Tom Waits a toujours été plus qu'un musicien. C'est un personnage. Grogneur génie musical, Brosseur de chic gouttières, chien de ruelle. Oiseau de nuit. Francis Ford Coppola, dans les années 80, lui prendra sa voix qu'il voudra non publicisée (mais finalement, on sait) car il est, comme moi, parfaitement anti publicité forcée. C'est un mythe en trench-coat.
Les enfants, plus jeunes, quand je le faisais jouer, l'appelait assez justement "le monstre".
Ombre de la côte Ouest de la Californie, à Pomona, il soupait déjà vers 3 heures du matin. C'était avant le travail dans les pizzerias de New York 24H, qui le forçaient à manger des heures indues. Les vagabonds, les nomades, les traineux de fonds de ruelles, les saints qui donnaient à n'importe qui des gros billets de 20$, il les connaissaient tous à ses débuts New Yorkais. Parce que la Californie était trop lumière. NY était nuit. Fumée, bourbon, jungle nocturne, effeuilleuses chaleureuses, poètes beat. Ses 4 premiers albums reflètent cet univers de romantique mélancolie. À la recherche d'un flirt perdu dans un nuage de fumée ou au travers d'une vitre mouillée de taxi, du banc arrière du passager.
Tom est une trouvaille sacrée au coeur du profane. Ses personnages, la prostituée détrempée, passée sous la pluie, le (toujours) lunatique prédicateur religieux, Ricky Lee, carnavalesques crieurs de rue, Accordéoniste borgne, tous des gens rendus sympathiques par ses narrations et ses beats, son empathie et son esprit vif et allumé. Jamais caricaturé. Personnages usés par la vie. Toujours humains.
Il a déjà dit qu'il adorait les splendides mélodies racontant des horreurs. Fan de murder ballads.
Sa musique ne se fond pas avec le décor, il l'encadre. Demande parfois l'attention comme un homme ne voulant pas grandir. Il grogne comme un chien et murmure comme une chauve-souris de gouttière rouillée. Une ballade peut faire entendre des bruits de chaines de vélos qui trainent au sol.
Dans une industrie qui valorise et tente de présenter comme modèle des jeunesses qui ne vieillissent pas, Tom Waits a fait de sa carrière vieillir à sa manière. Ce qui veut parfois dire, sans grâce et sonnant comme le dernier gars assis sur son tabouret rembourré au bar du quartier.
Il n'a certes pas l'intelligence d'un nain mental ayant le quotient intellectuel d'un filet de tennis.
J'aurais beaucoup aimé le voir en spectacle, un de mes grands rêves. Un ami me disait l'autre tantôt qu'il l'avait vu en spectacle, aux États-Unis, il y a quelques 15-20 ans. Et que dans un silence, entre deux chansons, une femme dans la foule a crié "I LOVE YOU TOM!".
"Mom, I told you to wait in the car..."
J'aimais Tom Waits, je l'aime encore plus. Vif, allumé.
L'an prochain je me promets un blogue parrallèle de 6 mois de dimanche sur Led Zeppelin et 6 autres sur Pink Floyd.
2026, je réserve 12 mois de dimanche à Dylan.
2027, probable 12 mois de dimanche de Tom Waits.
Ouais, pas mal certain.
Il est trop important pour moi.
