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Wild Honey Pie : l’expérimentation débridée de Paul McCartney sur le White Album

Publié le 12 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Lorsque The Beatles sort leur double album emblématique en novembre 1968, le public et la critique découvrent un disque foisonnant, anarchique, où cohabitent ballades sublimes, morceaux rock féroces et excentricités sonores. Parmi ces curiosités, un titre d’une minute à peine, à la fois ludique et grinçant : « Wild Honey Pie ». Composé et enregistré en solo par Paul McCartney, ce court interlude sonore ne devait initialement pas figurer sur l’album, mais son sort a été scellé par l’avis d’une seule personne : Pattie Boyd, l’épouse de George Harrison.

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Un fragment musical né en Inde

L’histoire de Wild Honey Pie commence en Inde, à Rishikesh, où les Beatles sont en retraite spirituelle avec le Maharishi Mahesh Yogi. Dans cet environnement paisible, propice à la création, Paul McCartney griffonne une myriade de mélodies, dont certaines deviendront des classiques du White Album. Parmi elles, une chanson enjouée et nostalgique intitulée « Honey Pie », hommage aux airs de music-hall d’antan.

C’est dans ce contexte que naît Wild Honey Pie, un exercice de style improvisé et absurde, comme un écho déstructuré à Honey Pie. Paul ne cherche pas à composer un morceau achevé, mais plutôt à explorer les possibilités sonores offertes par l’expérimentation studio.

Un McCartney en roue libre

Le 20 août 1968, lors de la deuxième et dernière session d’enregistrement de Mother Nature’s Son, McCartney profite du temps restant pour s’amuser en solo. Seul dans le studio, il superpose plusieurs pistes instrumentales et vocales dans une frénésie de multitracking. Sur une base de guitare acoustique, il ajoute une batterie rudimentaire et des couches de voix trafiquées, triturées avec un vibrato excessif. Le résultat est un ovni musical, un jeu de textures et d’intonations déformées.

Dans une interview avec Barry Miles (Many Years From Now), McCartney explique sa démarche :

Nous étions dans une phase d’expérimentation. J’ai demandé si je pouvais juste inventer quelque chose. J’ai commencé à la guitare et j’ai expérimenté avec le multitracking. C’était très artisanal, pas une grosse production. J’ai construit cette pièce court-circuitée, en ajoutant des harmonies les unes aux autres, avec un vibrato exagéré sur les cordes. C’est devenu Wild Honey Pie.

Pattie Boyd, la sauveuse inattendue du morceau

Lors de la finalisation de l’album, Wild Honey Pie aurait très bien pu être relégué aux oubliettes des sessions d’enregistrement. Mais c’était sans compter sur l’attachement inattendu de Pattie Boyd, qui supplie McCartney et George Martin de le conserver.

McCartney confiera plus tard :

C’était juste un fragment instrumental dont nous n’étions pas sûrs, mais Pattie Harrison l’aimait beaucoup, alors nous avons décidé de le laisser sur l’album.

Une décision qui contribue à l’aspect éclectique et parfois chaotique du White Album, véritable mosaïque musicale où cohabitent des styles diamétralement opposés.

Un morceau anecdotique ou une déclaration artistique ?

Si Wild Honey Pie est souvent cité comme l’un des morceaux les plus déroutants du catalogue des Beatles, il s’inscrit pourtant dans une logique de liberté artistique absolue qui caractérise le White Album. En 1968, le groupe n’hésite plus à repousser les limites de la production, s’affranchissant des conventions pour explorer de nouvelles frontières musicales.

Ce court interlude sonore peut ainsi être perçu comme un manifeste de l’expérimentation pop. Dans un album qui jongle entre la délicatesse de Blackbird et la fureur de Helter Skelter, Wild Honey Pie s’impose comme un clin d’œil ludique à l’auditeur, une parenthèse absurde qui incarne le chaos créatif de cette époque.

Certains critiques voient en lui un simple délire de McCartney, tandis que d’autres saluent son audace minimaliste. Une chose est sûre : cette fantaisie musicale n’a laissé personne indifférent. En seulement 52 secondes, Paul McCartney prouve que même les digressions les plus loufoques peuvent marquer l’histoire du rock.


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