Paru sur Back to the Egg en 1979, The Broadcast est l’un des morceaux les plus atypiques de Wings. Enregistré au château de Lympne, il mêle spoken word, musique expérimentale et influences électroniques. Paul McCartney invite Harold Margary à réciter des extraits littéraires sur une base instrumentale audacieuse, explorant ainsi les frontières entre musique et narration. Ce titre incarne l’esprit d’innovation de McCartney à la fin de l’ère Wings et illustre son désir constant de repousser les limites du rock traditionnel.
En 1979, après plusieurs années de création musicale, le groupe Wings, mené par Paul McCartney, se trouve à un tournant de sa carrière. Son dernier album,Back to the Egg, incarne un retour aux racines du rock tout en explorant de nouvelles frontières artistiques, à la fois dans le son et la forme. Parmi les morceaux les plus intrigants de cet album se trouveThe Broadcast, une pièce singulière, véritable collage sonore qui allie poésie, spoken word et expérimentation musicale. Cet exercice de style, qui se démarque de la production plus conventionnelle de l’époque, mérite une attention particulière tant il reflète l’esprit aventureux et la volonté d’innover qui animaient McCartney à cette période.
Sommaire
- Le contexte d’enregistrement : un lieu propice à l’expérimentation
- L’assemblage sonore : un collage d’influences littéraires et musicales
- Le spoken word : une dimension littéraire qui amplifie l’expérience
- Une réflexion sur la communication et l’évolution de la musique
- La fin d’une ère : Wings et le dernier souffle créatif
- L’héritage deThe Broadcast
Le contexte d’enregistrement : un lieu propice à l’expérimentation
L’enregistrement deThe Broadcasta lieu en septembre 1978 à Lympne Castle, un château situé dans le Kent, en Angleterre. Cet endroit, à la fois idyllique et peu conventionnel, a joué un rôle clé dans l’atmosphère de création de l’album. McCartney et ses musiciens y ont installé une unité mobile, ce qui leur a permis de capturer des sons uniques dans ce cadre exceptionnel. Ce lieu, non seulement chargé d’histoire, mais aussi empreint d’une ambiance particulière, a inspiré plusieurs éléments du processus créatif.
Les propriétaires du château, Deirdre et Harold Margary, jouent un rôle inattendu dans la genèse deThe Broadcast. Alors que McCartney et Linda se liaient d’amitié avec ce couple d’une classe sociale plus élevée, ils ont eu l’idée de les inviter à participer à l’album en lisant des passages littéraires choisis par leurs soins. McCartney, toujours à la recherche de nouvelles textures sonores, proposa alors à Harold Margary de réciter des extraits de livres sur la piste instrumentale deThe Broadcast. Le choix de ce spoken word, de ces voix extérieures, vient enrichir le morceau d’une dimension narrative et poétique.
L’assemblage sonore : un collage d’influences littéraires et musicales
The Broadcastse distingue par son approche non conventionnelle de la musique. Plutôt que de s’en tenir à une structure traditionnelle, le morceau se compose d’une série de couches sonores, chacune apportant une nouvelle texture à l’ensemble. McCartney, toujours avide de nouvelles expériences sonores, utilise une palette d’instruments et d’effets pour créer une atmosphère unique. Outre son rôle au piano et à la guitare électrique, McCartney ajoute la touche du Mellotron, un instrument emblématique des années 1970 qui joue un rôle crucial dans l’élargissement du spectre sonore de l’album.
L’influence de la musique électronique est également présente, avec l’utilisation de l’ARP guitar synthesizer de Laurence Juber, qui modifie et transforme le son de la guitare de manière presque irréelle. Ce choix d’un son synthétique pour une chanson qui évoque des airs de radio ou de transmission sonore lui confère une touche futuriste et audacieuse. Le résultat est un mélange de styles et de genres, une sorte de mosaïque sonore qui mêle les éléments de rock, de musique électronique et de poésie.
