Dans le monde de la musique, certaines œuvres, malgré leur caractère inachevé ou marginal, offrent des aperçus fascinants et inédits sur des artistes légendaires. C’est le cas de One of the Boys, un morceau de John Lennon qui n’a vu le jour qu’en 2010, bien après sa mort, dans le cadre de la John Lennon Signature Box. Bien qu’il fût enregistré en 1977, une période marquée par une relative absence de la scène musicale, cette chanson reste un fragment précieux qui témoigne de l’état d’esprit et de l’évolution personnelle de Lennon à ce moment-là. One of the Boys ne se contente pas d’être une simple chanson : elle est le reflet d’un homme en quête de paix intérieure, un homme qui a décidé de délaisser les excès et la célébrité pour se consacrer à sa famille.
Sommaire
- L’Enregistrement à la Maison : Une Intimité Préservée
- Les Paroles : Une Acceptation de l’Âge et des Changement
- Le Retour aux Sources : « Les Garçons » et la Référence aux Beatles
- L’Héritage de la Lost Weekend et la Volonté de Se Réinventer
- Une Chanson Inachevée et Fragmentée
- L’Héritage de One of the Boys
L’Enregistrement à la Maison : Une Intimité Préservée
One of the Boys a été enregistré dans un cadre intimiste, à l’endroit même où Lennon résidait alors : le Dakota Building à New York, un lieu désormais aussi mythique que l’artiste lui-même. Cette chanson fait partie de trois morceaux jusqu’alors inédits, extraits de la John Lennon Signature Box, publiée en octobre 2010, une anthologie qui revisite l’œuvre de Lennon sous un nouveau jour. Enregistré à la fin de 1977, ce morceau reflète une période où l’artiste semblait avoir tourné une page importante de sa vie. C’est l’époque où il n’avait plus de contrat avec une maison de disques, ni de projet musical majeur. Sa vie, depuis son retour de la « Lost Weekend » – cette période d’extravagances après sa séparation avec Yoko Ono – avait pris un tournant plus familial. Lennon se consacrait à élever son fils Sean, une situation qui l’éloignait des projecteurs et des obligations professionnelles.
Le fait que One of the Boys ait été enregistré avec un simple accompagnement de guitare acoustique et une voix décontractée renforce cette idée d’intimité. Ce n’était pas un morceau pour les studios, ni même pour les fans : c’était avant tout un exutoire personnel, un moment de légèreté et d’acceptation. Cette chanson résonne ainsi comme une prise de conscience, une réconciliation avec le temps qui passe et la perte d’une partie de l’éclat du passé.
Les Paroles : Une Acceptation de l’Âge et des Changement
Dès les premières lignes, One of the Boys plonge l’auditeur dans un univers de réflexion sur le temps qui s’écoule. Les paroles, en particulier l’ouverture, révèlent la manière dont Lennon a accueilli sa propre transformation :
« Well he’s no longer le garçon fatale/He’s just one of the boys/You know they say that he’s aged very well/Still he’s just one of the boys »
Ces mots ne cachent rien de leur signification profonde. Le « garçon fatale » – cet homme autrefois sauvage, rebelle et implacable – se retrouve transformé en « l’un des garçons », un homme plus sage, détaché des préoccupations superficielles de la jeunesse et de la célébrité. Lennon, à travers ce morceau, semble accepter son âge et l’idée que la gloire et l’excès sont désormais derrière lui. Cette évolution est d’autant plus marquante lorsqu’on sait qu’il venait de traverser une période tumultueuse, marquée par une séparation, la fin de ses excès et la volonté de changer de cap.
Ainsi, One of the Boys apparaît comme une chanson de rédemption personnelle, un moment où Lennon exprime son désir de se débarrasser des démons du passé pour revenir à une forme de simplicité et de sincérité. Ce morceau est à la fois une réflexion sur la vieillesse et une affirmation de la continuité, comme un témoignage d’un homme qui choisit d’accepter la réalité du temps qui passe sans pour autant se laisser définir par elle.
Le Retour aux Sources : « Les Garçons » et la Référence aux Beatles
En évoquant « les garçons », Lennon renvoie indirectement à l’époque des Beatles. Il s’agit d’un terme qui a marqué leur jeunesse et leur époque, utilisé par leur manager Brian Epstein pour désigner le groupe. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une référence explicite à ses anciens camarades de groupe, cette expression symbolise une forme de nostalgie et de camaraderie. Cette reprise subtile du terme « les garçons » montre un Lennon qui, tout en s’éloignant du personnage qu’il incarnait dans les années 1960, garde néanmoins un pied dans cet univers qui l’a façonné.
