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Yellow Submarine : Le film psychédélique des Beatles qui a marqué l’animation

Publié le 06 décembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Yellow Submarine, film d’animation psychédélique des Beatles sorti en 1968, mêle humour, inventions graphiques et chansons du groupe. Ce long-métrage novateur a redéfini le genre en utilisant l’animation pour toucher un large public, bien au-delà des enfants. L’histoire de Pepperland et de ses habitants menacés par les Blue Meanies est racontée à travers des mers imaginaires, et l’humour et l’amour triomphent de la violence et de la grisaille. La bande-son inclut des morceaux iconiques des Beatles.


En 1968, alors que la Beatlemania bat son plein depuis déjà plusieurs années, un long-métrage d’animation inattendu fait son apparition sur les écrans et s’attire rapidement l’admiration des critiques et du public. Yellow Submarine, fruit d’un partenariat entre United Artists, King Features Syndicate et les Beatles (via Apple Films), se démarque nettement de l’univers cinématographique habituel : non seulement c’est un film d’animation, mais il s’approprie l’esthétique psychédélique de l’époque pour construire un récit fantaisiste mêlant humour, inventions graphiques et, bien sûr, les chansons iconiques du groupe de Liverpool.

Au-delà d’une simple adaptation de leurs morceaux phares, Yellow Submarine franchit une étape significative dans la représentation animée, prouvant qu’un film d’animation peut s’adresser à un public bien plus vaste que les seuls enfants. À la même époque, les studios Disney sont encore la référence en matière de dessins animés familiaux, mais cet opus psychédélique démontre qu’il est possible d’explorer de nouveaux horizons, conférant à l’animation un statut d’art sérieux. John Lasseter, cofondateur de Pixar, reconnaîtra d’ailleurs l’influence majeure de ce film dans l’élargissement de la définition traditionnelle du dessin animé.

Sommaire

  • Contexte : comment les Beatles se laissent tenter par l’animation
  • Une intrigue féerique : Pepperland, les Meanies et la magie du sous-marin
  • Des voix de doublage à la place des Beatles : un détail souvent méconnu
  • Un style graphique révolutionnaire : Heinz Edelmann et l’animation psychédélique
  • La bande originale : un florilège de chansons et de compositions inédites
  • Une réception critique dithyrambique et un succès indéniable
  • Droits, distributions multiples et ressorties successives
  • Le caméo final : la brève apparition des vrais Beatles
  • Un legs artistique : la portée durable de Yellow Submarine
  • épilogue et modernité : la persistance d’une œuvre culte
  • Le triomphe de l’imaginaire et de la musique, pour toutes les générations

Contexte : comment les Beatles se laissent tenter par l’animation

Après les succès de A Hard Day’s Night (1964) et Help! (1965), deux films mettant en scène les Beatles, la formation britannique se montre plus réticente à l’idée de continuer à apparaître devant la caméra. Leur intérêt pour le cinéma s’est émoussé, en partie parce qu’ils ne sont pas entièrement satisfaits de leur second film, Help!, réalisé par Richard Lester. Or, un contrat avec United Artists prévoyait encore un troisième film. Il se trouve que l’idée d’un film d’animation – beaucoup moins contraignant en termes de tournage et de disponibilité – séduit le groupe.

À partir de là, les Beatles s’impliquent sur le plan musical et donnent leur accord pour l’utilisation de leurs chansons, mais ne participent guère aux sessions de doublage. Contrairement à ce qu’annoncent les premières rumeurs, ils ne prêtent pas leur voix à leurs propres personnages animés, hormis la brève scène finale en prises de vues réelles. En pratique, tout le travail de synchronisation revient à des comédiens professionnels, chargés d’incarner John, Paul, George et Ringo en version dessinée.

Le film est produit par Al Brodax, en collaboration avec Apple Films. George Dunning, associé de longue date du groupe via la série télévisée The Beatles, en assume la réalisation, tandis que Heinz Edelmann, illustrateur et graphiste, prend la direction artistique et impose un style pop-art, psychédélique et surréaliste qui va rapidement devenir la marque de fabrique de Yellow Submarine.

