L’histoire de « Whatever Gets You Thru the Night » est d’abord celle d’une rencontre providentielle entre John Lennon et Elton John au cœur de l’été 1974, à New York. Lennon, plongé dans ce que la presse appellera plus tard son « Lost Weekend » – une période d’environ dix-huit mois d’éloignement d’avec Yoko Ono – travaille alors à son nouvel album, Walls and Bridges, aux Record Plant Studios de Manhattan. Dans ses carnets, dans ses esquisses, le morceau existe déjà sous forme d’ébauche. La mélodie, nerveuse et dansante, lui vient en partie de sa fascination pour la pulsation de « Rock Your Baby » de George McCrae, l’un des tubes planétaires du printemps 1974. Lennon reconnaîtra volontiers, plus tard, qu’il aurait « donné une dent » pour signer cette chanson tant elle capturait l’air du temps.
À ces idées qui tournent en boucle, Lennon ajoute une phrase entendue tard le soir à la télévision, en zappant entre émissions comme il aimait le faire. Le télévangéliste Reverend Ike martèle à l’antenne une maxime taillée pour survivre aux nuits blanches : « Whatever gets you through the night. » Lennon note l’expression. La chanson a désormais un titre et, surtout, une ligne directrice : un credo hédoniste et pragmatique, typique de la plume de l’ex-Beatle quand elle regarde le monde avec un mélange d’ironie, de lucidité et d’étincelles d’espoir.
C’est dans ce contexte qu’Elton John – qui vient d’achever l’enregistrement de Captain Fantastic and the Brown Dirt Cowboy, et séjourne à New York – pousse un soir la porte du studio. La scène est célèbre : Elton s’assied au piano, propose de « mettre un peu d’ivoire » sur la maquette, et en quelques prises, son jeu bondissant, ses chœurs serrés, son orgue aux accents gospel s’imbriquent au groove naissant de Lennon. Les deux John rient, s’épaulent, empilent les idées. Une alchimie est née, et elle s’entend.
Sommaire
- Du brouillon à la version définitive : un studio en ébullition
- Le choix du single et le rôle décisif de la promotion
- Un pari entre amis qui scelle une date historique
- Madison Square Garden, 28 novembre 1974 : trois chansons, une légende
- Orchidées épinglées et retrouvailles : l’épilogue intime
- Anatomie d’un tube : ce que raconte la musique
- Un instantané du « Lost Weekend »
- Des classements aux livres d’histoire
- Le service après-vente artistique : reprises, rééditions, remixes
- Au-delà du pari : ce que cette collaboration change
- Les voix, les mains, les noms : qui fait quoi sur la version studio
- Pourquoi ce titre reste central dans la discographie de Lennon
- La photo finale : un duo devenu symbole
- Héritages croisés : comment le titre a irrigué la suite
- Une philosophie pop : « it’s alright »
- La place de « Whatever Gets You Thru the Night » dans la saga Beatles
Du brouillon à la version définitive : un studio en ébullition
Dès les premières sessions intensives de juin et juillet 1974, « Whatever Gets You Thru the Night » gagne en densité. Le morceau prend sa forme grâce au cœur de musiciens que Lennon a rassemblé à New York, une bande bigarrée, précise et instinctive, que l’album crédite sous la bannière du Plastic Ono Nuclear Band. On y retrouve Jim Keltner à la batterie, maître du shuffle à l’américaine, Klaus Voormann à la basse, ami fidèle et architecte d’un groove viscéral, Jesse Ed Davis à la guitare électrique – toucher slide et phrasés de blues – et Eddie Mottau à l’acoustique, dont le jeu en arpèges ajoute de l’air entre les cuivres et les claviers.
Les claviers, justement : en plus du piano et de l’orgue d’Elton John, Ken Ascher pose un clavinet percussif qui « croque » la mesure et ancre la chanson dans une couleur R&B/funk alors omniprésente sur les ondes. Les cuivres tiennent un rôle central : Bobby Keys au sax ténor, Ron Aprea à l’alto, rejoints, sur d’autres titres et au fil des séances, par la petite phalange surnommée Little Big Horns. Les percussions d’Arthur Jenkins complètent ce moteur rythmique.
Au Record Plant, Lennon dirige sans froideur académique. Il déteste figer trop tôt. Il préfère l’énergie brute, les arrangements qui se cherchent puis se trouvent sous le feu des projecteurs. Les idées fusent en cabine ; les musiciens essaient, défont, refont ; John tranche à l’instinct. L’approche donne des prises pleines de vie. « Whatever Gets You Thru the Night » sort ainsi de l’atelier avec une urgence joyeuse : syncopes de batterie, nappes d’orgue à contretemps, lignes de sax au tranchant pop, guitare qui accroche, et ce duo vocal Lennon/Elton qui électrise le refrain.
Le choix du single et le rôle décisif de la promotion
Lennon n’est pas immédiatement convaincu que « Whatever Gets You Thru the Night » doit être le premier single. Lui aurait peut-être préféré montrer d’abord un autre pan de l’album. Mais du côté de la maison de disques, on pousse fort. Le vice-président de Capitol, Al Coury, connu pour ses coups de flair et son art de propulser un titre en radio, veut miser dessus. Il vient de contribuer à faire de Band on the Run de Paul McCartney une machine à tubes ; il reconnaît dans le morceau de Lennon un potentiel similaire : tempo bondissant, hook imparable, souffle radiophonique.
