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Beatles Anthology sur Disney+ : un épisode 9 émouvant et inédit

Publié le 18 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Trente ans après sa première diffusion, The Beatles Anthology revient en version restaurée sur Disney+, enrichie d’un épisode 9 inédit réalisé par Oliver Murray. Ce nouveau volet explore les coulisses des retrouvailles des Threetles en 1994–1995, entre jam sessions, moments intimes et mémoire partagée. Une plongée touchante dans la fabrique de l’autobiographie audiovisuelle des Beatles, entre images familières et inédits subtils.


Trente ans après sa première diffusion télévisée, The Beatles Anthology revient dans une version restaurée et augmentée qui sera mise en ligne sur Disney+ à partir du 26 novembre. Longtemps considérée comme la pierre angulaire des films officiels consacrés aux Beatles, la série documentaire est désormais remasterisée, son et image, et s’accompagne d’un « épisode 9 » inédit programmé pour le 28 novembre. De quoi relancer, avec un élan nouveau, l’intérêt pour ce récit définitif que John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr ont eux‑mêmes façonné au milieu des années 1990.

Ce neuvième volet, d’une durée annoncée de 51 minutes, arrive auréolé d’une promesse : offrir des regards « en coulisses » sur la fabrique de l’Anthology et sur les retrouvailles des trois Beatles survivants lors des sessions de 1994–1995. L’information a circulé en amont : les séquences montrent les complices se retrouvant, instruments en main, plaisantant sur l’idée d’une tournée dans des stades, et partageant des bribes de standards comme « Blue Moon of Kentucky » et « Ain’t She Sweet ». L’enjeu, pour les fans comme pour les historiens, est double : mesurer ce qui constitue du vrai inédit et comprendre ce que cette nouvelle présentation apporte à la mémoire filmée du groupe.

Sommaire

  • Pourquoi Anthology reste un document capital
  • Oliver Murray aux commandes : continuité et inflexions
  • Ce que l’on sait du contenu : entre jam sessions et scènes de retrouvailles
  • Jamais vu ou déjà vu ? Un débat inévitable chez les fans
  • 1994–1995 : la fabrique des « Threetles »
  • Quelle place pour « Blue Moon of Kentucky » et « Ain’t She Sweet » ?
  • Runtime et dramaturgie : 51 minutes suffisent‑elles ?
  • La question du vrai inédit
  • Restaurations et mixages : ce que change la technologie
  • Mise en ligne par salves : une chronologie pensée pour le binge‑watching
  • Retour aux sources : 2003 et l’ombre portée du bonus de 81 minutes
  • Peter Jackson, Get Back et la pédagogie du plan long
  • Les épouses à l’écran : symbole discret, importance majeure
  • Le pari éditorial : un épisode‑charnière entre mémoire et nouveauté
  • Impact pour la discographie et la vidéographie Beatles
  • Réception : ce que les fans guetteront à la première diffusion
  • Comparaisons : 2003 vs 2025
  • Attentes raisonnées et petits paris
  • Mise en perspective avec la chronologie Beatles récente
  • Un supplément d’âme plutôt qu’un supplément de scoops
  • Repères utiles pour le visionnage

Pourquoi Anthology reste un document capital

Au‑delà de la célébration patrimoniale, rappelons ce qui fait la force durable de The Beatles Anthology. Conçue et produite par Apple Corps, la série est d’abord la grande autobiographie audiovisuelle des Beatles : une somme de témoignages, d’archives et de performances recontextualisées par les quatre membres eux‑mêmes. Au fil des épisodes originaux, la trajectoire fulgurante du groupe se dessine : formation à Liverpool, séjours hambourgeois, explosion de Beatlemania, conquête américaine, révolution en studio, expérimentations psychédéliques, tensions, scissions et chant du cygne. Aucun autre film n’offre une chronologie aussi dense commentée par les protagonistes, ce qui explique la place singulière de l’Anthology dans la bibliographie beatlesque.

La version restaurée de 2025, annoncée comme « étendue de huit à neuf épisodes », s’inscrit dans un contexte favorable : depuis Get Back en 2021, le grand public s’est habitué à une image et un son nettoyés à un niveau jamais vu, et Let It Be a retrouvé en 2024 une visibilité qu’il n’avait plus depuis des décennies. Les attentes sont donc élevées quant à la cohérence de l’ensemble : comment l’épisode 9 se branche‑t‑il sur le récit d’origine ? Quelle plus‑value éditoriale propose‑t‑il ?