Une intrigue féerique : Pepperland, les Meanies et la magie du sous-marin

Pepperland menacée
L’histoire de Yellow Submarine se déroule dans le monde imaginaire de Pepperland, un lieu idyllique, haut en couleur, où la musique règne en maîtresse, animant ses habitants de joie et de créativité. Cependant, cet Eden musical est envahi par les Blue Meanies, de sinistres créatures bleues qui abhorrent la musique et la couleur. Sous le commandement d’un chef tyrannique (le Chief Blue Meanie), elles attaquent Pepperland et paralysent ses résidents, transformant le pays en un univers gris et figé, tandis que l’orchestre local, le Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, est emprisonné.

Le maire de Pepperland, en dernière extrémité, dépêche l’amiral Fred à la recherche d’aide. Celui-ci s’échappe dans un sous-marin jaune, le fameux Yellow Submarine, et gagne la ville de Liverpool où il part à la rencontre des Beatles. À travers un Liverpool transformé, Fred parvient à convaincre Ringo, puis John, George et Paul, de le suivre pour sauver Pepperland.

Une odyssée en mers étranges
Le périple commence alors dans les profondeurs, à bord du sous-marin. Les Beatles traversent des mers successives : la Sea of Time, la Sea of Science, la Sea of Monsters, la Sea of Nothing et la Sea of Holes. Chaque étape est une occasion de s’immerger dans des univers poétiques ou inquiétants, avec des créatures insolites, des jeux de couleurs et de formes qui renvoient directement à l’esthétique psychédélique de l’époque.

Dans la Sea of Nothing, le groupe rencontre Jeremy Hillary Boob, un étrange petit être savant que Ringo invite à bord. Puis, dans la Sea of Holes, ils doivent composer avec des portails menant à différents espaces, jusqu’à ce qu’ils finissent par retomber sur Pepperland, exsangue et monochrome.

La renaissance de Pepperland
Une fois sur place, les Beatles découvrent que tout est figé. Redonner vie aux couleurs et à la musique devient leur priorité. Ils endossent alors l’identité du Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, réveillant ainsi l’esprit festif de Pepperland. Les Blue Meanies tentent de répliquer, en déchaînant diverses armes symboliques comme le Gant Volant (Dreadful Flying Glove), mais l’amour, l’humour et la musique finissent par triompher de la haine et de la grisaille.

Cet affrontement final se solde par la défaite des Blue Meanies, lesquels finissent par accepter la main tendue par John et se convertir à la joie et à la tolérance. L’intrigue s’achève sur un caméo en prises de vues réelles : les quatre Beatles apparaissent dans un décor noir, exposant leurs souvenirs de voyage et invitant le public à rester vigilant, car, selon John, « de nouvelles et plus bleues créatures pourraient rôder près de ce cinéma ».

Des voix de doublage à la place des Beatles : un détail souvent méconnu

Malgré l’association inévitable entre ce film et les Beatles, c’est un groupe d’acteurs spécialisés qui prête sa voix aux protagonistes animés. John Clive (John), Geoffrey Hughes (Paul), Peter Batten puis Paul Angelis (George), et encore Paul Angelis (Ringo) incarnent les personnages. Dick Emery, Lance Percival et d’autres rejoignent la distribution pour camper les Blue Meanies, Jeremy Hillary Boob et Old Fred.

Les véritables Beatles se contentent de composer et d’interpréter les chansons, et d’apparaître brièvement à la fin. Le public de l’époque ignorait souvent ce fait, supposant que le quatuor avait intégralement assuré les voix. La confusion est renforcée par le fait que la plupart des critiques mentionnent « The Beatles » comme acteurs. En réalité, seuls Paul, John, George et Ringo apparaissent en personne dans l’ultime minute.

Peter Batten, qui avait commencé à doubler George, se voit arrêté en cours de production pour cause de désertion de l’armée britannique ; Paul Angelis doit donc reprendre une partie de son rôle. Quant à Lance Percival, déjà familier des parodies animées du groupe via la série télévisée The Beatles, il endosse les rôles de Fred et parfois d’autres personnages.

Un style graphique révolutionnaire : Heinz Edelmann et l’animation psychédélique

Contrairement à ce que beaucoup croient, l’esthétique de Yellow Submarine n’est pas l’œuvre de Peter Max, artiste pop et psychédélique célèbre pour son usage intense de la couleur. Le véritable directeur artistique se nomme Heinz Edelmann. Inspiré par le pop-art, par les affiches avant-gardistes et l’univers psychédélique, Edelmann bâtit un design foisonnant, où foisonnent les formes mouvantes, les couleurs saturées, les perspectives déformées.

