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Sisters, O Sisters : Un hymne de solidarité féminine, écrit et interprété par Yoko Ono

Publié le 26 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

La musique de John Lennon et Yoko Ono est souvent perçue comme un miroir des luttes sociales et politiques de leur époque. Leur collaboration au sein de l’album Some Time in New York City incarne cette volonté de confronter la société aux réalités de son temps. Parmi les morceaux les plus marquants de cet album figure « Sisters, O Sisters », une chanson écrite par Yoko Ono, qui met en lumière l’appel à la solidarité féminine dans un monde encore largement dominé par le patriarcat. Avec son rythme reggae entêtant et l’écho caractéristique de Phil Spector, ce morceau résonne comme un manifeste pour les droits des femmes et une dénonciation de l’injustice.

Sommaire

L’Écriture d’un Manifeste

« Sisters, O Sisters » s’inscrit dans la lignée de la chanson précédente de l’album, Woman Is The N—-r Of The World, composée par John Lennon, qui dénonçait l’inégalité entre les sexes. Alors que Lennon appelait à une prise de conscience sur la condition des femmes, Yoko Ono s’empare de la scène avec un morceau où la voix féminine se fait entendre comme un cri de ralliement. Son texte est moins une révolte contre une oppression manifeste qu’un appel à l’unité et à la solidarité entre les femmes, transcendant les frontières géographiques et sociales.

L’écriture de Yoko Ono n’est jamais neutre ni anodine. Elle exprime une urgence, une volonté de secouer les consciences et de rassembler. Le texte de « Sisters, O Sisters » va au-delà des simples revendications féministes : il incite les femmes à se tenir ensemble face à des sociétés qui ne leur accordent pas toujours la place qu’elles méritent. La chanson commence par un message déclamé par Yoko Ono, adressé à un ingénieur de studio – « No chauvinist pig engineer » – un moment d’affirmation directe du droit de la femme à être entendue dans des espaces généralement dominés par des hommes.

La Composition et l’Atmosphère Sonore

« Sisters, O Sisters » est l’un des morceaux les plus expérimentaux de Some Time in New York City. La chanson, à la fois joyeuse et militante, se distingue par sa rythmique reggae, qui se marie parfaitement avec l’atmosphère sociale et politique que Lennon et Ono cherchaient à créer. Le choix du reggae comme fondement musical n’est pas anodin : ce genre, venu de la Jamaïque, est intimement lié à des luttes contre l’oppression et la domination. La production de Phil Spector, avec son célèbre mur du son, amplifie cette sensation d’écho, de voix multiples se croisant et se renforçant.

Dans l’accompagnement instrumental, on retrouve un mélange savamment orchestré d’éléments traditionnels et modernes. Le piano d’Adam Ippolito et l’orgue, aux sonorités chaleureuses, viennent compléter la basse de Gary Van Scyoc et les cuivres de Stan Bronstein, créant ainsi une texture sonore dense et vibrante. Ce dernier, en particulier, avec son saxophone, ajoute une dimension presque jazz à la chanson, renforçant ainsi son caractère militant tout en permettant au morceau de s’inscrire dans une temporalité plus libre, moins contrainte par les règles de la chanson populaire traditionnelle.

Un Engagement en Public

La performance en public de « Sisters, O Sisters » a été un acte de résistance dans un contexte où la scène musicale était encore largement dominée par des figures masculines. En décembre 1971, Lennon et Ono ont interprété cette chanson devant 15 000 personnes lors d’un concert organisé pour soutenir la campagne de John Sinclair, un activiste emprisonné. Le concert à l’Arena de Crisler, à Ann Arbor, Michigan, en dit long sur la dimension politique de ce moment. La prestation, filmée mais jamais diffusée, démontre l’engagement profond de Lennon et Ono pour la justice sociale et leur désir de porter leurs messages dans des lieux publics.

Le morceau est également interprété à la télévision lors de l’émission The David Frost Show en décembre 1971, ainsi qu’au Apollo Theatre de Harlem quelques jours plus tard, dans le cadre d’un concert de charité pour les familles des victimes des émeutes de la prison d’Attica. Ces événements marquent l’engagement des artistes pour la cause sociale, amplifié par la présence de leur groupe Elephant’s Memory, qui soutenait leurs performances sur Some Time In New York City.

Le 30 août 1972, « Sisters, O Sisters » fait partie des performances du One To One Festival à Madison Square Garden. Ce festival, conçu pour lever des fonds en faveur des enfants handicapés, était un autre moment fort dans la carrière de Lennon et Ono. Les deux concerts, organisés cet après-midi-là, sont une preuve de leur implication humanitaire, mais aussi de leur capacité à défendre des causes essentielles à travers la musique. Bien que les extraits de ces concerts aient été publiés dans les années 1980 et 1990 dans les albums Live in New York City et John Lennon Anthology, la chanson « Sisters, O Sisters » ne figure sur aucun de ces enregistrements, marquant une fois de plus sa place discrète mais importante dans l’œuvre de Lennon et Ono.

L’Héritage du Morceau

Malgré son absence de certains albums live célèbres, « Sisters, O Sisters » n’a pas été oubliée par les fans ni par Yoko Ono elle-même. En 1992, le morceau fait son apparition sur Onobox, une rétrospective en six CD de la carrière de la chanteuse. Cette compilation est un témoignage de l’importance de ce morceau dans l’œuvre d’Ono, une œuvre souvent mal comprise, mais qui a eu une influence considérable sur la musique contemporaine.

Le morceau connaît aussi une nouvelle vie en 2006 grâce à un remix réalisé par le groupe Le Tigre pour l’album Yes, I’m A Witch de Yoko Ono. Ce remix, qui redonne une énergie nouvelle à la chanson, fait entrer « Sisters, O Sisters » dans une nouvelle ère, en la rendant plus accessible aux jeunes générations qui découvrent Yoko Ono et son engagement.

Une Chanson Qui Reste Pertinente

« Sisters, O Sisters » ne perd rien de sa pertinence avec les années. Son message de solidarité féminine, prononcé dans un contexte où les femmes continuent de lutter pour l’égalité des droits et contre les discriminations, est plus que jamais d’actualité. En réécoutant ce morceau, on ne peut s’empêcher de penser à la situation des femmes dans le monde actuel, où les combats restent nombreux et les victoires fragiles.

Les paroles de Yoko Ono, qui demandent aux femmes de se rassembler, de se soutenir mutuellement et de s’affirmer face à l’oppression patriarcale, résonnent toujours dans l’esprit de ceux qui luttent pour un monde plus égalitaire. La musique de « Sisters, O Sisters », avec son rythme entraînant et ses arrangements riches, offre une catharsis aussi bien pour l’auditeur que pour les musiciens qui l’ont interprétée.

À travers ce morceau, Yoko Ono continue de porter haut la voix des femmes, celle des opprimées, celle des invisibles. Some Time in New York City est sans doute l’un des albums les plus audacieux de l’après-Beatles de Lennon, mais aussi celui qui incarne le mieux l’engagement social et politique des deux artistes. « Sisters, O Sisters » n’est pas seulement une chanson. C’est un cri de ralliement, une invitation à la solidarité féminine, une promesse de résistance face à l’injustice et un rappel que la lutte continue.


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