Oliver Murray aux commandes : continuité et inflexions

La réalisation de ce nouvel épisode est confiée à Oliver Murray, cinéaste qui s’est imposé en quelques années comme une plume sensible du documentaire musical. Son court métrage de 2023, « Now And Then – The Last Beatles Song », racontait avec précision la genèse et l’achèvement du « dernier » titre des Beatles ; il témoignait d’un sens du montage émotionnel et d’une attention aux matériaux d’archives contemporains des années 1990. Le choix de Murray pour piloter l’épisode 9 n’est pas anodin : il prolonge l’esthétique « plonger dans les rushes » popularisée par Peter Jackson dans Get Back, tout en la ramenant vers la période 1994–1995, celle des Threetles au travail.

Le parti pris annoncé est clair : « tirer la caméra en arrière » pour révéler des moments mordus à l’époque, offrir des salutations familiales et amicales, des apartés et des instants de musique informelle. Sur le papier, cette approche répond à une curiosité tenace : à quoi ressemblaient les heures entre les prises officielles ? Que se racontaient Paul, George et Ringo lorsqu’ils posaient les guitares pour souffler ? Comment leur complicité se manifestait‑elle hors du protocole d’une interview face caméra ?

Ce que l’on sait du contenu : entre jam sessions et scènes de retrouvailles

Les avant‑goûts diffusés évoquent des fragments familiers : des strums de guitare sèche et d’ukulélé, des harmonies jetées autour de « Blue Moon of Kentucky » et « Ain’t She Sweet », des plaisanteries sur l’utopie d’une reformation live. Ces images réactivent immédiatement le souvenir du DVD « Special Features » paru en 2003, 81 minutes d’agrégat qui montraient déjà Paul, George et Ringo ensemble, un après‑midi ensoleillé à Friar Park et des séquences en studio et à Abbey Road aux côtés de George Martin. Beaucoup de fans possédant ces disques connaissent par cœur cette couleur visuelle et sonore : timbre des voix, rires feutrés, cordes pincées, ambiance presque domestique.

L’une des questions brûlantes autour de l’épisode 9 est donc simple : qu’y a‑t‑il de réellement inédit ? Si les morceaux « Blue Moon of Kentucky » et « Ain’t She Sweet » ont effectivement déjà été publiés dans ces suppléments de 2003, il reste la possibilité que de nouveaux angles, des durées prolongées, des transitions différentes ou des détails de contexte enrichissent des scènes connues. Ce fut, rappelons‑le, l’un des plaisirs de Get Back : revoir des événements déjà documentés mais recontextualisés par des plans et des durées que l’on n’avait pas vues.

Jamais vu ou déjà vu ? Un débat inévitable chez les fans

Dans la communauté beatlesque, l’expression « inédit » est à manier avec précaution. Entre diffusions télévisées, sorties vidéo, éditions spéciales, bonus cachés et fuites non officielles, la mémoire collective est à la fois vaste et hétérogène. Un plan peut être totalement inédit pour un public élargi et déjà familier à un noyau de collectionneurs. Dans le cas de l’épisode 9, tout porte à croire que les images des épousesLinda McCartney, Olivia Harrison et Barbara Bach — saluant chaleureusement les trois Beatles pourraient représenter un apport nettement plus rare à l’écran que les jams déjà identifiées. La valeur de ces quelques secondes n’est pas anecdotique : elles installent un cadre relationnel et une sérénité intime, elles complètent la perception d’un moment où les Beatles ne sont plus un groupe en activité, mais trois amis zébrés par un passé historique commun.

L’autre intérêt de cet épisode réside dans la circulation de la caméra : le dispositif des années 1990 était largement centré sur des entretiens assis et sur une narration déjà très maîtrisée. En se rapprochant des rushes, on laisse revenir des temps morts signifiants, des regards, des silences, des clins d’œil qui donnent du grain à la relation. C’est précisément ce que recherche tout fan de l’Anthology aujourd’hui : une porosité accrue avec la réalité humaine de ces sessions.