Cette rupture visuelle avec la tradition Disney ou celle de l’animation cartoonesque classique marque les esprits. L’animation est parfois qualifiée de « limitée », dans la mesure où certaines séquences usent d’astuces de collage, de surimpressions ou de décors statiques, mais ce choix renforce le caractère onirique et surréaliste. Des segments comme « Eleanor Rigby » ou « Lucy in the Sky with Diamonds » relèvent presque de l’expérimentation vidéo, évoquant à la fois le format clip et des collages dignes de Terry Gilliam (qui, plus tard, créera les séquences animées des Monty Python).

D’ailleurs, l’animation est assurée par une importante équipe, supervisée par George Dunning et deux directeurs de l’animation, Robert Balser et Jack Stokes. On compte des dizaines d’animateurs talentueux (Alan Ball, Ron Campbell, Hester Coblentz, Geoff Collins, etc.), travaillant d’arrache-pied pendant 11 mois, alors que le calendrier de production reste serré.

La bande originale : un florilège de chansons et de compositions inédites

Entre classiques et inédits
“Yellow Submarine”, titre écrit par Lennon et McCartney pour l’album Revolver (1966), donne son nom au film. C’est également la chanson qui ouvre la porte de cet univers aquatique. Mais, au-delà de ce morceau, la B.O. recèle divers trésors, dont quatre chansons inédites à l’époque : « All Together Now », « Hey Bulldog », « Only a Northern Song » (de George Harrison) et « It’s All Too Much » (autre composition d’Harrison). Les fans découvrent aussi un usage plus pointu de l’orchestration, via George Martin, qui signe plusieurs passages instrumentaux.

Au fil des séquences, on entend également « Eleanor Rigby », « When I’m Sixty-Four », « Nowhere Man » ou « All You Need Is Love ». Certaines apparaissent de manière très brève, sous forme d’extraits, tandis que d’autres s’offrent un montage plus ambitieux, comme « Lucy in the Sky with Diamonds », portée par des formes psychédéliques et un collage d’images.

Le cas de “Hey Bulldog”
Parmi les morceaux remarquables, « Hey Bulldog » (composée par Lennon) est un cas particulier. Dans la version internationale du film, cette chanson est coupée pour raccourcir la durée. Seule la version britannique d’origine l’intègre dans une séquence de bataille avec les Blue Meanies. Les spectateurs américains, lors de la sortie en salle, ne découvriront « Hey Bulldog » qu’en 1999, lorsque la version restaurée de Yellow Submarine rétablit cette séquence. Ce détail illustre la complexité des différents montages, le marché US ayant jugé le film trop long pour son public.

Les partitions de George Martin
En plus des chansons du groupe, la bande originale comporte des segments instrumentaux signés George Martin. Ceux-ci participent à l’ambiance fantaisiste et donnent une cohésion musicale entre les pistes des Beatles. L’ouverture du film, par exemple, recourt à une introduction symphonique qui installe l’aspect épique et onirique de l’aventure sous-marine.

Une réception critique dithyrambique et un succès indéniable

Dès sa sortie, Yellow Submarine se distingue de la précédente aventure cinématographique des Beatles, Magical Mystery Tour (1967), qui avait déçu et dérouté. Cette fois, la critique salue l’audace visuelle, la richesse des trouvailles graphiques et l’humour décalé. Le public, marqué par l’esthétique psychédélique de la fin des années 1960, se rue dans les salles, y voyant une célébration de l’esprit flower power : l’amour, la musique et les couleurs triomphent de la morosité et de la haine.

La presse loue notamment la manière dont le film sait s’adresser à plusieurs publics : on y voit un univers enfantin par ses formes et ses couleurs, mais aussi un sous-texte plus adulte, truffé de jeux de mots, de références culturelles ou littéraires, de doubles sens et d’humour absurde. Le résultat est un triomphe qui rapporte plus d’un million de dollars, un chiffre non négligeable pour un film d’animation à cette époque, surtout réalisé hors du circuit Disney.

