’auditeur, l’œuvre devient indissociable d’Harrison. C’est le privilège des grands interprètes : faire d’un emprunt une signature. La trajectoire, d’ailleurs, réhabilite Rudy Clark auprès d’un public qui ignorait son nom et rappelle le talent de James Ray, disparu trop tôt, dont la discographie méritait ce sursaut de curiosité.

Les vidéos : comédie, bricolage et pop conquérante

La seconde vidéo — celle du salon enchanté — condense l’esprit Harrison : une auto-dérision douce, une élégance tranquille, un plaisir d’être là avec sa guitare. L’idée de confier la virtuosité physique à un double en dit long : l’âge et la situation n’appellent pas l’acrobatie réelle, mais rien n’empêche d’en rire. La scène du backflip est devenue un mème avant l’heure, immédiatement repérable, et a fait pour la mémoire de la chanson ce que le costume et le passage zébré ont fait pour « Abbey Road » : une icône. La première version — la salle d’arcade — ancre le titre dans le quotidien de 1987 : néons, jeux, romance simple. Deux portes d’entrée pour un même tube.

La face cachée du single : « Lay His Head »

Côté face B, Harrison propose « Lay His Head », une chanson remixée issue des sessions de « Somewhere in England » et longtemps restée au placard. Là encore, le geste dit quelque chose : offrir, au-delà du mastodonte radio, une pièce plus intime, plus contemplative, c’est inviter le public à suivre le musicien hors des autoroutes. Les versions 12 pouces ajoutent une extended version du titre principal, emblématique des pratiques club et radio de la fin de décennie.

Un effet domino : des Wilburys à la mémoire collective

Le triomphe de « Got My Mind Set On You » agit comme un catalyseur. En 1988, Harrison s’embarque avec Jeff Lynne, Tom Petty, Bob Dylan et Roy Orbison dans l’aventure des Traveling Wilburys. On aimera y voir la conséquence d’un alignement heureux : un artiste réconcilié avec l’enregistrement, un producteur complice, une industrie qui redécouvre le plaisir de sa guitare. Si le single a servi de carte de visite pour la jeunesse télévisuelle, les albums et projets suivants ont installé la figure d’un Harrison moderne, capable de dialoguer avec la génération suivante sans renier son ADN.

Le dernier n°1 solo d’un ex-Beatle : sens et limites d’un record

On aime les superlatifs : « dernier n°1 américain d’un ex-Beatle en solo ». C’est vrai — et cela dit quelque chose de la période. Paul McCartney domine encore les années 70 et le tout début des années 80, Lennon frappe l’imaginaire avec « (Just Like) Starting Over », Ringo décroche ses succès. 1987-1988 scellent le bilan : Harrison égalise, puis dépasse, et referme le livre des n°1 solo beatlesques. Derrière le chiffre, une lecture : à l’heure où les modes s’accélèrent, la chanson qui tient est celle qui décloisonne — soul 60s ressuscitée, rock classique, production moderne. « Got My Mind Set On You » coche toutes les cases.

Pourquoi cette énergie a bien vieilli

Réécoutée en 2025, la chanson n’a pas pris l’humidité. Le mix reste précis, la pulsation nette, la guitare reconnaissable entre mille. Le secret ? Un tempo médian qui ne cède ni à la précipitation ni à la languideur, une écriture qui assume la répétition comme figure de transe légère, et une interprétation qui n’appuie pas. On peut jouer le morceau en groupe d’amis, le chanter en chœur, n’en garder que le riff, ou se concentrer sur la slide : chaque point d’entrée est bon. C’est la définition d’un standard.

