Lorsque John Lennon a enregistré l’album John Lennon/Plastic Ono Band en 1970, il se trouvait à un tournant de sa vie, hanté par la douleur du passé et la quête d’une guérison intérieure. Cet album, caractérisé par une démarche de catharsis totale, a secoué l’univers de la musique en dévoilant la vulnérabilité la plus intime de Lennon. Au milieu de cette exploration émotionnelle brutale, un morceau se distingue par son caractère relativement optimiste : Hold On. Ce titre, d’une simplicité presque désarmante, représente à la fois une bouffée d’air frais et un appel à la résilience dans un océan de désespoir. Mais derrière cette douceur apparente, que cache réellement Hold On ? Ce morceau incarne-t-il une véritable lumière dans l’obscurité, ou est-ce simplement une illusion, un instant suspendu dans le tourbillon émotionnel de l’artiste ?
Sommaire
- Le Contexte de l’Album : Un Voyage Émotionnel Brut
- « Hold On » : Une Plongée dans l’Optimisme Éphémère
- Enregistrement et Ambiance en Studio : Une Recherche de Pureté
- Le Sens Profond de « Hold On » : Une Convoque à la Résilience
- Un Détail Curieux : L’Appel au Cookie Monster
- Une Dernière Réflexion : « Hold On » et la Légende de Lennon
Le Contexte de l’Album : Un Voyage Émotionnel Brut
L’album John Lennon/Plastic Ono Band a été enregistré entre le 26 septembre et le 23 octobre 1970, alors que John Lennon était en plein processus de guérison grâce à la Primal Therapy, une méthode développée par le Dr Arthur Janov. Cette thérapie visait à libérer les individus des traumatismes émotionnels enfouis en les confrontant à leurs douleurs les plus profondes. Si des morceaux comme Mother ou I Found Out dépeignent le chaos intérieur de Lennon, Hold On se distingue par sa tonalité apaisée, presque douce, et son message d’espoir.
Le morceau se dégage ainsi de l’atmosphère lugubre qui prédomine sur l’album. Certes, il n’est pas exempt de cette tension émotionnelle caractéristique de l’ensemble de l’œuvre, mais Hold On fait entendre une voix différente, celle d’un homme qui, malgré tout, veut croire que tout ira bien. Ce titre incarne cette lueur d’espoir au cœur de la tourmente, un appel à ne pas céder au découragement. En cela, il est significatif dans l’évolution personnelle de Lennon, un artiste qui venait de subir une profonde remise en question de ses certitudes et de ses croyances.
« Hold On » : Une Plongée dans l’Optimisme Éphémère
L’une des caractéristiques les plus frappantes de Hold On est sa légèreté, une légèreté qui contraste fortement avec le reste de l’album. Le morceau commence avec une guitare traitée par un effet de trémolo, créant une atmosphère presque aérienne. Lennon chante avec une douceur rare, et la musique, tout en étant simple, dégage une énergie vibrante qui semble incarner l’espoir. En effet, après les hurlements de douleur de Mother et la confrontation avec la vérité crue de I Found Out, Hold On apparaît comme une pause, un moment suspendu où le monde semble prendre une respiration, comme un appel à la sérénité.
Cette légèreté sonore n’est pas anodine. Elle révèle une des faces cachées de Lennon, qui, en dépit de la douleur qu’il exprime sur d’autres morceaux de l’album, parvient à entrevoir la possibilité d’un futur meilleur. Dans ses paroles, Lennon semble se rassurer lui-même : « Hold on, John, it’s going to be alright » (« Tiens bon, John, tout ira bien »). Ces mots, proférés avec une simplicité touchante, sont le reflet de la fragilité de l’homme à ce moment précis de sa vie. C’est presque un mantra, une phrase que Lennon se répète pour trouver la force de continuer à avancer.
Enregistrement et Ambiance en Studio : Une Recherche de Pureté
Le processus d’enregistrement de Hold On a été tout sauf banal. Ce morceau, enregistré en 32 prises au légendaire EMI Studios d’Abbey Road, témoigne de l’attention portée aux détails et de l’implication de Lennon dans la création de son œuvre. La chanson a subi plusieurs transformations au cours de la session, et Lennon a envisagé à un moment donné d’opter pour un fade-out à la fin, avant de finalement abandonner l’idée. Ce détail révèle le perfectionnisme de l’artiste, qui voulait capturer la sincérité et la pureté de ses émotions.