1994–1995 : la fabrique des « Threetles »

Pour recontextualiser, rappelons ce que furent les sessions Anthology de 1994–1995. L’idée initiale, portée par Neil Aspinall et Apple Corps, était de proposer une somme : une série télévisée, un livre monumental et trois doubles albums d’archives. Dans ce cadre, Paul, George et Ringo se réunissent pour enregistrer de nouvelles pistes à partir de maquettes de John Lennon. Deux chansons verront officiellement le jour : « Free As A Bird » et « Real Love ». En parallèle, le trio tourne des séquences pour la série, revient à Abbey Road avec George Martin pour commenter des multipistes historiques, et partage des moments musicaux improvisés.

Le DVD bonus de 2003 a fixé une partie de cette ambiance : séquences baptisées « Recollections (June 1994) », après‑midi à Friar Park avec ukulélés, « Back at Abbey Road (May 1995) » où les trois comparent des notes, exultent devant des trouvailles techniques, rient de leur propre inventivité. Mais chacun sait aussi que des heures de tournage subsistent. L’épisode 9 est donc attendu comme un nouveau tamis : que décide‑t‑on de laisser passer aujourd’hui, à la lumière de ce que Get Back a enseigné sur la valeur d’un plan long ?

Quelle place pour « Blue Moon of Kentucky » et « Ain’t She Sweet » ?

Ces deux titres, bien avant d’être des attrape‑curiosité, racontent l’éducation musicale des Beatles. « Ain’t She Sweet », standard de 1927 que John Lennon chantait fréquemment, a fait partie du répertoire scénique de la bande à Hambourg et à Liverpool et a été enregistré par le groupe en 1961 lors des sessions avec Tony Sheridan. Quant à « Blue Moon of Kentucky », c’est l’un des jalons fondateurs du rockabilly popularisé par Elvis Presley, lui‑même inspiré par la composition de Bill Monroe. Les jouer en 1994–1995 n’était pas anodin : c’était mettre au jour la grammaire commune des trois amis, sans enjeu de production ni prétention à une « nouvelle chanson des Beatles ». Cette fluidité et cette connivence constituent une partie de l’attrait des images, même si l’on a déjà aperçu ces séquences en 2003.

Ce que l’on peut espérer de l’épisode 9, c’est une présentation plus contextuelle : un plan plus ample montrant qui lance la chanson et pourquoi, un échange de regards qui redit la complicité, un bout de phrase qui explique l’état d’esprit de l’instant. Dans un documentaire centré sur l’expérience et non la performance, la variation minime fait parfois toute la différence.

Runtime et dramaturgie : 51 minutes suffisent‑elles ?

Le chiffre de 51 minutes a surpris : certains s’attendaient à une heure pleine, d’autres à un téléfilm plus long. Il faut cependant garder en tête que l’épisode 9 n’a pas vocation à réécrire l’Anthology mais à l’étoffer. Sa durée le place dans un format agile, propice à une dramaturgie resserrée : exposition rapide, plongée au cœur des retrouvailles, bouquet final. La question de la sélection devient alors centrale : quels moments‑clés méritent la place, comment orchestrer le rythme émotionnel pour que la demi‑heure centrale respire sans s’étirer ?

Dans un tel cadre, les micro‑événements prennent de l’importance : un geste de George sur l’ukulélé, un aparté de Paul sur un souvenir de scène, une pointe d’humour de Ringo qui désamorce une émotion. C’est là que le travail d’Oliver Murray peut faire la différence : ordonner ces éclats pour qu’ils racontent une journée, un état d’esprit, un lien.

La question du vrai inédit

Dès l’annonce de l’épisode 9, un scepticisme souriant s’est fait jour : qu’y a‑t‑il, concrètement, que l’on n’ait jamais vu ? À cette question, il faut répondre avec nuance. D’une part, l’inédit absolu existe rarement dans un patrimoine aussi fouillé que celui des Beatles. D’autre part, l’inédit relatif — un plan plus long, un hors‑champ devenu visible, un pré‑geste capté — peut avoir une vraie valeur documentaire. La force de Get Back fut précisément d’étirer des scènes connues pour en faire des situations. Si le 9e épisode applique ce principe aux années 1994–1995, il pourrait transformer des souvenirs‑vignettes en moments incarnés.

Il est par ailleurs probable que l’épisode introduise des figures rarement vues dans les montages officiels : Linda McCartney, Olivia Harrison et Barbara Bach, observées non comme des images d’archives isolées mais comme présences au cœur des retrouvailles. Leur apparition, même brève, participe d’une histoire affective : celle des Beatles comme hommes, entourés, aimés, accompagnés dans une étape très particulière de leur carrière.

