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Old Brown Shoe : Le joyau méconnu de George Harrison

Publié le 06 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Lorsque l’on évoque George Harrison au sein des Beatles, les titres qui viennent immédiatement à l’esprit sont souvent While My Guitar Gently Weeps, Something ou Here Comes The Sun. Pourtant, Old Brown Shoe, composée par le « quiet Beatle », reste une pépite sous-estimée, à la croisement du rock et du rhythm and blues, qui mérite une place de choix dans l’héritage musical du groupe.

Sommaire

Une composition sous le signe de la dualité

George Harrison a toujours eu un intérêt profond pour la philosophie et la spiritualité, un penchant qui transparaît à travers ses compositions. Old Brown Shoe illustre cette quête d’équilibre entre les contraires. Selon ses propres mots, il s’est inspiré d’oppositions universelles – yes/no, up/down, left/right, right/wrong – pour façonner un texte où l’ambivalence est omniprésente. Cette approche confère à la chanson une profondeur philosophique que l’on retrouve rarement dans les morceaux du groupe.

Curieusement, Harrison débuta la composition au piano, un instrument qu’il avouait ne pas maîtriser. Cette approche peu conventionnelle donna naissance à une progression d’accords singulière, enrichie ensuite par son jeu de guitare caractéristique.

Des sessions d’enregistrement mouvementées

La genèse de Old Brown Shoe se déroule sur plusieurs mois. Dès janvier 1969, la chanson fait son apparition lors des sessions Get Back/Let It Be aux studios Apple. Harrison la présente d’abord en version solo au piano, avant que le groupe ne tente une interprétation collective avec la participation de Billy Preston. Ces premiers essais, bien que documentés dans divers bootlegs, ne satisfont manifestement pas le guitariste, qui décide d’approfondir son travail en solo.

Le 25 février 1969, jour de son 26ème anniversaire, Harrison enregistre une démo de la chanson, accompagnée de Something et All Things Must Pass. L’objectif est vraisemblablement de donner à ses camarades une feuille de route plus précise. Il s’agit d’une démo aboutie, où Harrison superpose piano, voix et guitares.

Les 16 et 18 avril 1969 marquent l’enregistrement définitif. Contrairement à certaines rumeurs affirmant l’absence de Ringo Starr (prétendument pris par le tournage de The Magic Christian), sa batterie figure bel et bien sur la piste. John Lennon se charge du piano, tandis que Paul McCartney apporte des chœurs et une ligne de basse vigoureuse. Quant à Harrison, il assure le chant principal, la guitare solo et même une partie d’orgue. Le tout est complété par des harmonies vocales saturées, volontairement distordues par l’ingénieur du son Jeff Jarratt, conférant à la chanson une atmosphère rugueuse et dynamique.

Une face B qui aurait mérité plus

Sortie en mai 1969 en face B de The Ballad Of John And Yoko, Old Brown Shoe souffre de son statut de « chanson secondaire ». Pourtant, elle n’a rien d’un simple remplissage. Son groove, son solo incisif et ses paroles habilement ciselées en font une composition qui n’a rien à envier aux meilleurs morceaux du catalogue Beatles.

Loin d’être oubliée, la chanson trouve une seconde vie sur plusieurs compilations, notamment Hey Jude en 1970, le Blue Album (1967-1970), et Past Masters. La démo de Harrison est finalement dévoilée sur Anthology 3 en 1996, et une version alternative figure sur l’édition déluxe du 50e anniversaire d’Abbey Road en 2019.

Une reconnaissance tardive

Preuve que Harrison lui-même chérissait cette chanson, il la reprend en 1991 lors de sa tournée japonaise avec Eric Clapton. Cette interprétation figure sur l’album Live In Japan, sorti en 1992.

Si Old Brown Shoe reste un titre de niche, elle incarne parfaitement le style unique de Harrison : une mélodie accrocheuse, une construction harmonique originale et une virtuosité instrumentale trop souvent sous-estimée. Plus de cinquante ans après sa sortie, elle continue de résonner comme une preuve supplémentaire du talent de son auteur, confirmant que l’apport de George Harrison aux Beatles dépasse largement les quelques classiques souvent cités.


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