Aujourd’hui, les agrégateurs de critiques comme Rotten Tomatoes affichent encore un taux d’approbation extrêmement élevé pour Yellow Submarine, reflet de sa longévité dans la mémoire collective. Le film demeure un jalon incontournable dans l’histoire de l’animation, démontrant qu’il est possible de fusionner le rock et l’imaginaire graphique pour donner naissance à une œuvre qui transcende les générations.

Droits, distributions multiples et ressorties successives

À la différence des autres films des Beatles produits par United Artists, Yellow Submarine a longtemps appartenu au studio qui en détenait les droits de distribution, même après les rachats et fusions successives dans l’industrie. Metro-Goldwyn-Mayer, puis d’autres compagnies, ont récupéré la licence. Les questions de droits musicaux et de droits cinématographiques ont parfois freiné la diffusion du film sur les marchés internationaux.

Dans les années 1980, la demande pour des éditions VHS et LaserDisc grandit, mais les problèmes de droits retardent la sortie. En 1987, une première commercialisation vidéo apparaît, malheureusement dans la version américaine écourtée (sans « Hey Bulldog »). La version intégrale, plus proche du montage original britannique, ne voit le jour qu’en 1999, à l’occasion d’une grande restauration qui coïncide avec la réédition du film en salles.

Par la suite, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, diverses éditions DVD proposent de nouvelles restaurations sonores : l’album est remixé en Dolby 5.1, la séquence « Hey Bulldog » est réintégrée, permettant aux fans américains de la découvrir pour la première fois dans le contexte narratif. En 2012, un travail de restauration image par image (4K digital resolution) est entrepris sous la supervision d’Apple Corps, aboutissant à une sortie en Blu-ray et à un regain d’intérêt pour le film, cinquante ans après.

Le caméo final : la brève apparition des vrais Beatles

Si la quasi-totalité du récit est animée, la production inclut un court segment en prises de vues réelles, tourné en janvier 1968. On y aperçoit John, Paul, George et Ringo sur un fond noir, échangeant quelques phrases humoristiques. L’objectif est double : remplir leur contrat avec United Artists prévoyant qu’ils apparaissent physiquement, et conclure le film sur une note complice, rappelant qu’au-delà du monde imaginaire, il y a bien ces quatre musiciens réunis.

Les spectateurs remarquent que l’apparence de Lennon et Harrison diffère sensiblement de leurs doubles animés : entre-temps, ils ont rasé leurs moustaches et entamé un nouveau style capillaire. De plus, on évoque l’idée qu’initialement, cette séquence devait bénéficier d’effets post-production, mais faute de temps et de budget, le fond demeure uniformément noir.

Un legs artistique : la portée durable de Yellow Submarine

Un film charnière pour l’animation
Sorti à une période où l’animation grand public reste dominée par Disney, Yellow Submarine démontre qu’il est possible de créer un dessin animé plus psychédélique, hors des codes narratifs classiques, et s’adressant à un public branché sur la contre-culture pop. La bande originale des Beatles apporte une aura internationale, la critique salue la qualité visuelle et le message pacifiste. De nombreux artistes et réalisateurs, dont John Lasseter (Pixar), reconnaissent la dette qu’ils ont envers ce long-métrage, qui a ouvert la voie à un nouveau respect pour le genre animé.

Un style foisonnant, entre pop-art et collage surréaliste
Heinz Edelmann, directeur artistique, forge un univers qui alterne passages naïfs (les personnages stylisés) et séquences hallucinées (celles associées à « Lucy in the Sky with Diamonds » ou « Eleanor Rigby »). L’usage inventif de la couleur, des transitions animées et des superpositions d’images renvoie aux expérimentations d’avant-garde. Les transitions rapides, la déformation des perspectives et l’iconographie psychédélique préfigurent les futurs travaux de Terry Gilliam pour les Monty Python.

Un message de tolérance et de non-violence
Au-delà de la débauche visuelle, Yellow Submarine met en scène un conflit entre l’ombre et la lumière, la haine et l’amour, la tristesse et la joie. Les Blue Meanies, ennemis acharnés de la musique et de la couleur, symbolisent la censure, la violence et l’obscurantisme. Les Beatles, en conquérant Pepperland par la douceur et la mélodie, affirment la force universelle de la musique et de l’amitié. Cette thématique, typique de la génération flower power, prend ici une dimension quasi mythologique.

