En février 1972, Paul McCartney et les Wings sortent Give Ireland Back to the Irish, une chanson de protestation écrite en réaction au massacre de Bloody Sunday en Irlande du Nord. Censurée par la BBC, cette prise de position marque l’un des rares engagements politiques de McCartney. Malgré la controverse, le titre devient un hymne en Irlande et illustre le pouvoir de la musique comme moyen de dénonciation et de résistance.
En février 1972, Paul McCartney, à travers son groupe Wings, lançaitGive Ireland Back To The Irish, une chanson audacieuse et controversée née en réaction à l’un des événements les plus tragiques et marquants de l’histoire récente de l’Irlande du Nord : le massacre de Bloody Sunday. Cette chanson, qui incarne une forme de protestation musicale, est l’une des premières de McCartney à aborder ouvertement des thèmes politiques, un terrain que son ancien collègue John Lennon avait déjà exploré avec ses chansons engagées. Pourtant,Give Ireland Back To The Irishest bien plus qu’un simple acte de protestation ; elle représente une tentative pour McCartney de se positionner en tant qu’artiste et citoyen face aux événements qui secouaient le monde à l’époque.
Sommaire
- Le contexte de la chanson : Bloody Sunday et l’Irlande
- Les paroles : un appel à la justice et à l’indépendance
- L’enregistrement et la réaction immédiate
- Une polémique immédiate et un impact inattendu
- Une chanson marquante, mais éphémère
- Une chanson nécessaire
Le contexte de la chanson : Bloody Sunday et l’Irlande
Le 30 janvier 1972, à Derry, en Irlande du Nord, le régiment parachutiste britannique ouvre le feu sur des manifestants pacifiques, tuant 14 personnes et blessant plusieurs autres. Cet événement, désormais connu sous le nom deBloody Sunday, est l’un des moments clés du conflit en Irlande du Nord, un conflit qui durera plusieurs décennies et opposera principalement les nationalistes irlandais, soutenant l’indépendance de l’Irlande, et les unionistes, qui soutiennent le maintien de l’Irlande du Nord sous domination britannique.
C’est après avoir pris connaissance de cet acte de violence et de la répression exercée par l’armée britannique sur ses citoyens que McCartney ressent le besoin d’agir. Dans une interview de 1972, il explique :« The morning after what they call in the newspapers Bloody Sunday, I read the newspapers and it just looked a bit wrong, what the British Army was doing in there. So I started on this piano and wrote the song. »Cette prise de position personnelle est d’autant plus marquante que, jusqu’alors, McCartney ne s’était pas beaucoup exprimé sur des sujets politiques, contrairement à Lennon, dont les chansons de protestation étaient déjà bien connues.
Les paroles : un appel à la justice et à l’indépendance
Les paroles deGive Ireland Back To The Irishsont simples, directes et sans équivoque. McCartney y exprime son soutien à la cause irlandaise et critique la présence militaire britannique en Irlande du Nord, tout en soulignant le droit des Irlandais à leur propre souveraineté.« Give Ireland back to the Irish / Put the soldiers in the sea, »chante McCartney, une phrase qui résume bien l’appel à la fin de l’occupation et à la restitution de l’indépendance à l’Irlande.
Bien qu’écrite du point de vue d’un Britannique, la chanson défend ouvertement les droits des Irlandais. Dans un entretien avecABC Newsen 1972, McCartney déclare :« I’m British, I was born in Britain and the song is written from a British point of view. I’ve had people saying you shouldn’t go talking if you’re not Irish, but the point is it’s the British Army that’s causing the trouble, not the Irish, you know? »C’est cette conscience de son identité britannique et son désir de justice pour l’Irlande qui l’a poussé à écrire une chanson qui va à l’encontre des attentes traditionnelles des artistes britanniques à l’époque.
