Magazine Culture

Rocking Chair In Hawaii : L’ultime ballade hawaïenne de George Harrison

Publié le 08 décembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

L’album Brainwashed, ultime témoignage musical de George Harrison, recèle des trésors d’intimité et de sincérité. Parmi eux, Rocking Chair In Hawaii, onzième piste de l’album, incarne à merveille l’esprit contemplatif et épuré du regretté ex-Beatle. Derrière son apparente simplicité, cette chanson est le fruit d’une longue gestation, initiée dès les sessions de All Things Must Pass en 1970, mais finalement achevée plus de trente ans plus tard, dans un contexte bien différent.

Sommaire

Un titre venu de loin

Lorsque Harrison commence à travailler sur Rocking Chair In Hawaii, il n’est encore qu’un jeune musicien fraîchement libéré du carcan des Beatles. Lors des sessions de All Things Must Pass, il enregistre une ébauche de la chanson, mais celle-ci ne sera pas retenue pour l’album. Comme nombre de ses compositions laissées en suspens, elle reflète néanmoins ses influences musicales profondes : un goût prononcé pour le blues, un amour du ukulélé et un attachement aux sonorités chaleureuses qu’il chérit particulièrement.

Ce n’est qu’à la toute fin de sa vie que Harrison reprend ce titre, le peaufinant dans l’intimité de son studio, en collaboration avec son fils Dhani et son ami de toujours, Jeff Lynne. La chanson apparaît ainsi sur Brainwashed, album posthume sorti le 18 novembre 2002, un an après la disparition du musicien.

Une ambiance feutrée et mélancolique

Dès les premières notes, Rocking Chair In Hawaii installe une atmosphère à la fois douce et nostalgique. L’accompagnement minimaliste, dominé par le ukulélé et la guitare acoustique, donne à la chanson une teinte intimiste, presque méditative. La voix de Harrison, empreinte d’une sérénité teintée de mélancolie, épouse à merveille les paroles répétitives et hypnotiques :

« I’m going down to the river, gonna take me my rocking chair
Going down to the river, gonna take me my rocking chair
And if those blues don’t leave me
Gonna rock on away from here. »

Ce texte épuré, quasi-mantra, reflète un désir de paix et de détachement. On y perçoit l’influence du blues traditionnel, mais aussi celle des spiritualités orientales qui ont tant marqué la pensée de Harrison. Loin d’être une simple chanson de détente, Rocking Chair In Hawaii se rapproche d’un chant introspectif, un adieu musical murmuré par un artiste en quête de sérénité.

Un hommage au blues et à la musique hawaïenne

Le choix du ukulélé comme instrument principal n’est pas anodin. George Harrison nourrissait une passion incommensurable pour cet instrument, qu’il collectionnait et jouait dès qu’il en avait l’occasion. Son amour pour la culture hawaïenne et sa musique transparaît ici pleinement. Le ukulélé, avec ses sonorités légères et aériennes, apporte une douceur contrastant avec la tonalité mélancolique du chant.

Mais au-delà de l’inspiration hawaïenne, Rocking Chair In Hawaii s’inscrit aussi dans une tradition blues. Le phrasé lent, les répétitions lyriques et le rythme nonchalant évoquent les chansons de bluesmen du Delta, dont Harrison était un fervent admirateur. Il n’est pas rare qu’il reprenne ce type de cadence dans ses compositions, à l’image de Between The Devil And The Deep Blue Sea, autre morceau où le ukulélé occupe une place prépondérante.

Une production soignée et respectueuse

À la production, Jeff Lynne et Dhani Harrison ont pris soin de respecter la vision musicale de George. Leur approche reste sobre, mettant en avant la voix et les instruments acoustiques sans les noyer sous des arrangements superflus. Le résultat est une chanson intemporelle, presque hors du temps, où chaque note semble pesée avec précision.

Le batteur Jim Keltner, collaborateur de longue date de Harrison, apporte une touche subtile mais essentielle avec ses percussions délicates. Quant à Jeff Lynne, il assure la ligne de basse et les harmonies vocales, dans la continuité du travail effectué sur l’ensemble de Brainwashed.

Un testament musical plein de sagesse

Dans l’ensemble de l’album Brainwashed, Rocking Chair In Hawaii occupe une place singulière. Elle n’a pas l’ampleur spirituelle de Rising Sun, ni la gravité de Stuck Inside A Cloud, mais elle incarne une forme de sérénité et de lâcher-prise qui caractérisait George Harrison en fin de vie.

Loin de la virtuosité instrumentale ou des envolées lyriques, ce morceau se présente comme une confidence, un souffle musical où l’artiste semble se délester de ses tourments. Il traduit à la fois une acceptation du temps qui passe et une forme de contentement face à l’inévitable.

George Harrison, en quittant ce monde, nous a laissé avec Rocking Chair In Hawaii un dernier clin d’œil, à la fois humble et profond. Une invitation à s’asseoir sur son propre rocking-chair, face à l’océan de la vie, et à se laisser porter par la musique.


Retour à La Une de Logo Paperblog