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Philibert Humm – Roman policier

Par Yvantilleuil

Philibert Humm Roman policierÀ l’image de « Roman fleuve », je n’avais pas vraiment l’intention de lire ce « Roman policier ». Et puis, une fois encore, le passage de Philibert Humm à La Grande Librairie m’a convaincu de m’attaquer à cette lecture foncièrement drôle… et totalement inutile… au meilleur sens du terme, car une fois entamée, vous ne commettrez pas de délit de fuite !

Il faut dire que cela commence très bien car, visiblement, la France a peur, et… quand cela arrive, le petit voisin belge, dans toute sa grandeur, se délecte déjà forcément un peu. Le coq français tremble donc, les plumes hérissées et le regard inquiet, car dans la ville de Pau, un criminel récidiviste s’en prend depuis plusieurs années à leur alphabet, et plus particulièrement à la lettre U. Sévissant la nuit, il vide progressivement les enseignes de leurs U : les restaurants deviennent « restarants », les boucheries « bocheries ». Alors certes, le crime est parfois minuscule, mais cela empêche indéniablement les Français de dormir sur leurs deux oreilles. Et comme la police piétine et que les journalistes s’éreintent, Philibert Humm décide de sauver son pays en dénouant enfin l’affaire des enseignes amputées.

Dans ce polar sans cadavre, l’auteur se rend immédiatement coupable de détournement des codes du polar, utilisant très vite ces devantures amputées de leurs U comme un prétexte pour embarquer une nouvelle fois ses lecteurs dans un vagabondage burlesque, flirtant certes avec le récit d’investigation, mais tournant surtout en rond dans une ville de Pau servant de décor à un auteur pris en flagrant délit… de calembours et d’humour volontiers potache.

L’auteur, récidiviste de facéties et déjà souvent inculpé pour avoir porté atteinte aux zygomatiques d’autrui, prouve d’ailleurs sa malhonnêteté dès le titre du livre. Humm détourne en effet le genre policier pour en faire un terrain de jeu linguistique, un fil d’Ariane d’allitérations, de calembours, de notes facétieuses et de digressions programmées. Si les indices s’avèrent vite plus légers que l’humour et que l’auteur en est le principal coupable, le lecteur se rend également très vite complice d’hilarité répréhensible.

Je me dois également d’ajouter les trois enquêteurs improvisés au procès‑verbal de ce non‑lieu alphabétique. Car oui, Humm embarque deux autres larrons, qui n’ont probablement rien demandé, dans ce crime perpétré contre L’Académie française. À défaut de faire avancer le Schmilblick, ce trio, certes attachant et de mauvaise foi brillante, permet surtout de mettre Vincent Dedienne sur le devant d’un scène qu’il n’espérait sans doute pas, tout en multipliant les hypothèses farfelues concernant l’origine de ce crime alphabétique contre les U.

Bref, s’il y a bien un coupable qui mérite perpétuité dans ce roman, c’est bel et bien le style impardonnable de l’auteur. En brillant criminel de la langue française, Humm prend visiblement grand plaisir à manier la malice lexicale : trouvailles de vocabulaire, faux sérieux, apartés qui sabotent la phrase à la dernière ligne, sans parler de notes de bas de page à la fois inutiles et indispensables… tous les coups sont permis pour faire mourir ses victimes de rire !

Et si jamais, par miracle, il se retrouvait dans la sélection du prix Goncourt, comme l’auteur semble l’espérer avec une autodérision visant indéniablement à les charmer, les jurés pourront lire « Roman policier » comme une grande récréation littéraire avant de repasser aux choses sérieuses.

Notons finalement que l’auteur l’a échappé belle car le « U » figure en effet encore sur la couverture, pile dans “Humm”. Les fans de l’auteur peuvent donc pousser un grand ouf de soulagement ! Ah, la France respire à nouveau !

Roman policier, Philibert Humm, Éditions des Équateurs, 192 p., 22,00 €.

Elles/ils en parlent également : Cannetille, Marco


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