Quand j’étais gamine, j’adorais entonner cette chanson entêtante qui n’avait pas de fin ! Le jeu chantant transformait les mots en dominos sonores. On commençait avec une phrase innocente, et très vite tout s’emballait : j’en ai marre → marabout → bout d’ficelle → selle de cheval… On riait, on trébuchait sur les syllabes, on s’inventait des règles farfelues — et surtout, on avait l’impression de tenir la langue française par la main pour la faire danser. Aujourd’hui encore, le jeu des kyrielles garde pour moi ce parfum d’enfance où les mots n’étaient pas des outils, mais de délicieux jouets prêts à s’enchaîner à l’infini.
J’ai voulu en savoir un peu plus sur les origines des kyrielles et partage avec vous mes trouvailles !
Le nom kyrielle vient du Kýrie, un élément présent dans de nombreuses liturgies chrétiennes. Une kyrielle traditionnelle se compose de distiques octosyllabiques rimés, généralement regroupés en quatrains. Elle reprend souvent l’expression « Seigneur, prends pitié » (ou une variation) comme refrain, placé en deuxième vers du distique ou en dernier vers du quatrain. Cela dit, certaines kyrielles préfèrent d’autres formules pour leur refrain — on aime la liberté, même en poésie médiévale !
Il n’existe aucun nombre obligatoire de strophes, mais on en compte généralement au moins trois.
Quant aux schémas de rimes, ils varient librement, tant que le refrain conclut chaque strophe.
Aujourd’hui, la kyrielle est une suite interminable de paroles répétitives. Autrement dit, une véritable litanie et par extension : une longue série de personnes ou de choses. On pourrait dire aussi une floppée, ribambelle, tas, théorie. On peut ainsi avoir « une kyrielle d’amis » ou se retrouver face à « une kyrielle de noms étranges ».
Ce jeu d’esprit qui consiste à construire une suite de mots en prenant pour première syllabe, la dernière de l’expression précédente s’appelle un marabout ou concaténation, avec un équivalent japonais nommé shiritori. En poésie et dans d’autres œuvres littéraires, l’anadiplose est une figure de style très proche. En voici quelques exemples truculents.
On songea à faire l’addition. L’addition était consternante » (Albert Camus, La Peste)
Pas de pierre, pas de construction ; pas de construction, pas de palais ; pas de palais… pas de palais. » (Amonbofis, dans Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre).
Je me fous, fous de vous, vous m’aimez, mais pas moi, moi je voulais … » (extrait de la chanson Confidence pour confidence de Jean Schultheis).
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