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John Lennon : « New York City », un hommage vibrant à sa nouvelle maison

Publié le 09 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Le 12 juin 1972, le public américain découvrait un album particulièrement significatif dans la carrière de John Lennon, Some Time in New York City. Si ce disque est souvent perçu comme un manifeste politique, traversé par une forte teneur militante, il ne faut pas sous-estimer l’impact de certains morceaux, notamment « New York City », qui illustre à merveille un autre aspect de la personnalité complexe de Lennon. À travers ce morceau, l’artiste livre un hommage sincère et passionné à sa nouvelle ville d’adoption, la capitale mondiale du monde libre, une ville qu’il finit par appeler « chez lui ».

Sommaire

  • Un album marqué par le contexte politique
  • Le processus créatif derrière « New York City »
  • La naissance d’un hymne à la ville
  • Une performance inoubliable
  • Un héritage durable

Un album marqué par le contexte politique

Some Time in New York City est un album né dans le tourbillon des années 70, une époque où les tensions politiques, sociales et personnelles influençaient profondément la musique de John Lennon. Connu pour ses prises de position radicales et son activisme, Lennon s’engage corps et âme dans ce projet. La collaboration avec Yoko Ono, sa complice artistique et personnelle, est manifeste tout au long de l’album, qui oscille entre chansons de protestation et réflexions sur la société américaine, marquée par la guerre du Vietnam et la montée des mouvements sociaux.

L’album, enregistré avec le groupe Elephant’s Memory, représente une période de transition pour Lennon, qui cherche à se réinventer artistiquement après sa séparation des Beatles. Toutefois, si certaines pistes de Some Time in New York City sont véritablement dominées par les thèmes politiques, comme « Angela » ou « The Luck of the Irish », d’autres révèlent un autre côté de la personnalité de Lennon. C’est le cas de « New York City », une chanson d’une toute autre facture, plus rock, plus brute, qui témoigne de la passion de l’artiste pour la ville qui l’a adopté.

Le processus créatif derrière « New York City »

L’idée de « New York City » naît à une époque où Lennon et Yoko Ono viennent tout juste de poser leurs valises dans le quartier de Greenwich Village. Dès leur arrivée à New York en 1971, Lennon ne cache pas son désir de s’imprégner pleinement de la vie citadine et de son effervescence. Ce morceau reflète précisément cette immersion. Enregistrée entre février et mars 1972 avec Elephant’s Memory, la chanson évolue au fil du temps, à la manière des grands classiques du rock, en se nourrissant des impressions immédiates de l’artiste sur la ville qui ne dort jamais.

Mais avant d’atteindre sa version finale, « New York City » passe par plusieurs stades. Tout commence par deux démos, enregistrées en septembre 1971 dans des conditions informelles. La première a lieu au St Regis Hotel, où Lennon et Ono séjournent à leur arrivée. La version de cette démo reste particulièrement floue, avec des paroles improvisées, où l’on retrouve un refrain chanté sur un air entraînant : « Que pasa, New York ? ». Ce premier jet de la chanson ne semble pas encore abouti, mais il pose déjà les bases du morceau à venir.

La deuxième démo, enregistrée à leur appartement de Greenwich Village à la fin de l’année 1971, est plus structurée, avec des paroles qui commencent à se stabiliser, notamment avec l’apparition de la phrase « Well I was shooting up speed », une image saisissante et emblématique de l’époque, où la vitesse et l’adrénaline étaient omniprésentes dans la vie de l’artiste. Bien que cette version reste inachevée, elle marque un tournant dans la composition, et la chanson commence à prendre forme.

La naissance d’un hymne à la ville

Lennon décrit « New York City » comme un hommage à un lieu qui, à ses yeux, incarne la liberté, la créativité et la rébellion. Le texte de la chanson est une série de vignettes où Lennon évoque ses premières impressions de la ville, ses rencontres et la liberté qu’il ressent en parcourant les rues de Manhattan. L’un des premiers vers de la chanson rend hommage à deux figures emblématiques de la scène new-yorkaise : le militant social Jerry Rubin et le musicien de rue David Peel, un personnage clé de l’underground new-yorkais qu’il avait rencontré dans Washington Square Park quelques années plus tôt.