Le spoken word : une dimension littéraire qui amplifie l’expérience
Ce qui fait deThe Broadcastun morceau à part dans l’album, c’est la présence du spoken word. Harold Margary, propriétaire du château, prête sa voix pour réciter des passages de deux œuvres littéraires :The Sport Of Kingsd’Ian Hay etThe Little Mande John Galsworthy. Ces extraits, choisis avec soin, ajoutent une dimension théâtrale et littéraire à la composition musicale de McCartney. Les mots sont prononcés de manière délibérément posée, presque détachée, créant une tension entre la narration poétique et le paysage sonore qui l’entoure.
Dans le contexte de l’albumBack to the Egg, qui se veut un mélange de styles et d’influences diverses,The Broadcastapparaît comme une tentative de McCartney d’explorer les frontières de la musique et de la parole. En invitant Harold Margary à intervenir, McCartney ne se contente pas d’ajouter des mots à sa musique, il cherche à transcrire une forme de communication à la fois plus personnelle et universelle, en juxtaposant des fragments de textes littéraires à une composition qui, elle, est déjà un collage d’influences sonores.
Une réflexion sur la communication et l’évolution de la musique
À traversThe Broadcast, McCartney semble également questionner la manière dont la musique peut communiquer, au-delà des paroles et des mélodies classiques. Le choix de la voix parlée, la manière dont les mots sont mélangés à des sons et des instruments, rappelle l’évolution de la musique populaire à cette époque, influencée par les expérimentations des années 60 et 70. Ce morceau, dans sa structure décalée et son approche avant-gardiste, s’inscrit dans une lignée d’œuvres qui cherchent à redéfinir ce que peut être un « message musical ».
En 1978, l’industrie musicale connaît une révolution. Les premières vagues de musique électronique se mêlent aux sonorités plus traditionnelles, et l’albumBack to the Eggapparaît comme un témoin de cette époque de transition. AvecThe Broadcast, McCartney, tout en restant fidèle à son héritage rock, s’aventure dans des territoires nouveaux. Ce morceau devient un manifeste de cette époque où la frontière entre musique, technologie et art sonore semble de plus en plus floue.
La fin d’une ère : Wings et le dernier souffle créatif
Back to the Eggest le dernier album de Wings, etThe Broadcasten représente un moment clé. Tandis que McCartney explore des territoires de plus en plus expérimentaux, il met un terme à l’ère de ce groupe emblématique. Cependant, cette dernière création n’est pas un adieu simple. Elle témoigne d’une volonté de pousser les limites de ce que la musique peut être, de ne pas se satisfaire du statu quo.The Broadcastpourrait sembler une simple curiosité dans la discographie de McCartney, mais elle en dit long sur la liberté créative et l’esprit d’aventure qui ont toujours guidé l’artiste.
À l’époque de la sortie deBack to the Egg, McCartney est un musicien accompli, avec derrière lui l’énorme héritage des Beatles et plusieurs années d’expérimentations solo.The Broadcastdémontre qu’il reste un chercheur, un artiste prêt à s’aventurer dans des territoires nouveaux, à mêler des influences diverses pour créer quelque chose d’inédit. À travers cette pièce, McCartney prouve qu’il n’a jamais cessé de se réinventer, et qu’à travers les années, la quête du neuf et de l’originalité demeure une de ses forces motrices.
L’héritage deThe Broadcast
Bien que souvent négligé par les critiques de l’époque,The Broadcastreprésente un moment de grande liberté dans la carrière de Paul McCartney. À travers ce morceau, il a su combiner des influences littéraires, poétiques et musicales, dans un cadre expérimental qui, même s’il peut paraître déconcertant pour certains, reste un témoignage poignant de son désir de se renouveler sans cesse. Au-delà de son caractère avant-gardiste,The Broadcastest un reflet de l’époque où McCartney, tout en restant fidèle à son passé, cherchait à repousser les limites du possible dans la musique populaire.
