Quatrième de couverture :
Le 1er juillet 1925, le compositeur Erik Satie meurt à Paris de la plus triste des maladies d’amour: une cirrhose du foie.
Cent ans plus tard, à Tournai, une enveloppe de papier kraft un peu épaisse tombe dans la boite aux lettres de Minique Brouillard.
Il n’y a peut-être aucun rapport entre ces deux évènements mais, s’il y en a un, ça pourrait faire un roman. Un roman qui irait se promener du côté de la tendresse.
François Salmon vit un pied à Tournai et un pied dans l’imaginaire. Ici, il enseigne le français et le théâtre. Là, il multiplie les projets d’écriture, de lecture vivante et de mise en scène. Parfois il croise les pieds et ne sait plus trop s’il est ici ou là. Merci pour la tendresse est son premier roman.
François Salmon se met en scène dans ce premier roman, on suit ses sources d’inspiration, ses questionnements, ses doutes. Oui, parce que son roman s’inspire de la chanson Les gens qui doutent d’Anne Sylvestre et que lui-même est bien en droit de douter puisqu’il a écrit jusque là des nouvelles (voir les excellents Rien n’est rouge et Rien n’arrête les oiseaux) : c’est, selon son image, comme si, sur l’échographie d’une musaraigne, apparaissait le foetus d’un éléphant. Mais il semble bien que tout commence avec une enveloppe de papier kraft et de papier bulles tombée dans la boîte aux lettres de Minique Brouillard. Que contient cette enveloppe ? On ne le saura que bien plus tard, au moment où tous les fils de l’histoire se rassemblent et tous les morceaux du puzzle prennent forme.
Au début, entre les doutes de l’auteur-narrateur et les bribes d’histoire qui commencent, j’avoue que le tout m’a paru dispersé, je me demandais où on allait et cela m’agaçait un peu. C’était un peu foutraque, à l’image de la « maison-bazar » de Martin Laroche, un vieil homme qui recueille les « joies sauvages » dans sa vie de tous les jours, surtout quand sa petite-fille Jeanne lui rend visite le mercredi après-midi, un peu foutraque comme la personnalité d’Erik Satie dont des pages de récit sur sa vie, sa liaison fulgurante avec Suzanne Valadon émaillent le livre, avec une typographie d’ancienne machine à écrire. Dans ce roman, on croise aussi Lambert, le fils de Martin, qui élève seul Jeanne depuis que sa femme Sylwia a mystérieusement disparu sur une aire d’autoroute au sud de Paris et qui se souvient de cette histoire d’amour fulgurante elle aussi. On accompagne Minique Brouillard, infirmière à domicile, et la mystérieuse primo-romancière (tiens, elle aussi) Clémence Desmarets. On lit plusieurs histoires qui tissent chacune leur propre voix de gens ordinaires chez qui l’extraordinaire de la vie survient sans crier gare ou de façon lancinante, plusieurs histoires qui se répondent, se mirent, se fuient pour mieux se retrouver. Les histoires aussi que se racontent Martin et Jeanne, une princesse de six ans trois-quarts et quelques semaines. Et la tendresse, la tendre opiniâtreté que manifestent Martin, Minique, Lambert et les autres, malgré le chagrin, la déprime, la vieillesse et autres ennuis de la vie, et aussi la tendresse et le respect de l’auteur envers ses personnages fait du bien, ô combien (attention, ce n’est pas un feel good, hein, non mais.) A la fin, ceux-ci étaient tellement bien incarnés (il faut dire que le roman se passe à Tournai, ma ville, et celle de François Salmon, avec des indications de lieux bien précises), tellement bien incarnés donc qu’ils en devenaient presque réels, comme des amis de papier à qui on souhaite à la fin une belle vie, la meilleure possible pour eux. Le tout est baigné dans la culture, l’humour, la finesse de l’auteur, déjà goûtés dans ses nouvelles. Merci à lui et à sa dédicace personnalisée qui a pris sens à la fin de ma lecture : « Pour Anne, Un roman qui se promène dans Tournai en y semant des mots et des notes. Tendrement ! François » Merci, merci, merci !
Un petit paragraphe noté pour son ironie :
« -Allo, Clémence ? Je ne te dérange pas ?
C’est la voix énergique de Caroline Bataille, fer de lance des Editions Le Merle blanc. Cette femme semble être venue au monde pour écorner les buffles, détourner les fleuves et renverser les montagnes, autant de compétences indispensables quand on dirige une petite maison d’édition en Belgique. » (p. 81)
François SALMON, Merci pour la tendresse, Editions Asmodée Edern, 2024
En novembre, lisez-vous le Belge ?
