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Orchestral Dantec in the Dark

Publié le 08 septembre 2008 par Nicolas Lordier

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Proust avait sa Madeleine, Süskind son parfum, mais qui pouvait bien donc s’emparer du son pour lui donner vie à travers sa prose? Qui pouvait bien donc passer de la musique des mots aux mots de la musique? Maurice G. Dantec pardi, et de quelle façon ! La claque est à l’image du bonhomme, violente, torturée, érudite et magistrale.

L’objet du délit se nomme "Grande jonction" et fait suite au flamboyant "Cosmos Incorporated" dans lequel Dantec brossait déjà le tableau d’un monde post-humain inauguré par notre XXIème siècle. Les références musicales y étaient déjà foisonnantes et très éclectiques. Aux frontières de l’anticipation du cyber-punk et de l’expérience mystique, le trip était total, enfin le croyait-on…

"Grande Jonction" qui lui fait donc suite reprend les mêmes éléments mais y ajoute une notion cruciale. La musique, qui jusque la faisait office de bande son musicale pour audiophiles acharnés, se retrouve en plein cœur du récit, mieux, elle devient le récit.

Ce vieux renard de Maurice G. s’empare de la musique pour en faire sa chose, sa solution définitive. Du chapitre I intitulé "Radiohead" au chapitre 50 intitulé "That’s Allright Mama" en passant par "Space Oddity" ou moins évident "Are Friends Electric", il nous livre un véritable opéra rock mystique dans lequel la musique s’avèrera peut-être le salut de l’humanité.

«Le rock donne une existence à la machine, par la musique. Une existence, c’est-à-dire une individualité propre qui dépasse sa simple identité spécifique de chose, même électriquement "animé".  Il lui donne une voix. Il lui donne un langage. Une tension infinie entre sens et forme, signe et substance, matière et esprit. Grâce au rock, l’électricité devenait le sens esthétique central de la machine et non plus seulement le courant lui permettant de fonctionner. Voilà quel était le point essentiel. Grâce à la musique électrique, les machines devenaient à leur tour "indivises", à la fois uniques en tant que singularités capables d’exprimer la sonorité particulière d’un individu, et spécifiques, c’est à dire "universelles", énonçant de fait leur substance propre, leur "grain", leur "couleur", bref, l’ensemble des qualités que l’on retrouvait inchangées d’un modèle à l’autre. Leur existence singulière surgissait de cette articulation, de ce "surpli".»   

Maurice G. Dantec « Grande jonction »

Mes frères audiophiles croyez-nous . L’enfer de Dantec est pavé de bonne sensation.


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