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« Bogey Music » : L’humour décalé de McCartney et son hommage à Fungus The Bogeyman

Publié le 29 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

« Bogey Music », extrait de l’album McCartney II, incarne la quête de liberté musicale de Paul McCartney en 1980. Inspirée du livre Fungus The Bogeyman, la chanson se distingue par son énergie ludique, son humour absurde et sa production expérimentale. Malgré une réception critique modérée, elle reste un témoignage de l’inventivité de McCartney et de sa volonté de se libérer des attentes commerciales, tout en explorant de nouveaux horizons musicaux avec une approche décontractée et joyeuse.


L’année 1980, marquée par la sortie deMcCartney II, fut une période fascinante dans la carrière de Paul McCartney. Bien loin des expérimentations orchestrées des années précédentes avec les Beatles, ce deuxième album solo révélait un Paul McCartney en quête d’indépendance musicale. Parmi les morceaux qui ont marqué cette période,Bogey Musicse distingue par son côté léger, son énergie contagieuse, et surtout, par son inspiration inattendue. Retour sur une chanson qui a fait sourire son créateur tout en frustrant une partie de ses auditeurs.

Sommaire

L’Essence de McCartney II : L’Expérimentation en Solo

Après l’albumMcCartneysorti en 1970, où il avait pris l’initiative de jouer quasiment tous les instruments,McCartney IIconstitue un prolongement de cette démarche solitaire, mais avec une liberté débridée plus accentuée. Dans une période où les Beatles s’étaient séparés depuis plus de dix ans, et après unLondon Town(1978) qui avait montré un McCartney plus doux et réfléchi,McCartney IImarque un virage vers une démarche plus expérimentale et électronique.

C’est dans ce contexte que Paul McCartney enregistreBogey Music, une chanson rapide et insouciante qui illustre parfaitement l’état d’esprit de l’artiste à l’époque. Bien que souvent considérée comme l’une des pièces les moins marquantes de l’album par certains critiques, cette chanson cache un univers singulier, nourri de références littéraires et d’un sens de l’humour typique de McCartney.

Une Inspiration Insoupçonnée : Fungus The Bogeyman

Le point de départ deBogey Musicn’est autre que le livreFungus The Bogeyman, une œuvre de Raymond Briggs publiée en 1977. Il s’agit d’une histoire pour enfants et adultes, racontant la vie d’un « bogeyman » (un monstre, pour ainsi dire), qui vit sous terre et sort la nuit pour effrayer les gens. Ce personnage, bien que grotesque et effrayant, fait face à une réalité inversée, où il trouve le confort dans l’humidité et le sale, là où les êtres humains préfèrent la chaleur et la propreté.

Paul McCartney explique dans plusieurs interviews que ce livre lui a été proposé pour être adapté en film, et qu’on lui a demandé d’y ajouter une bande-son. Bien que le projet n’ait jamais vu le jour, McCartney fut tellement séduit par l’absurdité du concept qu’il décida d’en tirer une chanson. La scène précise qui l’inspira dansFungus The Bogeymanse situe lorsque les jeunes du Bogeyland se rebellent contre les anciens qui détestent la musique. Ces jeunes, dans un acte de rébellion, se lavent et commencent à adopter un mode de vie plus proche de l’humanité, jusqu’à se mettre à écouter du rock ‘n’ roll. C’est cette idée d’une transformation folle et décalée qui donna naissance àBogey Music.

Une Mélodie Boogie et Spontanée

Musicalement,Bogey Musicest une chanson animée, caractérisée par un rythme boogie entraînant. Le morceau est construit autour d’une ligne de basse énergique, de percussions légères, et de claviers flottants, le tout porté par une voix vive et enjouée. McCartney joue une fois de plus de tous les instruments – une marque de fabrique de ses enregistrements solo – et, loin de se prendre trop au sérieux, il semble se divertir dans cette création. Il s’agit d’une forme d’expérimentation plus décontractée par rapport aux productions plus sérieuses de l’époque.

C’est cette approche nonchalante et sans contrainte qui donne àBogey Musicson côté unique. Bien qu’il ne fasse pas partie des morceaux les plus complexes ou profonds de McCartney, ce titre possède une légèreté et une fantaisie qui révèlent un aspect de l’artiste souvent moins visible : son goût pour le ludique et l’absurde. Ce côté un peu « jeu d’enfant » est en fait une belle illustration de son désir de conserver une part de naïveté et d’innocence dans sa musique.

