Le 8 mai 1970, Let It Be, dernier album studio des Beatles, paraissait en Grande-Bretagne, marquant ainsi la fin officielle de l’une des plus grandes aventures musicales de tous les temps. Son ouverture, la douce et nostalgique Two Of Us, symbolise parfaitement l’état d’esprit du groupe en cette période de transition. Derrière cette ballade folk, portée par les harmonies de Paul McCartney et John Lennon, se cache une histoire intime faite d’amour, de liberté et d’amertume.
Sommaire
- Une déclaration d’amour à la liberté
- Un adieu voilé à une amitié fraternelle
- Le reflet des tensions autour d’Apple Corps
- Enregistrement et production : l’empreinte du Get Back Project
- Une chanson qui traverse les époques
Une déclaration d’amour à la liberté
Two Of Us trouve son origine dans les escapades de Paul McCartney avec Linda Eastman, qui deviendra sa femme en 1969. Le couple partageait une habitude singulière : se perdre volontairement dans la campagne anglaise, sans itinéraire précis. Paul se souvenait de ces moments de déconnexion totale comme une véritable source d’inspiration :
« L’un des grands atouts de Linda, c’est qu’elle adorait se perdre. Pendant que je conduisais et que je m’exclamais : “Oh mon Dieu, je crois qu’on est perdus”, elle répondait simplement : “Génial !” Elle avait raison : il y avait toujours un panneau indiquant Londres quelque part. »
Cette philosophie du « voyage pour le voyage » transparaît dans les paroles : « Two of us riding nowhere, spending someone’s hard-earned pay ». Une phrase qui illustre le plaisir de s’échapper du tumulte quotidien pour savourer l’instant présent.
McCartney écrivit Two Of Us lors d’une de ces journées passées en forêt, guitare en main, tandis que Linda se promenait. Loin de l’agitation de Londres et des tensions qui rongeaient les Beatles, il trouvait refuge dans cette relation simple et sincère, contrastant avec le chaos ambiant du groupe.
Un adieu voilé à une amitié fraternelle
Si Two Of Us est, en premier lieu, un hommage à sa relation avec Linda, elle contient aussi des sous-entendus plus profonds. L’interprétation poignante en duo avec John Lennon, qui partageait souvent le micro avec Paul lors des sessions de Let It Be, évoque une complicité retrouvée, presque nostalgique. À travers des vers comme « You and I have memories longer than the road that stretches out ahead », on perçoit un double sens : au-delà de la simple aventure amoureuse, c’est aussi une réflexion sur le parcours de Lennon et McCartney, amis et partenaires musicaux depuis leur adolescence.
La chanson prend alors une dimension mélancolique : les deux amis chantent ensemble un dernier refrain, conscients que leur route commune touche à sa fin. Bien que les tensions entre eux soient palpables à cette époque, ce morceau témoigne d’un respect et d’une affection indéfectibles, malgré les désaccords qui allaient précipiter la séparation du groupe.
Le reflet des tensions autour d’Apple Corps
Un autre vers, souvent analysé par les fans et les biographes, semble faire référence aux conflits financiers et juridiques qui minaient le groupe à la fin des années 1960 : « You and me chasing paper, getting nowhere ». L’année 1969 fut marquée par des querelles incessantes autour de la gestion d’Apple Corps, le label des Beatles, qui traversait de graves difficultés économiques.
Paul McCartney, opposé au choix d’Allen Klein comme manager du groupe (une décision soutenue par Lennon, Harrison et Starr), se retrouvait isolé. Son désir de revenir à une approche plus simple de la musique contrastait avec les ambitions commerciales et les manœuvres financières qui occupaient désormais une place centrale dans l’existence du groupe. Ainsi, Two Of Us incarne aussi, en filigrane, cette aspiration à retrouver l’innocence et la spontanéité des débuts.
Enregistrement et production : l’empreinte du Get Back Project
L’histoire de Two Of Us est intimement liée au Get Back Project, qui visait initialement à capturer les Beatles en pleine création musicale, loin des arrangements complexes et des surproductions des albums précédents. La chanson fut enregistrée lors de plusieurs sessions en janvier 1969 aux studios Apple, sous le titre provisoire On Our Way Home.
Les répétitions furent émaillées de moments de légèreté, mais aussi de tensions croissantes. Dans le documentaire Let It Be, on voit McCartney et Lennon chanter côte à côte, échangeant des regards complices. Pourtant, le climat dans le studio n’a jamais été aussi tendu, notamment en raison des désaccords artistiques et personnels.
La version définitive de la chanson, enregistrée le 31 janvier 1969, se distingue par son dépouillement. Le mix final, réalisé par Phil Spector en mars 1970, respecte cette approche minimaliste, loin des orchestrations grandiloquentes ajoutées sur d’autres morceaux de l’album. En ouverture de Let It Be, elle donne le ton : une simplicité volontaire, presque nostalgique, à rebours des expérimentations psychédéliques et des prouesses techniques des années précédentes.
Une chanson qui traverse les époques
Bien qu’elle ne soit pas le titre le plus célèbre de Let It Be, Two Of Us a su toucher les fans par son authenticité et son émotion brute. Elle fut réinterprétée dans diverses configurations, notamment sur Anthology 3 et Let It Be… Naked, où elle apparaît dans une version plus fidèle à l’esprit du projet initial.
Aujourd’hui encore, elle reste un témoignage poignant de la fin d’une ère, où deux artistes, malgré leurs différends, trouvaient encore l’harmonie le temps d’une chanson. Si Let It Be fut souvent perçu comme l’album de la discorde, Two Of Us en est paradoxalement le symbole d’un ultime moment de grâce et de complicité entre McCartney et Lennon.
Qu’ils aient chanté l’histoire d’un couple amoureux ou celle de leur propre amitié, ce morceau demeure l’un des derniers instants d’unité des Beatles, immortalisé dans une mélodie douce et intemporelle.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble