Randolph Peter Best (né Scanland), né le 24 novembre 1941 à Madras (Inde britannique), est un musicien britannique aujourd’hui retraité. Il est surtout connu pour avoir été le batteur originel des Beatles de 1960 à 1962, avant d’être évincé du groupe juste avant que celui-ci n’accède à la célébrité mondiale. Cet épisode – un des plus célèbres « renvois » de l’histoire du rock – en a fait l’une des figures souvent qualifiées de « cinquième Beatle », symbole du destin contrarié. Son histoire suscite encore régulièrement des réflexions sur le thème du « et si ? » : que se serait-il passé s’il était resté batteur des Beatles ? Ce scénario manqué fait de Pete Best un personnage unique dans la saga du groupe, tantôt objet de compassion, tantôt source de fascination chez les fans.
Sommaire
- Jeunesse
- Au sein des Beatles (1960–1962)
- Le renvoi de Pete Best
- Après les Beatles
- Retour à la musique et reconnaissance tardive
- Héritage et postérité
- Discographie
Jeunesse
Pete Best naît en Inde alors sous domination britannique, à Madras, le 24 novembre 1941. Sa mère, Mona Best (née Shaw), est Anglo-Indienne et travaille pour la Croix-Rouge durant la guerre, tandis que son père biologique, le marin marchand Donald Peter Scanland, meurt pendant la Seconde Guerre mondiale. En mars 1944, Mona se marie avec John « Johnny » Best, un officier de l’armée britannique originaire de Liverpool et champion de boxe de l’armée. Le demi-frère de Pete, Rory Best, naît en janvier 1945. À la fin de 1945, la famille quitte l’Inde pour s’installer à Liverpool en Angleterre.
Mona Best souhaite offrir à ses fils un environnement propice et cherche une grande maison. En 1954, elle parvient à acheter une vaste demeure victorienne au numéro 8 de Hayman’s Green, dans le quartier de West Derby à Liverpool. En août 1959, profitant de la cave aménagée, Mona ouvre un club privé pour jeunes musiciens, le Casbah Coffee Club. Ce lieu devient rapidement un point de ralliement de la scène rock ‘n’ roll locale naissante. Liverpool à la fin des années 1950 voit émerger de nombreux groupes de skiffle et de rock amateurs, et des clubs comme le Casbah (puis bientôt le Cavern Club) offrent à ces musiciens un espace pour s’exprimer et se construire un public. Le groupe de Pete, les Black Jacks, s’y produit régulièrement, tout comme un autre jeune groupe de skiffle appelé les Quarrymen (qui deviendront bientôt The Beatles). Pete fait ainsi la connaissance de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et des autres musiciens en jouant au Casbah. Les futurs Beatles participent d’ailleurs à la décoration du club, peignant ses murs de motifs colorés avant l’ouverture. D’un naturel plutôt réservé, Pete dégage sur scène un charisme ténébreux qui séduit particulièrement le public féminin. Les fans du Cavern Club le surnomment même « Mean, Moody & Magnificent » (littéralement « sombre, taciturne et magnifique ») en raison de son allure mystérieuse et distante, perçue comme irrésistible.
Sur le plan scolaire, Pete Best réussit l’examen d’entrée au secondaire (eleven-plus) et poursuit ses études au Liverpool Collegiate, une école secondaire de la ville. Il envisage un temps de devenir instituteur, mais sa passion pour la musique et l’animation du Casbah Club l’entraînent rapidement vers une carrière musicale naissante.
Au sein des Beatles (1960–1962)
À l’été 1960, les Beatles se préparent à partir en engagement à Hambourg, en Allemagne, mais ils n’ont pas de batteur attitré. Ayant fréquenté Pete Best au Casbah Club et sachant qu’il possède sa propre batterie, Paul McCartney lui propose de rejoindre le groupe. Le 12 août 1960, Pete auditionne dans un club de Liverpool (le Blue Angel d’Allan Williams) et est immédiatement retenu comme batteur des Beatles. Il embarque avec John, Paul, George et le bassiste Stuart Sutcliffe pour Hambourg dès le 16 août 1960, la veille du premier concert de la tournée. À Hambourg, Pete joue avec le groupe dans des clubs tels que l’Indra et le Kaiserkeller, et partage avec eux les rudes conditions de vie (logé à l’arrière d’un vieux cinéma, le Bambi Kino). Ce long engagement nocturne s’avère éprouvant physiquement, mais il soude la cohésion du groupe et permet aux Beatles d’étoffer leur répertoire de chansons rock jouées sur scène. Durant ce premier séjour, Paul McCartney et Pete Best sont brièvement arrêtés par la police allemande après avoir mis le feu par plaisanterie à un préservatif accroché dans leur lieu d’hébergement (une farce ayant dégénéré en petit incendie). Cet incident entraîne l’expulsion de Pete et Paul d’Allemagne fin novembre 1960, précipitant le retour anticipé du groupe à Liverpool.
Au cours de l’année 1961, Pete Best continue d’officier comme batteur des Beatles lors de leurs concerts au Cavern Club de Liverpool et lors d’un second séjour à Hambourg au printemps 1961. C’est durant ce second voyage que les Beatles enregistrent en studio pour la première fois : en juin 1961, ils servent de groupe d’accompagnement au chanteur Tony Sheridan pour plusieurs chansons produites par le label Polydor (dont le titre « My Bonnie »). Le disque sort en Allemagne et contribue à faire connaître le groupe dans sa ville natale de Liverpool. De retour en Angleterre, Pete recommande à ses camarades un ami d’enfance, Neil Aspinall, pour les aider dans leurs déplacements. Aspinall est ainsi engagé comme chauffeur et road manager du groupe, contre 7 £ par semaine. Parallèlement, Neil Aspinall entame une liaison avec Mona Best, la mère de Pete, et un fils nommé Roag Best naît de cette relation en juillet 1962.
Début 1962, la carrière des Beatles prend un tournant : Brian Epstein devient leur manager et leur obtient une audition chez EMI à Londres. Dès le 1er janvier 1962, grâce à l’entremise de leur nouveau manager Brian Epstein, les Beatles avec Pete Best passent une audition aux studios Decca à Londres, enregistrant une quinzaine de morceaux. Malheureusement, le label ne les signe pas, un refus resté célèbre. Pete participe pourtant à cette session déterminante, marquée par ses roulements de toms énergiques.
En avril 1962, Pete repart une dernière fois à Hambourg avec les Beatles pour une série de concerts au Star-Club. Ces engagements se déroulent sans incident et s’achèvent en mai 1962, peu avant l’entrée en studio du groupe à Londres. Le 6 juin 1962 (quelques semaines après un ultime séjour de concerts à Hambourg au printemps 1962), Pete participe avec le groupe à une session d’enregistrement aux studios Abbey Road sous la supervision du producteur George Martin. Si Martin trouve les Beatles prometteurs, il émet de sérieuses réserves sur la qualité du jeu de batterie de Pete Best, qu’il juge en deçà des standards requis en studio. À l’issue de la session, Martin suggère officieusement à Epstein et aux Beatles de recourir à un batteur de studio pour les enregistrements à venir. Sur le moment, les trois autres Beatles prennent la défense de Pete et refusent de l’écarter, par loyauté et amitié. Cependant, la remarque de George Martin sème le doute (le producteur précisera plus tard qu’il n’avait jamais exigé le renvoi de Pete, seulement proposé d’utiliser un batteur de studio pour le disque, et qu’il fut surpris que les Beatles décident de le remplacer carrément). Par la suite, certains différends personnels et artistiques viennent s’ajouter. Pete est perçu comme moins proche des autres Beatles : il ne partage pas toujours leur sens de l’humour et reste en retrait lors de leurs facéties. John Lennon, dans une interview de 1974, réfutera l’idée d’une quelconque jalousie : « Ce mythe comme quoi Pete était génial et que Paul était jaloux parce qu’il était beau, tout ça c’est des conneries. Pete était un gars sans problème, mais il n’était pas très vif. Nous avions tous l’esprit rapide et il n’a jamais vraiment suivi. » Les quatre Beatles n’en apprécient pas moins Pete en tant que personne, et la décision de se séparer de lui sera, selon Paul McCartney, difficile à prendre. Paul McCartney confirmera la difficulté de ce choix dans les Anthologies des Beatles :
« C’était un gros problème à l’époque, la façon dont on a ‘largué’ Pete. Et je me sens désolé pour lui, à cause de tout ce qu’il aurait pu avoir ; mais pour nous, c’était strictement une décision professionnelle. S’il n’était pas à la hauteur – un peu à nos yeux, et carrément aux yeux du producteur – alors il n’y avait pas le choix. Mais cela restait très difficile. C’est une des choses les plus dures que nous ayons eu à faire. » – Paul McCartney, Anthology
Néanmoins, à l’été 1962, alors que le groupe se tient prêt à enregistrer son premier 45 tours, l’idée de remplacer Pete Best par un batteur jugé plus performant commence à faire son chemin.
Le renvoi de Pete Best
Le 15 août 1962, Brian Epstein convoque Pete Best pour un entretien au siège de son magasin de disques, sans en préciser le motif. Le lendemain matin, 16 août, Pete se présente à 11h30 dans le bureau d’Epstein à Liverpool. L’atmosphère est tendue et Epstein tourne autour du pot avant d’annoncer abruptement la nouvelle : « Les garçons veulent que tu quittes le groupe. » Il explique à Pete que John, Paul et George souhaitent le remplacer, estimant que ses performances à la batterie ne sont pas assez bonnes, et que le producteur George Martin partage cet avis. Epstein ajoute qu’un autre batteur, Ringo Starr, a déjà été approché et doit le rejoindre sous peu. Pete n’en croit pas ses oreilles. « Il leur a fallu deux ans pour s’en apercevoir ? » lâche-t-il, amer. Au même moment, le téléphone du bureau sonne : Paul McCartney cherche à savoir si Pete a déjà été informé. Epstein abrège la conversation (Ringo doit arriver dans le groupe dès le week-end suivant) et revient vers Pete. Ce dernier, sous le choc, peine à trouver ses mots, une seule question tournant en boucle dans son esprit : « Pourquoi ? Pourquoi moi ? » Epstein lui répète simplement que les autres ne le jugent « pas assez bon » et que George Martin partage cet avis. Pete ne peut que constater l’irréversibilité de la décision.
Sous le coup de la surprise et de la déception, Pete quitte le bureau d’Epstein presque sans un mot. En bas, il retrouve Neil Aspinall qui l’avait accompagné et qui comprend immédiatement à son visage que quelque chose ne va pas. Lorsqu’il apprend que Pete vient d’être évincé, Neil, furieux, menace de démissionner de son poste de road manager. Pete l’en dissuade, lui conseillant de ne pas sacrifier sa carrière : « Ne fais pas l’idiot, les Beatles vont aller loin. » Malgré sa détresse, Pete accepte initialement la demande d’Epstein de continuer à assurer les quelques concerts prévus avant l’arrivée officielle de Ringo. Cependant, le soir-même, alors que les Beatles doivent jouer à Chester, Pete Best, se sentant trahi, décide de ne pas se présenter sur scène. Brian Epstein doit trouver un batteur de remplacement en urgence pour le concert du soir. C’est Johnny « Hutch » Hutchinson, le batteur du groupe The Big Three, qui dépanne sur scène ce soir-là (ainsi que pour deux autres engagements) jusqu’à l’arrivée de Ringo Starr, prévue le 18 août. Pete Best ne rejouera plus jamais avec les Beatles après ce jour fatidique.
L’annonce du renvoi de Pete Best provoque une onde de choc parmi les fans du groupe à Liverpool. Le journal local Mersey Beat du 23 août 1962 rapporte la nouvelle en prétendant qu’il s’agit d’une séparation à l’amiable, mais cela n’empêche pas la colère de nombreux admirateurs. Des centaines de fans, en majorité des jeunes filles, signent des pétitions pour réclamer le retour de Pete. Certaines passent la nuit devant la maison des Best en scandant leur soutien. Lors d’un concert au Cavern Club peu après, une poignée de fans furieux crient « Ringo jamais, Pete Best pour toujours ! » pour protester contre le nouveau batteur. Ce soir-là, un individu exalté va même jusqu’à asséner un coup de tête à George Harrison, lui causant un œil au beurre noir. Pendant plusieurs semaines, l’ambiance reste tendue lors des prestations des Beatles, marquées par des slogans nostalgiques en faveur de Pete.
En interne, la décision de renvoyer Pete Best provoque aussi des remous. Neil Aspinall exprime vivement sa désapprobation aux trois Beatles, mais ceux-ci lui rétorquent sèchement que cela « ne le regarde pas » et qu’il n’est « que le chauffeur » du groupe. Ringo Starr racontera que, pendant les premières semaines suivant son intégration, Neil, par fidélité envers Pete, refusa même de l’aider à monter sa batterie sur scène – avant de finalement revenir sur sa décision. John Lennon admettra plus tard : « Nous avons été lâches sur ce coup-là. Nous avons laissé Brian faire le sale boulot à notre place. » Les Beatles eux-mêmes éprouvent un certain malaise vis-à-vis de la manière dont la chose s’est faite, même s’ils restent persuadés qu’ils devaient agir pour le bien du groupe. Brian Epstein, soucieux de la réputation du groupe et du sort de Pete, propose alors de créer et manager un nouveau groupe centré autour de Pete Best afin d’amortir le choc. Pete, blessé, décline l’offre, mettant un terme brutal à son aventure avec les Beatles.
« Je suis sorti de ce bureau complètement sonné. Une seule question résonnait en boucle dans ma tête : pourquoi ? Clairement, un complot s’était tramé derrière mon dos depuis un moment, et aucun des autres Beatles n’avait trouvé le courage de m’en parler. Le coup de poignard dans le dos avait été laissé à Brian, jusqu’au tout dernier moment. Même Ringo faisait partie du coup… quelqu’un que je considérais pourtant comme un pote, jusqu’à ce jour-là… » – Pete Best, autobiographie
La mise à l’écart de Pete Best marque un tournant décisif : dès 1963, les Beatles décollent vers la gloire avec Ringo Starr, tandis que Pete, lui, entame un tout autre chemin.
Après les Beatles
Après cet épisode douloureux de 1962, Pete Best sombre dans une profonde dépression, marquée par un isolement et un sentiment d’échec cuisant. Il se retire temporairement de la vie publique. Cloîtré dans l’amertume, il évite scrupuleusement les médias et refuse d’évoquer, même en privé, tout ce qui touche aux Beatles. Voir ses anciens camarades conquérir le monde avec la Beatlemania, alors que lui retombe dans l’ombre, est une épreuve psychologique très douloureuse. À plusieurs reprises durant les années 1960, il exprime son ressentiment en privé. Les Beatles, de leur côté, ne l’épargnent pas toujours dans leurs propos publics : en 1965, lors d’une interview, John Lennon insinue que Pete tombait fréquemment malade en tournée au point d’être remplacé par Ringo, et Ringo Starr plaisante en disant que Pete « prenait des pilules pour être malade ». Se sentant diffamé par ces déclarations humiliantes, Pete intente un procès contre John, Paul, George et Ringo pour atteinte à sa réputation. L’affaire se règle finalement par un arrangement financier amiable, bien en-deçà des 18 millions de dollars initialement réclamés par Pete. Miné par la dépression, Pete Best fait même une tentative de suicide en 1965. Il est heureusement sauvé in extremis par l’intervention de sa mère Mona et de son frère Rory.
Pourtant, dès 1963, Pete Best se décide à remonter sur scène et tente de relancer sa carrière musicale. Il rejoint un groupe de Liverpool appelé Lee Curtis and the All-Stars. Peu de temps après l’arrivée de Pete, le groupe se sépare de son chanteur vedette et se restructure autour de Pete, prenant le nom de Pete Best & The All-Stars. L’objectif est clair : capitaliser sur la notoriété de Pete pour attirer les foules, en exploitant le lien qui l’unit à la légende naissante des Beatles. Sous cette formation, ils décrochent un contrat avec Decca Records (la même maison de disques qui, ironie du sort, avait refusé les Beatles début 1962). En 1964, le Pete Best & The All-Stars sort un single intitulé « I’m Gonna Knock on Your Door », mais celui-ci ne rencontre pas le succès commercial escompté, passant inaperçu dans les classements.
Déterminé à poursuivre coûte que coûte son rêve, Pete Best emmène ensuite son groupe tenter sa chance aux États-Unis. Renommée d’abord Pete Best Four puis Pete Best Combo, la formation se produit en tournée outre-Atlantique sur le circuit des clubs, jouant un répertoire mêlant standards du rock and roll des années 1950 et quelques compositions originales. Ironiquement, au même moment la « Beatlemania » triomphe aux États-Unis avec ses anciens partenaires en haut des charts, tandis que Pete Best se produit, lui, dans un relatif anonymat. Un album est publié en 1965 sur un petit label américain : astucieusement intitulé Best of The Beatles (littéralement « Le Meilleur des Beatles »), il joue sur l’ambiguïté du nom de Pete pour attirer l’attention. De nombreux acheteurs se laissent prendre en espérant acquérir un album du Fab Four, mais découvrent qu’il s’agit en réalité des enregistrements du groupe de Pete Best. Cette curiosité promotionnelle ne suffit pas à lancer la carrière du Pete Best Combo. La même période voit également la sortie de quelques 45-tours du Pete Best Combo en 1964-1965 (par exemple une reprise de « Kansas City » couplée à « Boys », ou le titre original « I Can’t Do Without You Now »), sans qu’aucun ne parvienne à entrer dans les classements. Finalement, cette notoriété éphémère ne suffit pas et le groupe finit par se dissoudre faute de succès réel. À noter que deux membres du Pete Best Combo, Wayne Bickerton et Tony Waddington, connaîtront plus tard le succès comme auteurs-compositeurs de plusieurs tubes dans les années 1970 (on leur doit notamment « Sugar Baby Love » du groupe The Rubettes en 1974).
En 1968, totalement désillusionné, Pete Best décide de tourner définitivement la page de la musique. Il évite systématiquement les sujets liés aux Beatles et décline les invitations à témoigner sur son expérience, encore amer de la façon dont il a été évincé. En 1968, le journaliste Hunter Davies, qui rédige la biographie officielle des Beatles, essuie un refus de Pete Best lorsqu’il sollicite son témoignage, signe que la blessure est encore vive. Davies note aussi que, lorsqu’il mentionne Pete aux Beatles eux-mêmes, ceux-ci coupent court à la conversation, visiblement peu enclins à se remémorer cet épisode. La même année, Pete Best quitte donc les projecteurs. Voir ses anciens camarades devenir les idoles planétaires de la décennie tandis que lui retombe dans l’anonymat est une épreuve morale difficile.
Malgré ces années sombres et la douleur psychologique endurée, Pete trouve une certaine stabilité dans sa vie privée. Dès 1963, le cœur de Pete trouve un havre de paix : il épouse une jeune femme prénommée Kathy, rencontrée lors d’un concert des Beatles. Le couple donne naissance à deux filles, Babs et Bonita, et demeure uni dans l’épreuve des années difficiles. Pete Best est aujourd’hui grand-père de quatre petits-enfants. Pour subvenir aux besoins de sa famille, Pete enchaîne les petits emplois sans rapport avec la musique : il travaille notamment de nuit à charger des camions de boulangerie pour un salaire modeste à peine suffisant (environ 8 £ par semaine à l’époque). Grâce aux qualifications scolaires qu’il n’avait pas négligées, il parvient ensuite à intégrer la fonction publique. Il devient, au milieu des années 1970, agent au bureau de l’emploi de Liverpool (Jobcentre de Garston), où il aidera les chômeurs à se reconvertir. Il y fera tranquillement carrière pendant près de vingt ans, grimpant les échelons jusqu’à un poste de responsable de formation pour la région du nord-ouest de l’Angleterre. Nombre d’habitants de Liverpool ont ainsi pu croiser Pete Best au guichet du bureau de l’emploi, sans forcément se douter que cet employé discret avait été, quelques années plus tôt, le batteur des Beatles. Seuls les initiés pouvaient savourer l’ironie de voir cet « ancien Beatle » mener une vie aussi ordinaire, loin des feux de la rampe.
Retour à la musique et reconnaissance tardive
Au fil du temps, Pete Best parvient à tourner la page et à faire la paix avec son passé musical. À la fin des années 1970, il commence à parler plus librement de son expérience avec les Beatles. Il participe ainsi en tant que conseiller technique au téléfilm Birth of the Beatles (1979), une dramatisation de l’histoire du groupe dans laquelle son personnage apparaît. Cependant, pendant près de vingt ans, Pete refuse toutes les sollicitations pour rejouer en public, se tenant éloigné de la scène.
Ce n’est qu’en 1988 que Pete Best effectue son grand retour musical. Cette année-là, lors d’une convention dédiée aux Beatles à Liverpool, on l’invite à monter sur scène pour une jam session. Accompagné de son demi-frère plus jeune Roag Best à la batterie, Pete renoue avec le plaisir de jouer devant un public conquis par le symbole de « l’ex-Beatles » retrouvé. Sa mère Mona (alors gravement malade) et son épouse Kathy lui auraient même confié : « Tu ne le sais pas encore, mais tu vas retourner dans le show business. » Elles auront vu juste. Encouragé par son entourage et galvanisé par l’accueil chaleureux des fans, Pete décide de fonder son propre groupe, le Pete Best Band, la même année. Reprenant les baguettes qu’il avait laissées de côté, il se lance dans une nouvelle carrière scénique.
Au sein du Pete Best Band, il partage la batterie avec son frère Roag et s’entoure d’autres musiciens pour revisiter les standards rock de sa jeunesse ainsi que de nouvelles compositions. Dans les décennies qui suivent, le Pete Best Band va se produire sur de nombreuses scènes internationales. Le groupe est souvent invité dans des festivals rétro, des conventions Beatles ou des émissions nostalgiques. Sur scène, Pete n’hésite pas à jouer quelques titres associés à son passé, comme les chansons du début des Beatles (« My Bonnie », « Besame Mucho », « Love Me Do » dans sa version originelle) qui ravissent les fans de la première heure. Au-delà de ces clins d’œil, Pete mène avec sérieux cette seconde carrière, se constituant un répertoire propre. Son histoire atypique continue de susciter la curiosité et la sympathie du public, ce qui contribue au succès de ses tournées.
En 2008, le Pete Best Band publie un album intitulé Haymans Green, constitué uniquement de morceaux originaux. Le titre de l’album rend hommage à l’adresse du Casbah Club à Liverpool, symbole des racines musicales de Pete. Après de nombreuses années de concerts et d’enregistrements, Pete Best annonce en avril 2025 qu’il prend sa retraite définitive de la scène, à 83 ans, invoquant des raisons personnelles. Sa dernière apparition publique avec le Pete Best Band a lieu en 2024, concluant un étonnant second acte de carrière démarré sur le tard.
Héritage et postérité
Les aléas de la carrière de Pete Best lui ont finalement apporté une certaine reconnaissance tardive. En 1995, les Beatles sortent la compilation Anthology 1 regroupant des enregistrements anciens du groupe, dont dix titres où l’on peut entendre la batterie de Pete (par exemple plusieurs morceaux de l’audition Decca de janvier 1962, une version alternative de « Love Me Do » et des enregistrements live de Hambourg). Cet album, premier d’une série rétrospective très attendue, se vend par millions d’exemplaires. Pete Best, qui n’a pas été invité à participer au projet documentaire ou au livre accompagnant l’Anthology, touche néanmoins des droits d’auteur substantiels estimés entre 1 et 4 millions de livres sterling grâce à ces enregistrements. Selon certaines sources, Paul McCartney lui-même aurait téléphoné à Pete pour lui apprendre la nouvelle et lui dire : « Certains torts doivent être réparés. » (Pete affirmera plus tard qu’en réalité cet appel provenait de Neil Aspinall). Sur la pochette de Anthology 1, conçue comme un collage d’images, une photo de Pete figurant dans un cliché d’époque a été volontairement découpée, remplacée par la tête de Ringo Starr – un effacement symbolique qui n’échappa pas aux commentateurs, même si un petit portrait de Pete Best reste visible en arrière-plan. Quelques jours après la sortie de l’Anthology en novembre 1995, Pete apparaît lui-même avec humour dans un spot publicitaire de la bière Carlsberg diffusé à la télévision durant la première partie du documentaire. Le slogan de la marque y est détourné en « Probablement la meilleure bière (Pete Best) du monde », clin d’œil malicieux à son histoire singulière.