James Ray, Rudy Clark : la réparation mémorielle

La gloire d’Harrison a eu un effet collatéral précieux : réactiver la mémoire de James Ray et Rudy Clark. On redécouvre alors la voix de Ray, sa gravité souple, et l’art de Clark pour les hooks qui ne lâchent pas. La pop connaît ces destins en ricochet : des chansons nées modestes reviennent, via un interprète majeur, se placer au centre. En l’occurrence, la version 1987 n’efface pas l’originale ; elle la désigne. Les amateurs qui remontent le fil y trouvent un instantané de 1962, avec ses bois, ses chœurs, son élégance presque cabaret. Deux époques, deux charpentes, une même idée mélodique.

Une affaire de son : la basse qui pousse, le cuivre qui sourit

Dans le détail audio, on peut isoler ce qui fait la tenue du morceau. D’abord, la basse — tenue par Jeff Lynne — qui propulse sans baver et garantit une assise dansante sans sombrer dans la lourdeur. Ensuite, les saxophones de Jim Horn, jamais bavards, utilisés comme pinceaux pour souligner les contours du refrain. En fond, des claviers analogiques ajoutent une onction typée fin 80s, mais dosée. Côté percussions, Ray Cooper installe des contretemps qui aèrent l’espace. Et puis cette slide : signature Harrison absolue, elle survole, répond à la voix, termine les phrases, et installe une joie un peu mélancolique qui empêche le morceau d’être simple marche.

La voix : un sourire timbre-poste

Harrison n’a jamais cherché la déclamation. Sa voix est une carte postale : on la reconnaît en deux syllabes. Sur « Got My Mind Set On You », elle affiche une assurance tranquille, presque confiance adolescente revenue faire un tour. Nulle démonstration : le grain fait le travail, plus qu’un vibrato ou une puissance. Le chant semble dire : tout va bien se passer, non pas parce qu’un bonheur hollywoodien est promis, mais parce que la décision« I’ve got my mind set on you » — est prise. La chanson entière est une déclaration d’intention. Dans un monde pop souvent performative, cette innocence assumée a fait mouche.

Ce que la chanson a changé pour Harrison

Au-delà du palmarès, « Got My Mind Set On You » a réouvert des portes. Elle a réinstallé Harrison dans les radios adultes, rendu curieux des auditeurs trop jeunes pour l’avoir connu au sommet des années 70, et rappelé aux anciens que le Quiet Beatle avait encore des cartouches. Elle a aussi prouvé qu’il était possible, pour un ancien Beatle, de signer un tube en embrassant son époque sans se diluer. On mesure ce que cela a représenté, symboliquement, à l’heure où la décennie 80 se refermait et où la mémoire Beatles entrait dans une phase institutionnelle.

Le regard des critiques : simplicité gagnante

La critique a souvent salué l’évidence du single, tout en rappelant que l’album allait plus loin. On a loué la cohérence du son Lynne/Harrison, l’élégance de la relecture, et l’utilité d’une reprise qui ne cherche pas l’effet de manche. Dans certains papiers, on a glissé que la chanson était « simple » — sous-entendu : trop ? C’est méconnaître l’art de la simplicité chez Harrison, où chaque ingrédient est pesé, chaque pochette d’air ménagée. Le morceau résiste précisément parce qu’il est évident. Et l’évidence, en pop, est une rare vertu.

Du disque à la scène : une joie communicative

Lors des rares apparitions scéniques d’Harrison à la fin des années 80 et au début des années 90, notamment sur la période Live in Japan avec Eric Clapton, « Got My Mind Set On You » trouve naturellement sa place. Le tempo, la structure, la réponse entre voix et guitare en font un moment de partage presque pédagogique : le public sait exactement quand entrer, le groupe sait exactement comment relancer. Le titre passe l’épreuve du live sans apparition d’arrangements complexes ; signe que la charpente est solide.

La place du single dans l’écosystème 1987-1988

À l’heure de Michael Jackson, Whitney Houston, U2 ou INXS, réussir un n°1 quand on est un ex-Beatle quinquagénaire relève de la performance. « Got My Mind Set On You » y est parvenu en jouant avec les codes plutôt qu’en les défiant. Le mix est au niveau des standards internationaux, la durée idéale pour la radio, les vidéos dans l’air du temps. Mais au fond, la victoire se joue sur autre chose : la capacité à faire danser sans mode d’emploi, à rassembler autour d’une phrase claire. C’est la vieille science Beatles — la chanson qui paraît familière dès la deuxième écoute — appliquée à une reprise.