Restaurations et mixages : ce que change la technologie

Les premiers éléments communiqués sur la restauration signalent un travail d’image et de son soigné, encadré par Apple Corps et Park Road Post à Wellington, la maison de post‑production associée à Peter Jackson. Sans tomber dans le fétichisme technique, on peut toutefois affirmer que l’Anthology 2025 bénéficie de gains sensibles : réduction du bruit, stabilisation, homogénéisation des sources, spatialisation audio plus cohérente entre des matériaux parfois très hétérogènes. Pour l’épisode 9, l’enjeu est clair : harmoniser des rushes de 1994–1995 avec la texture du reste de la série pour éviter l’effet « bonus greffé » et privilégier l’idée d’un chapitre tardif mais organique.

L’expérience Get Back a aussi modifié l’attente des spectateurs : ils savent désormais ce que peut produire un nettoyage poussé de pellicules et de bandes audio. Voir et entendre Paul, George et Ringo dans une proximité plus nette — un frottement de cordes, une aspiration de respiration, le cliquetis d’un médiator — ancre les scènes dans un réalisme que l’Anthology des années 1990 ne pouvait atteindre.

Mise en ligne par salves : une chronologie pensée pour le binge‑watching

La diffusion échelonnée — épisodes 1 à 3 le 26 novembre, 4 à 6 le 27, 7 à 9 le 28 — témoigne d’une stratégie de plateforme : encourager un parcours intégral en trois soirées. Cette organisation offre aussi une lecture intéressante : l’épisode 9 conclut non seulement la série, mais vient immédiatement après les épisodes 7 et 8 consacrés aux derniers temps du groupe. On peut y voir une respiration en coda, un épilogue humain qui éclaire la réception de l’ensemble.

Retour aux sources : 2003 et l’ombre portée du bonus de 81 minutes

Difficile d’évoquer l’épisode 9 sans revenir sur le cinquième disque de l’édition DVD 2003. Ce bonus de 81 minutes proposait notamment deux grands volets : « Recollections (June 1994) », sorte de capsule de convivialité et de souvenirs partagés à Friar Park, et « Back at Abbey Road (May 1995) », qui donnait à voir les Beatles dépliés dans leur propre mythologie de studio, sous l’oreille bienveillante de George Martin. C’est là que l’on trouvait, déjà, des mitraillettes de sketches musicaux, des riffs d’ukulélé, des refrains esquissés et des sourires.

Cette histoire récente explique la prudence des amateurs lorsqu’ils entendent la promesse d’images jamais vues. Le téléspectateur attentif attend moins des révélations que des recompositions : une chronologie mieux explicitée des journées de 1994 et de 1995, des liaisons entre épisodes, des contextes rétablis. Si l’épisode 9 s’autorise à montrer les raccords, à laisser respirer des séquences connues, à replacer un clap ou à afficher un compte à rebours de caméra, il tiendra sa promesse d’anthologie augmentée.

Peter Jackson, Get Back et la pédagogie du plan long

On ne peut pas ne pas citer l’ombre tutélaire de Peter Jackson, qui a bouleversé la réception des films des Beatles en 2021. Avec Get Back, il a montré que la matière documentaire brute, étirée, contextualisée et renseignée, pouvait raconter autre chose que ce que l’on croyait savoir. Cette pédagogie du plan long irrigue visiblement l’épisode 9, tel qu’annoncé : Oliver Murray semble adopter une narration qui dézoome, laisse vivre les entrées et sorties de cadre, favorise la continuité plutôt que la punchline. L’intérêt est évident : c’est dans ces moments que l’on perçoit le tissu relationnel entre Paul, George et Ringo.

Par ricochet, l’existence de Let It Be restauré sur la même plateforme depuis 2024 crée une triangulation vertueuse : le film de 1970, la réinterprétation documentaire de 2021, et désormais l’épilogue de 2025 constituent une suite qui redessine la mythologie de la fin des Beatles. L’épisode 9 a donc un rôle délicat : ne pas surjouer le spectaculaire, mais affiner le portrait.