Avec le temps, Pete Best est devenu une figure emblématique souvent citée comme « le cinquième Beatle » – un sobriquet également attribué à plusieurs autres figures gravitant autour du groupe (du premier bassiste Stuart Sutcliffe au manager Brian Epstein, en passant par le producteur George Martin ou encore le batteur remplaçant Jimmy Nicol). Son éviction reste l’un des renvois les plus commentés de l’histoire de la musique pop, souvent perçu comme une anecdote cruelle du destin. Cependant, avec le recul, Pete Best lui-même n’éprouve plus de ressentiment envers les Beatles. Il se déclare même admirateur de leur musique et heureux d’avoir, à sa manière, contribué à l’histoire du groupe. La ville de Liverpool a tenu à honorer sa contribution : en juillet 2007, Pete Best est intronisé comme membre fondateur du temple de la renommée musicale de Liverpool (« All You Need Is Liverpool Music Hall of Fame »). En 2011, deux nouvelles voies publiques de Liverpool ont été baptisées en son honneur : Pete Best Drive, et Casbah Close (rendant hommage à la cave où tout a commencé). Enfin, le 3 novembre 2025, l’Union astronomique internationale officialise le nom « (100016) Petebest » pour un astéroïde de la ceinture principale, clin d’œil improbable mais réel à son nom.
Dans les œuvres de fiction, le parcours de Pete Best a inspiré de nombreuses représentations dans les médias et la culture populaire :
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Birth of the Beatles (1979) – téléfilm biographique dans lequel Pete Best est incarné par l’acteur Ryan Michael (Pete Best a en outre servi de conseiller technique lors du tournage).
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Backbeat (1994) et In His Life: The John Lennon Story (2000) – films couvrant les débuts des Beatles, où le personnage de Pete Best est interprété dans les deux cas par l’acteur de Liverpool Scot Williams.
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The Rocker (2008) – comédie hollywoodienne librement inspirée de l’histoire de Pete Best (un batteur évincé avant que son groupe ne devienne célèbre). Pete Best y fait un caméo clin d’œil, tandis que l’acteur Rainn Wilson tient le rôle principal fictif inspiré de lui.
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Midas Man (2024) – film biographique centré sur Brian Epstein, dans lequel le rôle de Pete Best est joué par l’acteur Adam Lawrence.
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Au théâtre, la comédie BEST! (1995-1996) de Fred Lawless imagine une réalité alternative où Pete Best devient une immense vedette mondiale après son départ des Beatles (tandis que ces derniers peinent à percer). La pièce a été présentée à Liverpool et au festival de Dublin, et a reçu un accueil enthousiaste.
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La pièce Presence (2001) de l’auteur écossais David Harrower, créée au Royal Court Theatre de Londres, met en scène Pete Best durant le séjour des Beatles à Hambourg, explorant les dynamiques du groupe à cette époque.
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Enfin, BestBeat (2018) est une pièce de théâtre montée à Liverpool qui revient spécifiquement sur l’épisode de l’éviction de Pete Best en 1962, dramatisant ce tournant de son histoire.
Aujourd’hui, âgé de 84 ans et retiré de la vie publique, Pete Best mène une existence paisible à Liverpool. Bien qu’il n’ait pas partagé la gloire planétaire de ses anciens partenaires, son nom demeure indissociable de l’histoire des Beatles, illustrant le caprice du destin dans le monde de la musique.
Discographie
Albums :
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Best of the Beatles (Savage Records, 1965)
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The Beatle That Time Forgot (Phoenix Records, 1981) – album de compilations paru en 1981 (réédité en 1982)
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Rebirth (Phoenix Records, 1981)
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Back to the Beat (1995)
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Beyond the Beatles 1964–1966 (Cherry Red, 1996) – compilation des enregistrements du Pete Best Combo (1964-66)
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Live at the Adelphi, Liverpool 1988 (1996)
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Best (1998) – compilation
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Casbah Coffee Club 40th Anniversary (1999)
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The Savage Young Beatles (2004) – enregistrements de 1961 avec Tony Sheridan
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Haymans Green (album du Pete Best Band, 2008)
Singles :
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« I’m Gonna Knock on Your Door » / « Why Did I Fall in Love with You » (Decca, 1964)
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« Don’t Play With Me (Little Girl) » / « If You Can’t Get Her » (Happening, 1965)
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« If You Can’t Get Her » / « The Way I Feel About You » (Happening, 1965)
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« Kansas City » / « Boys » (Cameo, 1965)
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« (I’ll Try) Anyway » / « I Wanna Be There » (Original Beatles Drummer label, 1965)
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« I Can’t Do Without You Now » / « Keys to My Heart » (Mr. Maestro, 1965)
