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Je ne serai plus un problème à traiter

Publié le 09 novembre 2025 par Lana

Ce post Instagram d’une psychologue et d’une psychiatre, il est tellement révélateur de la façon dont les soignants en psychiatrie, en plus généralement en médecine, nous (dé)considérent 🤬. Et il fait écho à énormément de choses qui me traversent en ce moment.

Disons le tout de suite: non, tous les soignants ne sont pas comme ça, oui il existe des alliés, mais là je parle d’un système maltraitant, celui sur lequel les soignants alliés se cassent aussi les dents d’ailleurs, même si c’est à un autre niveau.

Mais cette façon de nous déshumaniser, de nous pathologiser, de nous classer, de nous réduire, elle est bien trop souvent présente, y compris derrière des discours pseudo bienveillants 🪈.

Une de mes psychiatres m’avaient dit que dans la relation de soin, elle était en position haute et j’étais en position basse. Au moins, les choses étaient claires. Mais ceux qui ne le disent pas de façon aussi directe le pensent aussi. Ils ne sont pas dans la collaboration, ils sont là pour nous imposer ce qu’ils ont décidé qui étaient bon pour nous. Et si nous ne nous y plions pas, on se le verra reprocher à coup de C’est pour votre bien, Vous ne voulez pas être aidé, Vous ne faites pas d’efforts pour vous en sortir. 🤦‍♀️

De l’aide, j’en ai beaucoup demandé. Mais elle n’a pas souvent été adaptée à mes besoins. Elle a même aggravé ma situation dans la plupart des cas. Et donc, non, je ne veux plus tout accepter. Je ne veux pas être aidée à n’importe quel prix.

Je repère assez vite les discours creux, tout faits, les éléments de langage pseudo bienveillants appliqués à tout le monde. Et je ne les supporte plus du tout 🤢. Je ne suis pas un numéro, je ne suis pas un problème à traiter, ce qui s’applique à moi ne s’appliquera peut-être pas au patient suivant.

Une des phrases que je trouve assez insupportable, c’est « Qu’est-ce ce que je peux faire pour vous ? » Je n’en sais rien moi, je ne suis pas médecin / assistante sociale / kiné, etc. Je peux exposer mon problème et c’est au professionnel de me dire ce qu’il peut me proposer, ce qui relève de ses compétences ou pas, si je dois plutôt aller voir quelqu’un d’autre, etc. Et quand en plus je suis déjà en pleurs, totalement à bout 😭, et qu’on me répète quinze minutes après « Qu’est-ce que vous attendez de moi ? », c’est trop. Si j’avais les réponses à mes problèmes et les ressources suffisantes pour les résoudre, je ne serais pas là, en fait. Mais parallèlement à cela, quand on a une demande trop précise, quand on vient avec des informations pour avoir un avis dessus, la plupart du temps on est rabroué parce qu’on n’a pas le droit de faire des recherches, surtout sur internet, puisqu’on est forcément des hypocondriaques incapables de trier les informations. Finalement, je ne sais pas très bien quelle est la réponse attendue à cette question, sans doute quelque chose qui signifierait J’attends que vous décidiez à ma place sur tel ou tel sujet et j’appliquerai vos recommandations sans jamais les remettre en cause et avec reconnaissance 🙏.

Un autre élément de langage qui me rend dingue : Il faut nous aider à vous aider. J’y ai eu droit quand je suis arrivée à l’hôpital. J’étais passée par les urgences, et ma colocataire m’accompagnait dans le service. L’infirmière m’a demandé pourquoi j’étais là. J’ai dit que j’avais déjà tout raconté au psychiatre aux urgences, et elle m’a répondu « On peut t’aider, mais il va falloir que tu nous aides aussi ». Certes, mais si elle avait eu un minimum de jugeote, elle aurait compris que je n’avais peut-être pas envie de raconter les détails de ma crise psychique devant ma colocataire. Cela dit, ça va avec le manque total d’intimité de l’hôpital, on peut mettre cette demande de raconter des choses intimes en public (on était dans le couloir du service) sur le même plan que le fait de devoir me déshabiller devant quatre personnes (mon amie, une autre patiente et deux infirmières) pour mettre leur uniforme. Tu es hospitalisée, ton corps et ton esprit, ça devient open bar.

Et les injonctions « motivante » du type « Il faut passer à l’action » à une personne en burn out sévère qui n’a plus les ressources disponibles, ça donne juste envie de fuir. C’est culpabilisant et ça montre que le professionnel n’a rien compris à notre situation. Je ne suis pas là pour de la pensée positive, sinon j’ouvrirais un manuel de développement personnel. Ce type de remarque, ça m’isole encore plus, ça me montre à quel point je suis seule face à ma situation. Ça coupe le dialogue, puisque s’y opposer ferait de moi une patiente de mauvaise volonté et une personne molle et fade qui n’a pas de volonté.

