Chez toi, c’est léger

Quelle personne autiste sans déficience intellectuelle n’a jamais entendu qu’elle n’avait pas l’air autiste ? Ou alors le fameux C’est léger dans ton cas, pas comme les autistes sévères / profonds que je connais et qui sont incapables de vivre seuls.

Je ne vais pas faire un cours sur l’autisme, mais sachez juste que l’autisme est maintenant catégorisé selon le niveau de soutien dont on a besoin, entre 1 et 3. Niveau de soutien qui peut d’ailleurs varier au cours de la vie. Et que comme l’a rappelé un participant à un groupe de parole que je fréquente, le niveau 1, c’est quand même un besoin de soutien.

Alors, est-ce que c’est léger quand on n’a pas de déficience intellectuelle ?

Quand on est épuisée par les interactions sociales.

Quand on est surstimulée en permanence.

Quand les lieux où la plupart des gens se détendent sont trop compliqués à fréquenter pour nous.

Quand on finit en burn out à force de masquer. Et qu’on a si bien masqué toute notre vie qu’on est aux yeux des autres celle qui s’en sort bien, pour qui ça ira toujours, puisqu’elle y arrivait avant.

Quand on est rejetée lorsqu’on n’arrive plus à masquer.

Quand on passe la journée entière à pleurer parce qu’on n’en peut plus de vivre dans un monde qui ne nous comprend pas.

Quand on est suicidaire un jour sur deux.

Quand enchaîne les crises autistiques.

Quand on n’arrive plus à travailler.

Quand la plupart des gens préfèrent se dire qu’on est froids et pas sympas, juste parce qu’on ne sourit pas sur commande.

Quand on finit par avoir des douleurs chroniques parfois insupportables à force d’outrepasser ses limites.

Quand on ne sait pas trouver son chemin ou comprendre comment fonctionne sa brosse à dents électrique toute seule.

Quand on a un sommeil très perturbé.

Quand on est épuisée à tous les niveaux.

Quand on ne supporte plus aucune injustice.

Quand on remet en question toute sa vie et sa valeur personnelle à chaque rejet perçu.

Quand ces périodes extrêmement compliquées se répètent plusieurs fois dans notre vie, au point qu’on ne voit plus le sens de continuer.

Moi je ne trouve pas cela très léger. Alors, certes, je suis en burn out pour le moment, et l’autisme est un spectre qui se manifeste différemment chez chaque personne, mais non, ce n’est jamais léger. Derrière les apparences, il y a tout un monde que vous ignorez. Donc merci de ne pas nous juger uniquement à partir de vos a priori.

Et le paradoxe, c’est que d’un côté on va nous dire qu’on n’a pas l’air autiste, mais si l’on fait quelque chose de trop « autistique », on va nous demander de faire un effort et d’arrêter. Quoiqu’on fasse, on est perdant.