Mon infirmière référente en douleur a partagé sur sa page Facebook des vidéos de la chaîne Expect Patient (des chansons qui parlent d’humanité et d’inégalités dans le soin, notamment) et celle-ci, qui insiste sur le fait de prendre en compte le contexte de vie de la personne qu’on soigne, de se décentrer de sa position de privilégié, mentionne le fait que certains médecins disent de leurs patients qu’ils ne sont pas cortiqués quand ils ne comprennent pas leurs explications.
Ça m’a rappelé l’époque où j’étais sur le Twitter médical. Il y avait, en gros, les soignants militants d’un côté et de l’autre ceux qui étaient là surtout pour se plaindre de leurs conditions de travail, de leurs salaires et de leurs patients pénibles. Les seconds se moquaient des premiers en les appelant la Team bienveillance. Et parmi les patients décrits par les seconds, il y avait quatre catégories qui revenaient régulièrement : ceux qui effectivement n’étaient pas cortiqués, entendez trop bêtes pour comprendre ce que le médecin disait; les patients MGEN (la mutuelle de la fonction publique en France, donc des profs) qui posaient trop de questions, s’informaient trop et n’obéissaient pas aveuglément aux recommandations du médecin; les « psys », c’est-à-dire les personnes avec un problème psychiatrique, et donc bien évidemment ils somatiseraient la plupart du temps, en plus de raconter n’importe quoi H24; et les patients polypathologiques qui emmerdent quand même bien le monde à venir avec plusieurs motifs de consultation en même temps, au lieu de tout séparer et de ranger chaque problème dans sa petite case (ah, attendez, on me souffle à l’oreille que tout serait interconnecté ! Mais écoutez, ça l’administration s’en fiche !). Je n’ai toujours pas très bien compris comment un patient pouvait trouver grâce à leurs yeux : ni trop bête, ni trop intelligent, ni trop troublé, ni trop compliqué. Ça fait beaucoup de critères quand même. Et peut-être qu’une partie du travail d’un médecin est de s’adapter à la personne qu’il a en face de lui. Enfin, c’est juste une idée comme ça
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La vidéo rappelle aussi que c’est très bien de faire des recommandations mais qu’il faut que ça soit adapté aux conditions de vie du patient. Qu’oublier cela, du haut de sa position de privilégié, c’est passer à coté d’éléments indispensables. Mention spéciale à la psychiatre qui m’avait dit qu’on n’avait plus besoin du féminisme car l’égalité était acquise. Je ne sais pas où est situé sa tour d’ivoire, mais ça a l’air sympa d’y vivre. 
Ce genre de vidéos me fait vraiment du bien, surtout en ce moment où je suis à bout. Parce que quand, comme moi, on a décidé de ne plus vouloir être aidée à n’importe quel prix, de ne plus être soignée à tout casser et que la gentillesse ne suffit pas s’il n’y a pas de solutions adaptées derrière, ce n’est pas toujours facile à assumer. Il faut accepter d’être vue par beaucoup de personnes comme une patiente difficile, exigeante voire intransigeante. Mais dans ma situation actuelle, il en va de ma survie. Je suis en shutdown pendant des heures après une interaction qui ne se passe pas bien. J’ai par le passé beaucoup trop accepté de choses sans réagir face à l’autorité médicale, face à des gens qui croient qu’ils peuvent penser à ma place, ou simplement face à des personnes dont je « dépasse les compétences » (pour les citer).
Donc entre m’effondrer et me détruire à petits feux ou passer pour une emmerdeuse, j’ai choisi. Je choisis ma vie. Je me choisis.