Une des choses que les psychiatres adorent aussi, c’est la comparaison avec le diabète. On doit bien prendre nos médicaments 💊, on a un déséquilibre dans le cerveau, c’est comme pour les diabétiques, ils ont besoin d’insuline, nous on a besoin de neuroleptiques à vie. C’est comme ça, et si ça ne se passe pas bien, pas de problème, on augmentera la dose, mais n’allons surtout pas nous interroger sur nos émotions et notre histoire de vie. Si on se plaint des effets secondaires, ils seront toujours minimisés. Soit on nous dira tout simplement qu’on se trompe (non, les neuroleptiques ne font pas grossir, les benzodiazépines ne créent pas de dépendance, qu’est-ce qu’on va s’imaginer là), ou alors qu’il y aura peut-être un ou deux petits effets gastro-intestinaux avec cet antidépresseur, mais vraiment c’est tout, soit on nous dira qu’ils sont un moindre mal. Quand je me plaignais d’être toujours d’humeur égale, coupée de mes émotions, ma psychiatre me disait que c’était mieux que de n’avoir que des émotions négatives. Comme si, sans neuroleptiques, je ne ressentirais forcément que des choses pénibles, comme si la seule voie pour aller mieux était d’être coupée de moi-même, de ne rien ressentir. Comme si parce que j’avais vécu des moments très difficiles, j’étais condamnée à ne plus vivre que ça. Je ne sais pas si vous mesurez bien la violence de ces propos, fussent-ils énoncés avec douceur et le sourire.

J’avais dit à un ami qu’en psychiatrie, ils ne veulent pas nous soigner, ils veulent nous domestiquer. Et c’est vraiment ça. Qu’on utilise des neuroleptiques en cas de délire et d’hallucinations, ça peut se comprendre, mais pour éliminer les comportements problématiques (selon leurs normes), éteindre nos émotions, nous faire taire en somme 🤐, quand on connaît les effets secondaires très graves sur la santé physique et psychique, c’est scandaleux. Surtout en martelant à la personne que ce sera à vie. La dernière fois que je suis allée voir ma psychiatre, une de ses collègues l’a appelée pour lui parler d’un patient qui était rentré ivre dans son habitation protégée et, je cite, cela « posait problème à ses congénères » 🦍. Je connais trop bien la psychiatrie pour penser qu’il s’agit d’une erreur de langage. Et cela rejoint ce que j’avais dit à mon ami: ils veulent nous domestiquer.

Et dès que nos émotions sont un peu trop intenses, on nous parle d’hospitalisation, parce que forcément quand on vit une crise dans notre vie, c’est l’HP qui nous aidera. En réalité, qui nous contiendra, qui nous anesthésiera, qui nous fera taire, car c’est l’endroit au monde où on a le moins le droit d’exprimer nos émotions et notre douleur, si on tient à notre intégrité physique et mentale 💉 ainsi qu’à notre liberté.

Les personnes qui débordent un peu dans ce monde 🌊, on ne se demande pas pourquoi, on n’écoute pas leur souffrance légitime, non on en fait des cas à gérer, qu’on classe en bon ou mauvais patients selon leur degré de docilité et de reconnaissance envers le système médical.

Je ne veux plus être réduite à une maladie ou un trouble, devenir un cas, une patiente à gérer et contrôler. Ça ne veut évidemment pas dire que je ne veux plus être soignée, mais seulement par des gens qui respectent la personne que je suis. Mon kiné m’a demandé un jour si je me répétais des mantras. Ce n’est absolument pas mon genre, je ne suis pas une adepte de la méthode Coué, je sais très bien que la pensée magique ne fait que rassurer sur l’instant mais n’apporte rien de concret. Pour moi, ça n’a vraiment aucun intérêt. Mais finalement, j’ai peut-être trouvé mes propres mantras, quoiqu’à la réflexion ce sont sans doute plutôt des principes de vie, mais en tout cas j’ai deux phrases qui me guident pour le moment pour survivre: On se lève et on se casse (du cabinet du soignant maltraitant, ou au moins on n’y retourne pas, merci Virginie Despentes 😍) et Hors de ma vie la psychiatrie.

J’ai été déconsidérée pendant des décennies et aujourd’hui j’ai décidé de me reconsidérer. Avec le soutien de mes pairs autistes ♾, ils me sauvent réellement la vie, et celui des soignants qui sont de réels alliés.


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