C'était prévu, nous vous l'avions annoncé, moins d'un an après la tuerie Will Sheff et sa bande remettent le couvert et débarquent avec leur cinquième long métrage musical, séquelle avouée de ce qui aurait pu être un double album, et quel double album cela aurait été! Pourtant, malgré les 10 mois qui séparent les deux objets, l'esprit est le même, jusque dans l'artwork qui prolonge celui de son prédécesseur, et la disposition, que dire, les noms des titres, qui collent au premier dans les thèmes comme dans les initiales ("Starry Stairs", suite directe de "Savannah Smile" placé à position égale sur le disque). Un 9 titres, tout comme The stage names, à peine maquillé en 11 par l'ajout inutile mais non handicapant de trois plages instrumentales d'entracte, finalement plutôt raccord avec les thèmes de la scène, des doublures (the stand ins) et des illusions. Un concept qui aurait pu se révéler un peu lourdaud sans la patte de génie de Will Sheff qui confirme à ceux qui en doutaient encore qu'il est l'un des storytellers les plus marquants de sa génération, reprenant ainsi le flambeau tendu par Dylan et Springsteen. Tout ce qu'il touche en ce début de siècle tourne au miracle, et The stand ins n'y fait pas exception.
Dernière pièce maitresse et non des moindres, l'intitulé de titre (et l'une des chansons) de l'année, "Bruce Wayne Campbell interviewed on the roof of the Chelsea Hotel, 1979", hommage intemporel à l'icône rock glam gay mort du sida il y a quelques années. Une discussion tout en arpèges et harmonies vocales sur un air de Gainsbourg, dont Sheff est l'un des plus grands fans. Un goût des plus sûrs dont il avait déjà fait preuve l'année dernière en bouclant son Stage names d'un "John Allyn Smith sails" d'anthologie en double honneur envers le poète John Berryman et les Beach Boys. Témoin de cet engouement culturel, la page Youtube entièrement dédiée à des reprises acoustiques de The stand ins par les plus fidèles amis de Sheff. Citons entres autres A.C. Newman des New Pornographers (dont le "Lost coastlines" est un régal), David Vandervelde, Bon Inver ou Bird Of Youth, soit la crème de la crème de Jagjaguwar et consorts. Je n'ai plus qu'une seule crainte, qu'Okkervil River subisse un certain effet bobo façon Arcade Fire, et que le succès commercial à venir (c'est obligé) lui fasse perdre son souffle magique. On en est encore loin.
En bref : Rendant le projet The stage names plus abouti encore, ces deux faces complémentaires contiennent chacune leur perle et leur part de titres folk intemporels. Ca y est, Okkervil River est bel et bien indispensable.