L’enregistrement et la réaction immédiate
Le 1er février 1972, seulement deux jours après les événements de Bloody Sunday, Wings commence à enregistrerGive Ireland Back To The Irishà Abbey Road. Comme souvent dans les premières sessions du groupe, l’enregistrement se fait à un rythme rapide, avec McCartney, sa femme Linda, et les autres membres de Wings, dont Denny Laine et Henry McCullough, apportant chacun leur touche. McCartney, qui joue la plupart des instruments, y compris la basse et la guitare, voulait que la chanson soit dynamique et percutante, avec une énergie brute qui correspondait à l’urgence de la situation.
La sortie du single fut un véritable choc, notamment à cause de son sujet brûlant. Dès sa publication, la chanson fut confrontée à une censure immédiate. Le 10 février 1972, la BBC annonça officiellement qu’elle interdirait la diffusion de la chanson, un geste qui allait en réalité contribuer à la popularité deGive Ireland Back To The Irish, en attirant l’attention du public. Comme le rappelle McCartney dansWingspan: Paul McCartney’s Band On The Run, « I wasn’t really into protest songs – John had done that – but this time I felt that I had to write something, to use my art to protest. »
Une polémique immédiate et un impact inattendu
La réaction àGive Ireland Back To The Irishfut loin d’être unanime. La chanson fut bannie par plusieurs stations de radio britanniques, mais elle rencontra un succès inattendu en Irlande et même en Espagne, où elle atteignit la première place des charts. McCartney se souvient :« It was number one in Ireland, and in Spain for some reason. I don’t think Franco could have understood. »Cette diffusion en Espagne, sous la dictature de Franco, fut particulièrement ironique étant donné la nature du message du morceau et le contexte politique espagnol de l’époque.
Le soutien à la chanson fut également plus visible en Irlande, où elle devint un hymne pour les partisans de l’indépendance irlandaise. Cependant, cette prise de position ne fut pas sans conséquences pour McCartney et ses collaborateurs.« I knew ‘Give Ireland Back To The Irish’ wasn’t an easy route, but it just seemed to me to be the time. I had to say something, »confiait McCartney, soulignant le courage de l’action dans un climat politique tendu. Malheureusement, cela entraîna également des actes de violence :« Henry McCullough’s brother, who lived in Northern Ireland, was beaten up because of it, »se souvient McCartney, rappelant que cette chanson avait suscité des tensions violentes même au sein des familles.
Une chanson marquante, mais éphémère
SiGive Ireland Back To The Irishn’a pas été un grand succès commercial au-delà de l’Irlande et de l’Espagne, elle reste un morceau marquant dans l’histoire musicale de McCartney. C’est une chanson de protestation rare dans le répertoire de Wings et de McCartney, mais elle est également un témoignage de son engagement à utiliser sa musique pour dénoncer les injustices. Sa censure par les grandes institutions britanniques en a fait un morceau culte et une pièce de l’histoire du rock, mais aussi un acte de défiance.
Malgré la controverse qu’elle a suscitée,Give Ireland Back To The Irisha su traverser le temps comme un symbole d’une époque où les artistes n’hésitaient pas à s’exprimer sur les sujets politiques et sociaux. Elle a été rééditée en 1993 surWild Lifeet a été un élément duWingspan: Hits And Historyen 2001, bien que McCartney ait finalement décidé de ne pas la réintégrer dans certaines compilations en raison des événements violents qui ont marqué la fin des années 90 et le début des années 2000.
Une chanson nécessaire
Give Ireland Back To The Irishn’est pas seulement une chanson de protestation ; elle est aussi un acte nécessaire dans un monde où la musique et l’art ont le pouvoir de provoquer le changement. McCartney, à travers cette chanson, a non seulement exprimé son opinion sur un sujet politique, mais il a aussi illustré son courage à prendre position, indépendamment des conséquences. Bien que controversée, la chanson reste une œuvre importante, qui continue à résonner à travers les années comme un appel à la justice, à la paix et à la fin de l’oppression.