Les épouses à l’écran : symbole discret, importance majeure

La mention d’une scène montrant Linda McCartney, Olivia Harrison et Barbara Bach saluant les trois Beatles a suscité une émotion particulière. Ces images ouvrent une perspective rarement vue dans les montages officiels : la manière dont les compagnes et épouses s’insèrent dans la temporalité des retrouvailles. Linda, Olivia et Barbara ne sont pas seulement des figures de l’iconographie beatlesque ; ce sont des actrices discrètes d’un moment où les Beatles revisitaient leur passé commun. Les voir accueillir, écouter, sourire, c’est reconnaître la dimension privée d’un projet public.

Au plan symbolique, c’est aussi un rappel : Anthology n’était pas un simple produit télévisuel, c’était un travail de deuil et de mémoire pour des hommes engagés depuis l’adolescence dans une aventure qu’aucune autre n’égale. La présence de Linda, d’Olivia et de Barbara ancre cette affectivité sans didactisme, par la simple évidence d’un geste.

Le pari éditorial : un épisode‑charnière entre mémoire et nouveauté

De fait, l’épisode 9 a un statut à part. Il n’est ni un making‑of autonome, ni une suite imposée, mais une charnière : la mémoire des années 1994–1995 revisitée à la lumière de ce que la restauration et les usages actuels du documentaire permettent. S’il réussit, il deviendra le complément indispensable de la série d’origine, non parce qu’il « révèle » des secrets brûlants, mais parce qu’il déplie des moments humains avec une qualité de présence inédite.

Pour discerner sa réussite, on pourra se poser quelques questions : l’épisode clarifie‑t‑il la chronologie des journées filmées ? Situe‑t‑il précisément chaque jam ? Montre‑t‑il des début/fin de prise qui éclairent le fonctionnement du trio ? Élargit‑il le cadre pour inclure les présences autour d’eux ? Fait‑il ressentir ce que fut l’état d’esprit de 1994–1995, entre fierté patrimoniale et fragilité de l’instant ?

Impact pour la discographie et la vidéographie Beatles

L’arrivée de cette Anthology restaurée sur Disney+, assortie de son épisode 9, s’inscrit dans une nouvelle ère de disponibilité des contenus Beatles sur les plateformes. À l’instar de Let It Be et de Get Back, l’Anthology retrouve une accessibilité qu’elle n’avait plus, et dans un habillage technique conforme aux standards actuels. On peut s’attendre à un rebond des visionnages croisés, à des parcours de fans qui alternent album, film de 1970, docu‑série de 2021, nouvel épisode de 2025. Cette écologie de visionnage construit une pédagogie nouvelle pour les générations qui n’ont pas découvert Anthology sur VHS, LaserDisc ou DVD.

Le cas échéant, l’épisode 9 pourrait même relancer l’intérêt pour des éléments annexes de 1994–1995 : prises alternatives, essais de mixage, documentation photographique encore inédite. Même si aucune publication audio complémentaire n’est annoncée ici, l’horizon d’attente est en place, et l’histoire récente des Beatles nous a appris que les coffrets et volumes additionnels se nourrissent souvent de ces tremplins documentaires.

Réception : ce que les fans guetteront à la première diffusion

D’expérience, on sait ce qui attire l’œil des passionnés :

D’abord, la cohérence narrative : l’épisode 9 s’ouvre‑t‑il sur une mise en situation claire des lieux et des dates ? Indique‑t‑il Friar Park et Abbey Road avec rigueur ? Repère‑t‑on les journées et les séquences par des cartons ou des repères sonores ?

Ensuite, la musicalité des jams : même si l’on ne parle pas de performances abouties, la captation du son, la justesse des cordes, la texture des voix ont un effet direct sur l’émotion ressentie. Un mixage soigné peut métamorphoser une vignette en souvenir vibrant.

Enfin, la place laissée aux silences : ce sont eux qui font sentir la gravité légère de ces retrouvailles. En 1994–1995, George n’est déjà plus un homme en pleine santé ; Ringo et Paul portent aussi leur histoire. Laisser le temps à un regard d’exister, c’est offrir au spectateur la possibilité de comprendre sans expliciter.

Comparaisons : 2003 vs 2025

Mettons cartes sur table : si l’on visionne l’épisode 9 juste après le DVD bonus de 2003, on observera à la fois des recoupements et des écarts. Les recoupements sont évidents : certains riffs, certains éclats de rire, certaines postures. Les écarts, eux, pourraient tenir à des proportions : là où 2003 montrait un clin d’œil, 2025 proposera peut‑être une séquence avec entrée et sortie. Le montage pourrait aussi réorganiser l’ordre des événements, soulignant davantage la progression d’une journée, le crescendo d’une complicité.

