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Une rencontre au sommet : John Lennon, Yoko Ono et Frank Zappa au Fillmore East

Publié le 08 décembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Le 6 juin 1971, une nuit particulière s’est jouée au Fillmore East, à New York. Frank Zappa et son groupe, The Mothers of Invention, donnaient un concert enregistré pour leur album Live At The Fillmore East. Ce soir-là, un événement inattendu a eu lieu : John Lennon et Yoko Ono sont montés sur scène pour une jam session aussi chaotique qu’historique. L’un des titres issus de cette collaboration, Aü, reste une curiosité musicale, un mélange de guitare saturée et d’improvisation vocale avant-gardiste.

Sommaire

Une rencontre improbable entre deux esprits libres

Frank Zappa, génie iconoclaste du rock expérimental, n’était pas du genre à inviter n’importe qui sur scène. Pourtant, en 1971, il tend la main à John Lennon, alors fraîchement émancipé des Beatles, et à Yoko Ono, artiste avant-gardiste en quête de nouvelles formes d’expression musicale. Zappa, connu pour son humour acide et sa musique complexe, voyait en Lennon un esprit rebelle qui pouvait s’accorder avec son propre univers musical.

Dans une interview, Zappa expliquera qu’il appréciait le sens de l’humour de Lennon, raison pour laquelle il lui proposa de venir jouer lors du concert du Fillmore East. À cette époque, Lennon et Ono étaient déjà engagés dans une exploration musicale expérimentale, notamment avec l’album Unfinished Music No.1: Two Virgins (1968). La rencontre entre ces deux figures majeures de la contre-culture ne pouvait que donner naissance à quelque chose d’unique.

Une performance hors normes

Lorsque Lennon et Ono montent sur scène, ils s’embarquent dans une improvisation libre avec Zappa et ses musiciens. Quatre morceaux sont joués : Well (Baby Please Don’t Go), Jamrag, Scumbag et enfin Aü. Cette dernière piste se distingue par son caractère totalement improvisé, où la voix d’Ono, éthérée et stridente, se mêle aux guitares distordues de Lennon et Zappa. L’expérience sonore qui en découle est radicale, presque dérangeante pour ceux qui ne sont pas initiés aux performances avant-gardistes.

L’énergie brute du morceau reflète l’essence même du happening musical : aucun cadre, aucune structure préétablie, juste une expression brute et instinctive. Certains y verront un délire sonore sans queue ni tête, d’autres un moment d’expérimentation pure où le rock et la musique contemporaine se rencontrent dans un chaos organisé.

Une bataille de mixages

Si cette performance fut un moment mémorable sur scène, sa postérité sera entachée d’un différend entre Lennon et Zappa. Suite au concert, les bandes enregistrées de cette jam session furent partagées entre les deux artistes, chacun ayant le droit de les mixer et de les publier à sa manière. Lennon choisira d’intégrer ces morceaux au second disque de son album Some Time In New York City, sous le nom de Live Jam, sorti en juin 1972 aux États-Unis et en septembre de la même année au Royaume-Uni.

De son côté, Zappa attendra 1992 pour publier sa propre version de ces morceaux sur la compilation Playground Psychotics. Fait notable, Aü y est rebaptisé A Small Eternity With Yoko Ono. Ce changement de titre traduit bien le regard ironique que Zappa portait sur la performance vocale d’Ono, qu’il appréciait néanmoins pour son audace et son originalité.

Un titre controversé

Aü demeure l’un des morceaux les plus énigmatiques issus de la carrière post-Beatles de Lennon. Entre performance artistique et exutoire sonore, ce titre divise encore aujourd’hui les amateurs de musique. Pour les uns, il s’agit d’une expérimentation libre et audacieuse, pour les autres, d’un caprice musical dénué d’intérêt.

Si la rencontre entre Zappa et Lennon n’a pas donné lieu à une collaboration plus poussée, elle reste une illustration fascinante de ce que la scène rock des années 70 pouvait produire : des instants de liberté totale où les frontières entre les genres musicaux s’effacent pour laisser place à la pure expression.

Qu’on l’apprécie ou non, Aü témoigne d’une époque où tout semblait possible en musique, même l’alliance improbable entre un ex-Beatle et l’un des plus grands provocateurs du rock expérimental.


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