Magazine Culture

I’m Stepping Out : La libération de John Lennon, une immersion dans l’après-Doublé Fantasy

Publié le 10 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

L’enregistrement de « I’m Stepping Out » : un moment d’évasion et de renouveau

Le 6 août 1980, John Lennon se rendait en studio pour entamer les premières sessions d’enregistrement de Double Fantasy, un album qui marquerait son grand retour sur la scène musicale après cinq années d’absence, consacrées à sa vie de père au foyer. L’une des premières chansons à être enregistrée durant cette période était I’m Stepping Out, un morceau qui, bien que faisant partie de l’album Milk And Honey, ne vit officiellement le jour qu’en 1984, après la tragique disparition de Lennon.

L’histoire derrière I’m Stepping Out commence à l’été 1980, lors du séjour de Lennon à Bermuda, une escapade qui s’avéra être bien plus qu’une simple pause dans sa routine de père et mari. Lors d’une soirée dans un nightclub de l’île, John, encore légèrement dans les bras de Morphée après une nuit de fête, eut une révélation : il réalisa qu’il n’avait pas perdu la capacité de se libérer de ses responsabilités quotidiennes et de renouer avec une forme de vitalité créative. C’est dans cet état d’esprit qu’il écrivit I’m Stepping Out, une chanson qui parle de la libération d’une vie sédentaire pour retrouver la folie de la jeunesse et de l’indépendance.

Une chanson inspirée par une expérience vécue

L’inspiration derrière I’m Stepping Out provient donc directement de ce séjour à Bermuda, et plus particulièrement de la soirée en boîte de nuit qui marqua un tournant dans la perception de Lennon de son existence à ce moment précis. Son retour à la scène musicale, bien que marqué par un sentiment de renouveau et d’évasion, est également teinté de réflexions plus profondes sur la recherche de sens dans un monde qui lui semblait parfois bien trop stable, trop confortable. Il est intéressant de noter que, bien que la chanson semble résumer un état d’esprit effervescent et exalté, elle utilise des éléments de chansons plus anciennes. En effet, une partie des paroles, notamment celles du couplet central, ont leurs racines dans une chanson qu’il avait commencée en 1979, That’s the Way the World Is, et qui allait devenir plus tard Real Life.

Cet aspect montre à quel point le processus créatif de Lennon était fluide, presque organique, intégrant des idées et des éléments issus de différentes périodes de sa vie. Les deux morceaux partagent des thèmes similaires de recherche de vérité et d’émancipation personnelle, bien que I’m Stepping Out ait été teinté d’une dynamique plus festive et enivrante, contrastant avec la réflexion plus intime de Real Life.

Dans le studio : l’évolution de la chanson et des enregistrements

Les sessions de Double Fantasy débutaient donc en août 1980, avec John Lennon donnant le ton dès la première journée. Après avoir partagé ses démos réalisées à Bermuda avec ses musiciens, il entreprit d’enregistrer des versions brutes de certaines chansons. I’m Stepping Out fut la première à être abordée, donnant ainsi le ton de ce qui allait devenir un album à la fois personnel et énergique, à l’image de ce que Lennon ressentait dans ce moment de sa vie.

La première prise de la chanson ne fut pas celle qui figura sur Milk and Honey, mais plutôt une version partiellement aboutie, qui allait plus tard être retravaillée. Ce premier enregistrement, bien que comportant des démarrages et des ruptures, témoigne de l’énergie brute que Lennon et ses musiciens – Earl Slick, Hugh McCracken, Tony Levin, George Small, Andy Newmark et Arthur Jenkins – insufflèrent à la pièce. Ce fut un processus d’itération constante, avec plusieurs prises qui allèrent crescendo, avant d’aboutir à un enregistrement final où Lennon, toujours en quête de perfection, élimina un couplet qu’il avait pourtant initialement inclus.

Le couplet supprimé, que l’on peut entendre sur John Lennon Anthology, dévoile une facette plus personnelle de Lennon. Ce passage, qui raconte comment un médecin ne pouvait pas le voir à cause de ses propres habitudes de vie – allant même jusqu’à danser pour « sucrer son haleine » – est un exemple typique de l’humour noir de Lennon, et de sa manière de faire de l’absurde une forme de catharsis.

La sortie de « I’m Stepping Out » : un retour posthume en 1984

Le 23 janvier 1984, I’m Stepping Out est finalement publié comme troisième single du posthume album Milk And Honey, un album qui rassemblait des morceaux de Lennon enregistrés avant sa mort, entrecoupés d’un hommage à sa vie et à son art. Bien que la chanson n’ait pas été l’un des morceaux les plus emblématiques de l’album, elle illustre parfaitement l’intention de Lennon de se libérer de ses rôles familiaux et de renouer avec son ancienne identité d’artiste rebelle, de poète insouciant et, dans une certaine mesure, de rockeur en quête de liberté.

Aux États-Unis, I’m Stepping Out fut diffusé le 19 janvier 1984, tandis qu’en Grande-Bretagne, il sortait le 23 janvier, soit deux mois plus tard. Le single fut un succès modéré, atteignant la 55e place du Billboard Hot 100 aux États-Unis, et la 88e place au Royaume-Uni. Bien que la chanson n’ait pas atteint des sommets dans les classements, elle reste un témoignage précieux du dernier souffle créatif de Lennon.

Le single comportait, en face B, la chanson Sleepless Night de Yoko Ono, ce qui, à l’époque, ajoutait une dimension supplémentaire à la sortie, en célébrant non seulement Lennon, mais également sa collaboration avec sa femme. L’édition 12″ du single proposait également une autre chanson de Yoko Ono, Loneliness, ajoutant une note encore plus personnelle et intime à la sortie.

Le legs de « I’m Stepping Out » et son influence

Si I’m Stepping Out n’a pas eu un grand impact commercial à sa sortie, il est néanmoins devenu un morceau culte pour les fans de Lennon et de son œuvre post-Beatles. L’un des éléments les plus frappants de cette chanson est la façon dont elle résume l’âme de l’artiste en 1980. Non seulement elle témoigne de son retour à la musique après une longue pause, mais elle révèle également sa capacité à se réinventer sans perdre son esprit critique et rebelle. Le morceau, léger et entrainant, ne cache pourtant pas les doutes qui persistaient en lui à l’époque : la dualité entre le Lennon apaisé du père de famille et l’artiste avide de liberté, celle qui a toujours vécu pour se libérer des contraintes, des étiquettes et des attentes.

Les amateurs de Lennon savent que ce titre fait partie de ces morceaux qui, en dépit de leur apparente simplicité, cachent une richesse d’intentions et une profondeur d’émotion qui caractérisent l’artiste tout au long de sa carrière. I’m Stepping Out est donc une célébration de la liberté, un dernier cri d’indépendance avant que le destin tragique de Lennon ne vienne clore brutalement ce chapitre de son existence.

Dans le cadre de Milk and Honey, l’album dans son ensemble reflète la continuité et l’évolution de Lennon, de la même manière que I’m Stepping Out capte cette évasion définitive qu’il recherchait au cœur de son quotidien. La chanson, en somme, incarne l’un des derniers feux de cette flamme créative qui n’a jamais cessé de brûler en lui, même après toutes ces années de silence.

Ainsi, I’m Stepping Out n’est pas seulement un morceau posthume, c’est un morceau clé de la carrière de John Lennon, un pont entre la fin de son histoire et l’influence qu’il laisse encore aujourd’hui sur des générations de musiciens et de fans. Une chanson d’évasion, mais aussi un reflet de l’artiste qu’il fut : inclassable, insaisissable, libre.


Retour à La Une de Logo Paperblog