Des références multiples et des clins d’œil
Le film abonde en subtilités et jeux de mots. On y croise des références aux autres titres des Beatles, parfois en arrière-plan. La phrase « It’s all in the mind, y’know » rappelle l’influence du Goon Show, émission culte de la BBC, dont John Lennon et sa bande étaient fervents admirateurs. De même, on cite pêle-mêle Lewis Carroll ou la pop culture ambiante. L’humour, naviguant souvent entre l’absurde et le calembour, contribue à la saveur singulière de ce long-métrage.

épilogue et modernité : la persistance d’une œuvre culte

Un demi-siècle plus tard, Yellow Submarine ne cesse de fasciner et de rassembler. Il est régulièrement diffusé lors de rétrospectives ou dans des ciné-concerts, et bénéficie de restaurations attentives. Son originalité, qui tenait peut-être à l’époque de l’audace expérimentale, s’est muée en classique de l’animation. Les critiques contemporains le réévaluent comme une pépite, soulignant que c’était l’un des premiers films d’animation psychédéliques à connaître un succès mainstream.

Les produits dérivés sont innombrables : jouets, figurines, répliques du fameux sous-marin, Lego, chaussures, tee-shirts… Le concept du sous-marin jaune est devenu une icône pop, parfois associée à la ville de Liverpool (une statue du Yellow Submarine orne désormais l’aéroport John Lennon) et au mouvement hippie dans son ensemble.

Enfin, de nombreux projets ont tenté de prolonger l’héritage. On a pu entendre parler d’un hypothétique Strawberry Fields, ou encore d’un remake en images de synthèse piloté par Robert Zemeckis pour Disney au tournant des années 2010, qui ne verra finalement pas le jour. Les échecs de certains films au box-office, comme Mars Needs Moms, auront incité Disney à abandonner. Mais la perspective même d’un remake en CGI souligne la trace persistante laissée par l’œuvre d’Edelmann, Brodax et des Beatles.

Le triomphe de l’imaginaire et de la musique, pour toutes les générations

En fin de compte, l’odyssée de Yellow Submarine dépasse le simple cadre du film musical. Cette plongée dans un univers où la musique est synonyme de liberté, de couleur et de fraternité a déverrouillé un nouveau champ de possibles dans l’histoire du cinéma. Associé à la contre-culture des années 1960, au psychédélisme et à l’utopie d’un monde meilleur, le film a conquis un statut intemporel, celui d’une fable animée qui célèbre la puissance unificatrice de l’art.

Les Beatles, quant à eux, avaient trouvé dans l’animation un moyen commode de honorer leur engagement contractuel auprès d’United Artists, tout en s’épargnant le tournage exigeant d’une fiction traditionnelle. Ils ont laissé la direction artistique à une équipe de passionnés qui, dans un laps de temps réduit, a façonné un chef-d’œuvre. Le public ne s’y est pas trompé : malgré la non-participation directe des Fab Four au doublage, la personnalité musicale du groupe imprègne chaque séquence, faisant de Yellow Submarine un conte universel.

Lorsqu’on regarde aujourd’hui ce film, on ne peut qu’être frappé par sa modernité formelle, sa générosité visuelle et la spontanéité de son message : la créativité et l’amour sont plus forts que l’obscurantisme et la haine. Les Blue Meanies, comiques et terrifiants à la fois, finissent par se laisser charmer, prouvant qu’il n’est jamais trop tard pour se convertir à la beauté. Cette conclusion, résolument optimiste, demeure le cœur du message que les Beatles n’ont cessé de véhiculer dans leurs chansons.

Yellow Submarine se dresse donc comme un monument de la culture pop, une bulle colorée où l’esprit des sixties se marie à la virtuosité musicale et au délire graphique. Un demi-siècle plus tard, les nouvelles générations de spectateurs découvrent, souvent avec émerveillement, que l’inventivité du film n’a rien perdu de sa vigueur et que la joyeuse chimère sous-marine vogue toujours, nous rappelant, comme le dit la chanson, que nous sommes tous invités à monter à bord pour chanter « All Together Now ». Et si, par hasard, de nouveaux Meanies devaient apparaître, la réponse reste inchangée : rien ne résiste au pouvoir de l’amitié, de la couleur et de la musique.


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