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« Quatre nuits d’un rêveur » de Robert Bresson

Par Etcetera
Quatre nuits d’un rêveur Robert BressonAffiche du film

Le cinéma du quartier latin Le Champo repassait, aux mois de mars-avril derniers, ce film de Robert Bresson (1901-1999), datant de 1971, dans une copie visiblement restaurée. J’ignorais l’existence de ce titre de Bresson et, par curiosité pour ce cinéaste que je connais assez mal, j’y suis allée.

Ce film est inspiré des Nuits blanches de Dostoïevski, et je vous propose de retrouver ci-après la chronique que j’avais consacrée à ce court roman, il y a quelques années.

Note technique sur le film

Nationalité : Franco-italien
Date de sortie en France : mai 1971 (festival de Cannes), février 72 en salles
Genre : Romance
Acteurs : Guillaume Des Forêts (Jacques) ; Isabelle Weingarten (Marthe) ; Jean-Maurice Monnoyer (l’amoureux de Marthe, celui qu’elle attend).
Durée : 1h20

Résumé du début

Jacques est un jeune parisien, un artiste peintre, ancien élève des Beaux-Arts, qui fait de l’auto-stop pour aller s’aérer à la campagne. Une fois là-bas, il fait des roulades dans l’herbe et il fredonne l’Internationale. De retour à Paris, lors d’une promenade nocturne sur le Pont Neuf, il aperçoit une jeune fille qui s’apprête à se jeter dans la Seine mais Jacques la retient dans son geste. Ils se confient l’un à l’autre. Jacques raconte à Marthe, cette jeune fille, qu’il est un rêveur et un idéaliste, que toutes les femmes lui plaisent tour à tour et, en même temps, qu’il est trop timide pour en aborder une. Lors de leur deuxième nuit sur ce même pont – ils se sont donné rendez-vous le lendemain à la même heure – c’est Marthe qui, à son tour, raconte son histoire à Jacques : elle a eu un amoureux un an plus tôt, il a dû partir en voyage et elle attend qu’il revienne la chercher, ils se sont justement promis de se retrouver sur ce pont. Elle soupçonne cet ancien amour de l’avoir oubliée, de l’avoir laissée tomber… alors qu’elle l’aime encore.

Mon avis

N’ayant vu jusqu’ici de Robert Bresson que « Mouchette » et « Au hasard Balthazar« , j’avais une vision de lui comme un cinéaste très austère, aux films dramatiques et même désespérés, teintés d’un certain christianisme en arrière-plan. Mais avec « Quatre nuits d’un rêveur » l’ambiance générale est totalement différente : déjà c’est un film en couleur, il y est question d’amour et de sensualité, la musique y tient une grande place et, surtout, son humour lui donne un côté charmant, savoureux et très fin !
Comme ce film date de 1971, nous retrouvons pas mal de marqueurs typiques de cette époque : des bandes de hippies aux cheveux longs qui jouent de la guitare surgissent parfois dans l’image à la fin d’une séquence émouvante et ce ne sont pas les moments les moins drôles, bien au contraire. Les tenues vestimentaires, les coupes de cheveux, les ascenseurs métalliques et les magnétophones qui font un bruit bizarre quand on les rembobine, nous rappellent également cette période des seventies. J’ai pu penser à deux autres films de la même époque, que j’ai vus ces dernières années : « Jeanne Dielman » de Chantal Akerman et « La maman et la putain » de Jean Eustache, pour l’atmosphère et l’esthétique. L’actrice principale des « Quatre nuits d’un rêveur« , Isabelle Weingarten, aura d’ailleurs un second rôle dans ce célèbre film d’Eustache et la ressemblance de Jacques avec Jean-Pierre Léaud est assez frappante.
Adaptation du court roman de Dostoïevski, « Les Nuits blanches« , ce film de Bresson en reprend effectivement la trame mais le livre abondait en longs discours, en imposantes tirades psychologiques et philosophiques, que le cinéaste n’a pas conservées, préférant réduire les dialogues au strict minimum. Ce qu’il y a à comprendre, Bresson choisit de nous le montrer par des images plutôt que de nous le dire par des mots et c’est bien sûr beaucoup plus subtil, raffiné, et parfois drôle, de cette manière. Ainsi, quand Jacques tombe amoureux de Marthe, il va dans un jardin public et il enregistre sur son magnétophone des roucoulements de pigeons, qu’il se repasse plus tard – nous signifiant par là ses désirs intimes et ses élans réprimés, sa frustration.
Une scène est particulièrement cocasse et intéressante : lorsque Jacques reçoit chez lui un ancien camarade des Beaux-Arts, qui lui tient un long discours intellectualisant et fumeux sur l’art conceptuel -qui devrait être fonctionnel, selon lui – et on sent que Bresson adresse ici un clin d’œil complice et un sourire amusé au spectateur.
Un très très beau film ! Beaucoup plus doux et nettement moins dramatique que « Mouchette » et « Au hasard Balthazar » : une tout autre ambiance, que j’ai préférée !

Quatre nuits d’un rêveur Robert Bresson
Une scène nocturne du film : Jacques et Marthe

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