Héritages : de « When We Was Fab » à la postérité anthologique

Le succès du single a servi de rampe à « When We Was Fab », autre extrait de « Cloud Nine » où Harrison assume avec tendresse le mythe Beatles. Le public, réconcilié avec sa voix, suit. Les compilations ultérieures — Best of Dark Horse 1976-1989, puis Let It Roll — consacrent « Got My Mind Set On You » comme un pilier de la carrière tardive. On le retrouve enfin en 1992 dans « Live in Japan », preuve que la chanson vit aussi sur scène. Un parcours complet : studio, vidéo, live, best-of.

Une note sur l’art d’Harrison : joie, pudeur, précision

Si le morceau fonctionne si bien, c’est qu’il résume quelque chose d’Harrison : une joie qui n’écrase pas, une pudeur qui n’étouffe pas, une précision sans ostentation. Loin de la virtuosité démonstrative, il pratique la ligne claire : des riffs qui chantent, des ponts qui servent, des mélodies qui durent. La guitare slide n’est jamais une coquetterie ; elle est un chant parallèle, un commentaire bienveillant. « Got My Mind Set On You » condense tout cela en trois minutes cinquante.

1987 vu depuis 2025 : pourquoi on l’écoute encore

Trente-huit ans plus tard, la chanson tourne toujours dans les playlists et les radios rétro, mais aussi dans des soirées où l’on cherche des titres transgénérationnels. Elle fait partie de ces morceaux qui rassurent et animent à la fois. Sa répétition hypnotique, loin de lasser, jette un pont entre l’oreille mainstream et l’oreille historienne : les premières y entendent une joie simple, les secondes un dialogue entre 1962 et 1987 magnifié par l’art d’un Beatle. « Got My Mind Set On You » appartient à cette famille qui ne faiblit pas parce qu’elle ne dépend ni d’une mode éphémère ni d’une technologie datée, mais d’un choix de tempo, de grain, d’arrangement.

Un tube, un totem, un passage

« Got My Mind Set On You » a été pour George Harrison bien plus qu’un hit opportun. C’est le totem d’une renaissance qui le portera jusqu’aux Wilburys, et la preuve qu’un ancien Beatle pouvait encore dompter le centre des charts sans pasticher son passé. Qu’une reprise devienne signature, que deux clips malicieux envahissent les ondes télévisées, qu’un son fin 80s paraisse aujourd’hui encore net et gourmand : tout cela raconte un musicien libre, curieux, et exact. La chanson, enfin, a offert à James Ray et Rudy Clark un second soleil. En filigrane, elle dit ce que la pop sait mieux que tout : un air trouvé au détour d’un bac de disques peut, des décennies plus tard, réchauffer la planète entière. Et tenir.


Crédits et repères discographiques

Titre : « Got My Mind Set On You »
Auteur : Rudy Clark
Interprète : George Harrison
Album d’origine : « Cloud Nine »
Enregistrement : janvier – août 1987
Production : George Harrison et Jeff Lynne
Personnel principal : George Harrison (chant, guitares), Jeff Lynne (basse, claviers, chœurs), Jim Keltner (batterie), Jim Horn (saxophones), Ray Cooper (percussions)
Face B du 45 tours : « Lay His Head »
Clips : deux versions, réalisées par Gary Weis (salle d’arcade avec Alexis Denisof ; salon animé, chorégraphie et backflip)
Palmarès notable : n°1 Billboard Hot 100 le 16 janvier 1988 ; n°2 UK ; n°1 Australie, Belgique, Canada ; titres Adult Contemporary et classements internationaux.


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