L’approche minimaliste du morceau, se réduisant à une simple combinaison de guitare, basse, batterie et voix, est également significative. Contrairement à d’autres morceaux plus complexes de l’album, Hold On mise sur la simplicité pour faire passer son message. La performance, légère et fluide, contraste avec les arrangements plus denses et souvent chaotiques de l’album. Le jeu de guitare de Lennon, orné d’un trémolo subtil, se mêle harmonieusement à la batterie sobre de Ringo Starr et à la basse de Klaus Voormann, créant une atmosphère calme et presque rassurante.
Il est intéressant de noter qu’entre les prises, les musiciens se sont aussi adonnés à des jams de rock’n’roll, y compris une reprise du titre Long Lost John de Lonnie Donegan. Cette parenthèse musicale dénote la convivialité et la légèreté qui régnaient dans le studio, à l’opposé de la gravité des thèmes abordés sur le reste de l’album. Hold On porte ainsi une certaine fraîcheur, comme un instant de liberté et de joie dans un album par ailleurs profondément introspectif.
Le Sens Profond de « Hold On » : Une Convoque à la Résilience
L’une des clefs de Hold On réside dans sa simplicité et sa répétition de l’expression « Hold on ». Le verbe « tenir bon » est ici bien plus qu’un simple encouragement. Il est une incitation à la persévérance, à la résilience face aux épreuves de la vie. Ce morceau n’est pas seulement un chant d’espoir, mais un véritable appel à l’action, à ne pas céder à la désespérance, à maintenir le cap même lorsque tout semble s’effondrer autour de soi.
Lennon, dans sa quête de guérison intérieure, semble indiquer que malgré les douleurs et les défis, il est possible de trouver une forme de paix. Le refrain, simple mais puissant, résonne comme une affirmation de force et de conviction : « Hold on, John, it’s going to be alright ». Cette phrase, réitérée tout au long du morceau, n’est pas seulement une déclaration, mais une forme de dialogue intérieur. Lennon, en se parlant à lui-même, fait écho à l’un des plus grands combats de l’humanité : celui de surmonter la souffrance et de croire qu’il y a toujours une possibilité de rédemption.
Un Détail Curieux : L’Appel au Cookie Monster
Un autre détail fascinant de Hold On est l’ad-lib « cookie » qui ponctue le morceau. Ce mot, apparemment anodin, a suscité beaucoup de spéculations. L’influence de l’émission Sesame Street, qui a fait ses débuts en 1969 aux États-Unis, est indéniable ici. Lennon, qui suivait probablement le programme pendant sa thérapie, semble avoir associé la figure du Cookie Monster à un aspect régressif de sa personnalité, peut-être en lien avec sa propre enfance. Ce détail, aussi ludique que symbolique, témoigne de l’aspiration de Lennon à retrouver une forme d’innocence et de simplicité. De plus, il a même doublé sa voix, ajoutant un second « cookie », renforçant encore l’idée d’un jeu enfantin et d’une recherche de légèreté dans un monde qui en manquait cruellement.
Il n’est pas surprenant que Ringo Starr, quelques années plus tard, évoque également le mot « cookie » dans son morceau Early 1970, une chanson en hommage à Lennon et Yoko Ono. Ce mot, véritable signature affective, traverse donc plusieurs œuvres des membres des Beatles, symbolisant sans doute la complicité et l’innocence partagée dans cette période de remise en question collective.
Une Dernière Réflexion : « Hold On » et la Légende de Lennon
Hold On est un morceau où se mêlent légèreté et profondeur, une chanson qui invite à l’espoir tout en étant ancrée dans la réalité de la douleur. Dans le contexte de John Lennon/Plastic Ono Band, il apparaît comme un instant suspendu, une respiration au milieu de l’orage. Si certains ont pu considérer l’album dans son ensemble comme un cri de désespoir, Hold On nous rappelle que même dans les moments les plus sombres, il existe des instants de clarté, des moments de lumière qui nous aident à continuer à avancer.
Lennon, en écrivant ce morceau, semble se rappeler à lui-même que malgré la brutalité de la vérité et la douleur de la guérison, tout peut s’arranger. Peut-être est-ce là le plus grand message de Hold On : l’espoir, aussi fragile soit-il, est toujours une possibilité à saisir, et il faut savoir y tenir bon.
