L'usure d'un monde : une traversee de l'iran

de François-Henri Désérable

Roman - 160 pages

Editions Gallimard - mai 2023

Edition poche Folio - septembre 2024

Prix Nicolas Bouvier - 2023

Prix du Roman News - 2023

Fin 2022, François-Henri Désérable quitte la France pour passer plusieurs mois en Iran, alors que la société iranienne bouillonne et parvient parfois à clamer sa haine du régime du mollah Khomenei, et alors sue les femmes plus que jamais se soulèvent suite à la mort de Mahsa Amini. Ce voyage, il l'entreprend sur les traces de ses pairs, de son idole Nicolas Bouvier qui a écrit le périple de Genève à Kaboul, avec son ami illustrateur Thierry Vernet en 1953-54. François-Henri lui veut reprendre la traversée d'ouest en est de l'Iran. C'est un pays écartelé entre la soif de liberté de sa jeunesse et un régime obnubilé par la paranoïa et la surveillance. Et bien sûr, les péripéties techniques et les décalages culturels seront au rendez-vous.

Sur un ton parfois rempli d'humour, l'auteur narre son périple sans cacher ses peurs et ses maladresses. Il nous fait part aussi de ses découvertes, son analyse, de ses références et sa manière d'interpréter ce monde où il se trouve. Et puis, des différences de charme entre Téhéran, Ispahan, Chiraz, et le fin fond du Balouchistan. Au fil des rencontres, celles d'espions du régime dont on se passerait, celles des femmes et hommes qui rusent de stratagèmes pour se soutenir discrètement, pour improviser des manifestations, des cris de lutte contre le chef suprême, pour se reconnaître et se sentir moins seul à être épuisé du régime, on est imprégné de l'hospitalité et l'hostilité du pays, de sa lumière et ses noirceurs.

Extrait :

"Chacun avait sa façon de s'opposer au régime. Il y avait ceux qui couvraient les murs de slogans, arrachaient les affiches du Guide suprême et manifestaient dans les rues. Il y avait ceux qui, sans manifester, venaient au soutien des manifestants, comme cette femme voilée que j'ai vue rentrer du bazar avec trois fers à repasser dans un sac : chaque fois qu'un agent du régime coursait quelqu'un sous ses fenêtres, vraiment, c'était à n'y rien comprendre, son fer tombait du balcon. Et puis il y avait ces commerçants qui appelaient à la grève générale et baissaient le rideau ; et ces internautes qui déjouaient la censure et postaient des photos, des vidéos embarrassantes pour la République islamique ; et puis bien sûr, en première ligne, il y avait toutes celles qui allaient et venaient dans les rues, cheveux au vent."

J'ai beaucoup aimé ce livre, ce carnet de voyage assez libre sur les réflexions qui égrène le récit du quotidien, en choisissant certains angles de vue seulement, quelques anecdotes ou certains détails porteurs d'espoir. Car à l'époque du voyage de l'auteur, la société iranienne bouillonnait et ses éclats de révolte médiatisés dans le monde entier semblait sonner le glas du régime en place et l'issue d'une prochaine révolution. Or trois ans plus tard.....

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