J’étais en train d’expliquer quelque chose — une histoire pourtant limpide dans ma tête, mais qui, manifestement, prenait son temps pour abouti à sa conclusion. Mon interlocuteur, jusque-là silencieux, hochait poliment la tête tout en regardant sa montre avec l’air de quelqu’un qui comptait les battements de son âme. Je croyais qu’il suivait. Mais peut-être espérait-il juste la fin, nuance.
Embourbée dans mes explications, je fus surpris d’être interrompue ! D’un geste sec, chirurgical, assorti d’un ton qui aurait pu congeler un thé brûlant. Il articula un :
« Passons à l’épitomé. »
Clignant les yeux et revenant froidement à la réalité, je m’interrogeais. L’épitomé ? Ce n’est pas tous les jours qu’on se fait sommer de produire un condensé presque littéraire (et bien différent d’une kyrielle) de sa propre pensée. J’ai senti mes phrases se ratatiner d’elles-mêmes, comme si elles tentaient d’entrer au chausse-pied dans un résumé de dix mots.
Un épitomé (tiré du grec ancien ἐπιτέμνειν / epitemnein, « abréger ») est le condensé d’une chose, généralement une œuvre. Il se distingue d’un résumé par le fait que ce dernier est produit à partir de citations d’un travail plus grand, alors que l’épitomé est une œuvre à part entière faisant intervenir, au moins en partie, un travail inédit.
Les écrits ayant traversé les âges sous forme d’épitomé se distinguent de ceux que l’on retrouve sous forme de fragments disséminés dans des œuvres postérieures ainsi que de ceux utilisés comme sources non officielles par les académiciens. Contrairement à ces derniers, un épitomé forme un document entier. Les épitomés apparaissent au IVe siècle av. J.-C. dans la Grèce antique et au Ier siècle av. J.-C. Plusieurs écrits de la Grèce et de la Rome antique ne sont disponibles de nos jours que sous forme d’épitomé. On sait d’ailleurs qu’une des causes des pertes de la littérature grecque et latine réside dans le fait que les abrégés supplantèrent en intérêt les œuvres originales qui furent ensuite délaissées.
Il attendait toujours, bras croisés, l’expression neutre. Je me suis donc exécutée (au sens figuré !). Une bouffée de lucidité (ou de panique) m’a permis de distiller mon récit en trois lignes claires. Et là, miracle : il hocha la tête, satisfait. Mon CDI était validé !
Je dois l’admettre : au fond, il avait raison. L’épitomé a parfois du bon !
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