Lennon et Yoko Ono avaient d’ailleurs signé un contrat avec David Peel, le recrutant sous l’étiquette Apple Records, et il apparaît donc tout naturellement dans la chanson, en même temps que le militantisme de Rubin, une référence à l’activisme de gauche très présent à New York dans les années 70. Dans le cadre de Some Time in New York City, cette chanson devient presque une sorte de journalisme musical, une chronique de l’époque, comme il le dira lui-même : « Le Jerry était Jerry Rubin. Le gars avec la guitare était David Peel. Vous voyez comment l’album est présenté comme un journal. Eh bien, la chanson, c’est un peu comme ça, un journal musical, un peu comme ‘Ballad of John and Yoko’. Ça raconte une histoire. »

Mais au-delà des références à ces figures locales, « New York City » est aussi une déclaration d’indépendance. Lennon y évoque les défis auxquels lui et Yoko se sont affrontés, notamment avec l’administration Nixon qui, à l’époque, tentait de les expulser des États-Unis. Pourtant, leur détermination à rester dans la ville transparaît clairement dans les paroles. Ils se voient comme des « indésirables », mais leur volonté d’habiter la ville et de vivre librement est plus forte que tout.

« Well nobody came to bug us Hustle us or shove us So we decided to make it our home If the Man wants to shove us out We gonna jump and shout The Statue of Liberty said, ‘Come!’ »

Dans ce passage, Lennon exprime non seulement son amour pour New York, mais aussi son esprit de rébellion face aux autorités, tout en rendant hommage à la symbolique de la Statue de la Liberté. Cette vision de la ville comme un refuge pour les marginaux et les artistes est l’une des facettes les plus fascinantes de la chanson, qui se veut à la fois une déclaration personnelle et un message politique.

Une performance inoubliable

L’un des moments les plus mémorables de l’histoire de « New York City » survient le 30 août 1972, lors du One to One Concerts, organisés à Madison Square Garden. Ces concerts, destinés à récolter des fonds pour des enfants handicapés, sont les derniers concerts de John Lennon en tant qu’artiste solo avant sa retraite temporaire de la scène musicale. « New York City » y est interprétée avec une énergie incroyable, devant un public enthousiaste. C’est une version de la chanson qui diffère légèrement de la version studio, avec l’absence du dernier couplet, mais qui reste néanmoins un témoignage vibrant de la complicité entre Lennon, Ono et leur groupe.

Le concert est enregistré et publié en 1986 sous le nom Live in New York City. La chanson d’ouverture de ce concert représente parfaitement l’essence de l’album et de la période : une mise en avant de la ville, de ses sons et de ses pulsations, un véritable exutoire pour Lennon, qui, à travers ce morceau, réaffirme son amour et sa reconnaissance envers New York. Pour lui, la ville n’est pas simplement un lieu géographique, mais un symbole de la liberté et de l’énergie créatrice.

Un héritage durable

Aujourd’hui, « New York City » demeure l’un des morceaux les plus emblématiques de l’ère post-Beatles de John Lennon. Moins politisé que d’autres chansons de l’album Some Time in New York City, il est le reflet d’une époque, d’une rencontre avec une ville qui aura profondément marqué l’artiste. Lennon y apparaît plus proche que jamais de ses racines rock’n’roll, redonnant à la ville une place centrale dans son univers musical. Plus qu’un simple hommage à une ville, « New York City » est la célébration d’un lieu où il se sentait libre, où il a pu exprimer son individualité, et surtout, où il a trouvé un terreau fertile pour son renouveau artistique.

La chanson « New York City » a traversé les décennies pour devenir un hymne intemporel, un morceau qui incarne à la fois l’énergie débordante de New York et la révolte pacifique de John Lennon, un homme qui, à travers sa musique, a toujours cherché à redéfinir son identité, à réinventer son art, et à exiger plus de liberté dans un monde en constante évolution. Si la chanson ne fait pas partie des plus célèbres du répertoire de Lennon, elle reste néanmoins un témoignage précieux de son amour pour cette ville unique, de sa liberté retrouvée, et de la résonance profonde qu’elle a eue dans son œuvre.


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