Lennon n’échappait pas à l’appel du passé. Cependant, au lieu de le regretter ou de se laisser submerger par lui, il semble avoir adopté une attitude plus légère et détachée. Cette réappropriation du terme « les garçons » est donc révélatrice de son état d’esprit à l’époque : un homme qui, tout en restant lucide sur son passé, décide d’embrasser une nouvelle version de lui-même, plus calme et plus sereine.
L’Héritage de la Lost Weekend et la Volonté de Se Réinventer
L’un des aspects les plus intéressants de One of the Boys réside dans la manière dont il fait écho à une époque particulière de la vie de Lennon : celle de la « Lost Weekend ». Après sa séparation d’avec Yoko Ono en 1973, Lennon s’est retrouvé plongé dans une période d’excès, de fêtes et d’errance qui a duré près de deux ans. Ce fut un moment d’expérimentation musicale, mais aussi de dépression personnelle. Lennon se lança alors dans des projets avec Harry Nilsson et d’autres artistes, loin de l’intensité de ses années avec les Beatles. Cependant, avec le temps, il prit la décision de s’éloigner de cette époque, de se retirer dans sa maison du Dakota Building pour se consacrer à sa famille, notamment à son fils Sean. Cette chanson peut donc être perçue comme une forme de catharsis, une manière de tourner définitivement la page de cette période chaotique et de se réinventer.
Les paroles de One of the Boys témoignent de cette évolution : un homme qui, après avoir traversé l’exubérance de la jeunesse et les excès du rock’n’roll, accepte le passage du temps et s’engage sur une voie plus calme et plus intime. Lennon semble faire la paix avec son passé, tout en reconnaissant que ce qu’il était autrefois ne définit plus son existence présente. Il n’est plus « le garçon fatale », mais simplement « l’un des garçons ».
Une Chanson Inachevée et Fragmentée
Il est important de noter que One of the Boys ne fut jamais achevée en tant que chanson complète. Comme de nombreuses autres œuvres inachevées de Lennon, elle reste une esquisse, une idée en devenir, une fenêtre ouverte sur une époque spécifique. Bien que cette chanson n’ait pas été une œuvre pleinement réalisée, elle fait partie d’un ensemble de morceaux rares et inédits que la John Lennon Signature Box a permis de découvrir. Outre One of the Boys, le coffret contient également d’autres trésors, tels que India, India et une reprise de Honey Don’t de Carl Perkins. Ces morceaux illustrent la diversité des inspirations et des envies créatives de Lennon à cette époque.
Le fait que One of the Boys ait été laissée de côté et inachevée peut être interprété de plusieurs façons. Peut-être Lennon n’avait-il pas encore trouvé la forme définitive qu’il souhaitait lui donner. Ou peut-être, dans un contexte où il semblait avoir pris ses distances avec l’industrie musicale, il n’avait tout simplement plus l’envie de finaliser un morceau pour les grandes scènes du monde musical. Quoi qu’il en soit, la chanson reste un témoignage précieux de son état d’esprit à cette époque.
L’Héritage de One of the Boys
Aujourd’hui, One of the Boys occupe une place particulière dans l’héritage de John Lennon. Ce morceau est bien plus qu’une simple chanson oubliée : il incarne un moment de calme et de réconciliation dans la vie d’un homme qui, malgré ses excès passés, parvient à trouver une forme de sérénité. À travers ce titre, Lennon nous offre un regard sur un aspect de sa vie que peu de gens connaissent, un aspect moins connu que ses engagements politiques ou ses luttes artistiques.
Dans un monde où l’image de Lennon est souvent associée à sa lutte pour la paix et son militantisme, One of the Boys rappelle à quel point il était aussi un homme de contradictions et de paradoxes, un homme capable de se réinventer et de se réconcilier avec son passé. Ce morceau, bien que simple dans sa forme, révèle une profondeur émotionnelle et une humanité qui, aujourd’hui encore, continuent de toucher ceux qui prennent le temps de l’écouter.
L’héritage de One of the Boys est ainsi de nous offrir un moment d’introspection dans la vie d’un des plus grands génies musicaux du 20e siècle. Une chanson apparemment légère mais profondément émotive, qui nous invite à réfléchir sur le temps qui passe, l’acceptation de soi et le pouvoir de la réinvention.