En somme, l’épisode 9 n’est ni un « best‑of » des bonus, ni un tableau vierge : c’est un relais. Il achève de relier l’Anthology historique à la grammaire documentaire introduite par Get Back. Cette logique est saine, parce qu’elle conserve l’ADN du projet d’origine tout en l’ouvrant aux usages et au confort de visionnage actuels.

Attentes raisonnées et petits paris

Osons quelques paris raisonnables avant la mise en ligne. On peut imaginer :

Un prologue resituant le projet Anthology dans le moment 1994–1995, images d’archives de la salle de montage, vues d’extérieur à Friar Park, légendes précises.

Une séquence filée autour d’une jam où l’on voit, de manière continue, qui lance, qui suit, qui sourit, qui se trompe, qui relance.

Un intermède à Abbey Road avec George Martin, non pour le spectaculaire, mais pour entendre les Threetles réagir à des pistes isolées — petites exclamations, souvenirs qui affleurent.

Une vignette de salutations familiales, enregistrée sans micro planqué, où l’on devine la douceur et la pudeur du cercle proche : Linda, Olivia, Barbara.

Un final en forme d’hommage discret à George, peut‑être par un plan prolongé de ses mains sur l’ukulélé ou par une anecdote qui scelle l’épisode.

Rien d’extravagant, rien de sensationnaliste ; simplement ce qui fait la saveur d’un documentaire honnête.

Mise en perspective avec la chronologie Beatles récente

L’épisode 9 arrive dans une séquence riche : la parution de « Now And Then » en 2023, sa mise en images par Peter Jackson, la mise en ligne de Let It Be en 2024, et désormais la restauration intégrale de l’Anthology, le tout accessible au même endroit. Une telle convergence n’est pas qu’un heureux hasard : elle construit une mémoire unifiée où les périodes se répondent. On passe de 1969 à 1995, puis à 2021–2025, dans un va‑et‑vient qui densifie la compréhension de ce qu’ont été les Beatles comme groupe et comme légende.

Cette continuité infléchit notre lecture de 1994–1995 : les Threetles n’étaient pas seulement trois hommes travaillant sur deux chansons, ils étaient trois mémorialistes en train d’inventer une forme, celle d’une autobiographie audiovisuelle qui, trois décennies plus tard, continue de s’actualiser. L’épisode 9 est, à cet égard, le témoin d’une autobiographie prolongée.

Un supplément d’âme plutôt qu’un supplément de scoops

À l’heure d’ouvrir le neuvième volet, gardons la juste mesure. Oui, certains plans auront un air de déjà‑vu, notamment les jams de « Blue Moon of Kentucky » et « Ain’t She Sweet ». Oui, la durée de 51 minutes pourra sembler courte à qui espérait un long métrage. Mais si l’épisode 9 tient sa promesse — montrer ce qui se passait entre les extraits canoniques et donner voix aux silences, aux rictus, aux salutations — alors il apportera ce que l’Anthology n’avait pas encore tout à fait livré : la texture de ces retrouvailles, cette matière humaine qui fait passer l’archive de l’intellect à l’affect.

Pour Yellow‑Sub.net, site de passionnés mais aussi de mémoire vigilante, la question n’est pas d’opposer inédit et déjà‑vu, mais de mesurer le gain : en compréhension, en présence, en qualité d’écoute. À ce compte‑là, l’épisode 9 pourrait bien devenir, non pas l’épisode « de trop », mais l’épisode qu’il manquait.


Repères utiles pour le visionnage

Date de disponibilité : 28 novembre 2025 pour l’épisode 9 dans l’ordre de mise en ligne par salves.

Durée annoncée : 51 minutes.

Réalisateur : Oliver Murray.

Cadre temporel des images : 1994–1995 (sessions Anthology et retrouvailles des Threetles).

Extraits musicaux évoqués : « Blue Moon of Kentucky » et « Ain’t She Sweet ».

Contexte historique : publication de « Free As A Bird » et « Real Love », série Anthology originale en 1995, DVD avec bonus de 81 minutes en 2003, restauration de Let It Be en 2024, diffusion intégrale restaurée de The Beatles Anthology en 2025.


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