L’Humour Absurdement Rock’n’Roll

La chanson, dans ses paroles, incarne l’humour typique de McCartney : léger, absurde et un brin décalé. L’artiste s’amuse ici à tordre la réalité du livre de Briggs, pour en faire un hymne rock’n’roll absurde. Paul décrit les « bogeymen » comme des créatures qui, dans une forme de rébellion totale, s’approprient les éléments qui sont habituellement associés à l’opposition – des vêtements sales et humides, des comportements rebelles. L’image d’une créature tapie dans l’ombre qui découvre, à la manière d’un adolescent en pleine crise existentielle, la beauté du rock et de l’hygiène corporelle semble en elle-même un clin d’œil ironique à toute une époque de changement dans le monde de la musique.

L’artiste va même jusqu’à évoquer des références à des ouvrages et des éléments totalement opposés à l’univers du rock :Lady Chatterley’s Bogey– une référence à un autre ouvrage, bien connu pour sa dimension érotique et son caractère transgressif. Ce choix de nommer la chanson après un univers aussi décalé prouve à quel point McCartney cherche à bousculer les codes, à travers une folie douce et une spontanéité qui ne sont possibles que dans l’intimité d’un studio d’enregistrement.

Un Succès Critique Modéré mais Durable

À sa sortie,Bogey Musicne connaît pas un grand succès critique. Il est souvent relégué parmi les morceaux les moins marquants deMcCartney II. Toutefois, comme beaucoup d’expérimentations de McCartney, le morceau n’a pas été oublié avec le temps. Au contraire, il a acquis une place particulière dans le cœur des fans les plus ardents de l’ex-Beatle. Cette chanson incarne le refus de McCartney de se soumettre à une vision strictement commerciale de la musique.Bogey Musicfait preuve d’une grande liberté créative, sans la pression d’une attente particulière de la part du public.

Les années passant, le titre a même été réévalué par certains critiques comme étant un exemple de la capacité de McCartney à fusionner un humour décalé avec une production musicale solide. Ce mélange d’absurde et de sérieux musical fait écho à la facette la plus personnelle et la plus libre de McCartney, un artiste qui a su tirer parti de ses ressources créatives et de ses passions diverses pour se renouveler sans cesse.

La Philosophie McCartney : Jouer pour le Plaisir

À traversBogey Music, Paul McCartney livre une leçon de simplicité et de plaisir. Au-delà de l’expérimentation sonore et des références littéraires décalées, ce morceau incarne sa philosophie : il faut savoir s’amuser et explorer sans se soucier des règles établies. Pour McCartney, la musique est un terrain de jeu, un espace où l’on peut s’évader et où l’on peut, à l’instar des enfants, se laisser aller à des créations ludiques et spontanées.Bogey Musicn’est pas une chanson de déclaration, mais une libération, un éclat de rires sincères dans un monde musical en constante évolution.

Dans le cadre deMcCartney II, ce titre symbolise à merveille la volonté de Paul McCartney de se libérer des attentes des autres et de poursuivre sa route avec une énergie joyeuse et un sens de la découverte infinie. Même si cette aventure dans l’univers deFungus The Bogeymann’a jamais abouti sur grand écran, elle trouve son essence dans cette chanson et dans l’esprit même de l’album. McCartney, une fois de plus, nous montre qu’il n’a jamais cessé d’être un enfant de la musique, même à l’aube de ses 40 ans.

Une Injuste Oubliée ?

SiBogey Musicn’a pas eu la même portée que d’autres morceaux de la carrière solo de McCartney, commeMaybe I’m AmazedouBand on the Run, elle reste néanmoins un témoignage de l’inventivité et de l’humour inaltéré de l’artiste. C’est un clin d’œil à une époque où la musique, avant tout, était un terrain de liberté et de plaisir. Si les fans se souviennent d’autres morceaux plus gravés dans la mémoire collective, il n’en reste pas moins queBogey Musicincarne un moment de pure folie, un instant où McCartney n’a fait qu’écouter son instinct et sa curiosité musicale. La chanson mérite donc d’être redécouverte, dans toute sa démesure et sa spontanéité.


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