Le single paraît fin septembre 1974 aux États-Unis, début octobre au Royaume-Uni, quelques jours autour de la sortie de Walls and Bridges. En parallèle, Lennon tourne un petit film promotionnel où on le voit déambuler, l’air goguenard, dans les rues de Manhattan, mimant le premier couplet. Tout concourt à imprimer la chanson dans l’esprit du public : un son contemporain, une image malicieusement urbaine, et surtout, la présence – déjà mythique – d’Elton John en invité de luxe.
Un pari entre amis qui scelle une date historique
Au sortir d’une séance joyeuse, Elton glisse à Lennon un pari. S’il a raison de croire au potentiel du morceau et que « Whatever Gets You Thru the Night » atteint la première place du Billboard Hot 100, John lui promettra de monter sur scène à ses côtés lors d’un prochain concert à New York. Proposition un brin bravache, mais faite entre amis. Lennon, qui n’a plus affronté une salle pleine depuis longtemps et n’a jamais décroché un numéro 1 solo aux États-Unis, accepte… convaincu, au fond, qu’il ne perdra pas.
La suite est connue : la chanson grimpe au sommet du Billboard mi-novembre 1974. John Lennon devient, ce jour-là, le dernier des quatre Beatles à signer un n°1 en solo de son vivant, ce que ni « Imagine » ni « Mind Games » n’avaient accompli. Elton John téléphone, tout sourire, pour réclamer son dû. On fixe la date : Thanksgiving, 28 novembre 1974, Madison Square Garden, New York. L’événement est immédiatement chargé de symboles – l’enfant de Liverpool au panthéon des scènes américaines, l’idole pop britannique du moment qui invite son aîné, la ville qui les a réunis qui vient les voir triompher.
Madison Square Garden, 28 novembre 1974 : trois chansons, une légende
Le soir dit, John Lennon se présente en costume noir, Fender Telecaster en bandoulière. L’électricité dans la salle est palpable. Lorsqu’Elton l’annonce, le Garden explose. Les deux John attaquent naturellement par « Whatever Gets You Thru the Night », devenu l’hymne de leur pari. Viennent ensuite une version effervescente de « Lucy in the Sky with Diamonds », que Elton John a reprise en single et dont Lennon a enregistré les chœurs sous le pseudonyme malicieux de Dr. Winston O’Boogie, et enfin « I Saw Her Standing There », clin d’œil beatlesque où Lennon rend hommage à Paul McCartney en précisant, non sans malice, qu’il « chante une chanson de Paul ».
Ce set surprise sera, rétrospectivement, la dernière grande apparition scénique de Lennon de son vivant. Il avait certes monté des concerts politiques avec Yoko en 1972 au même Madison Square Garden, mais la visibilité, la captation et l’impact de ce Thanksgiving 1974 dépassent tout. La performance est enregistrée. Elle ne paraîtra pas tout de suite en intégralité, mais refera surface de manière éclatante dans les années 1990, intégrée à la réédition augmentée de l’album live d’Elton Here and There. Le témoignage sonore confirmera ce que le public avait ressenti : une espèce de joie pure, presque enfantine, et un Lennon revigoré par l’adrénaline du live, soutenu par une Elton John Band au sommet.
Orchidées épinglées et retrouvailles : l’épilogue intime
Les mythes aiment les détails tangibles. Ce soir-là, Yoko Ono, malgré l’éloignement, envoie à John et à Elton des orchidées – parfois décrites comme des gardenias selon les récits – qu’ils épinglent sur leurs vestes. Courtoisie délicate, signe discret d’un fil jamais rompu. Dans les coulisses, après le concert, John et Yoko se retrouvent, hésitent, se parlent, se sourient. Quelques semaines plus tard, février 1975, ils se remettent ensemble. En octobre 1975, la naissance de Sean scelle ce nouveau chapitre. La confiance et l’amitié nouées avec Elton à cette période sont telles que le couple lui demandera d’être le parrain de l’enfant. Une parenthèse scénique aura ainsi entraîné un reboisement intime.
Anatomie d’un tube : ce que raconte la musique
Au-delà des anecdotes, « Whatever Gets You Thru the Night » s’impose comme une étude de cas de la pop qui regarde du côté du funk. La rythmique est construite pour le rebond : charley nerveux, caisse claire épaisse, basse souple qui pousse sans écraser, clavinet mitraillant les interstices. Les cuivres ne se contentent pas d’orner : ils poussent le refrain comme un chœur d’acier, tracent, par riffs, de véritables contre-mélodies. Le piano d’Elton, lui, joue sur deux tableaux, tantôt rythmique, tantôt mélodique, dessein fluide qui « colle » la voix de Lennon et lui donne des tremplins.
Le chant enfin, tient du dualisme heureux. Lennon, légèrement en retrait dans le couplet, garde sa diction ironique, presque narquoise ; quand le refrain arrive, la double voix Lennon/Elton prend toute la largeur du spectre, serrée, triomphante, mettant en exergue le slogan du morceau, « Whatever gets you thru the night », puis sa chute plus tendre, « it’s alright, it’s alright ». On y entend à la fois la philosophie du survivant – faire ce qu’il faut pour traverser le noir – et la tendresse d’un homme qui offre une permission, un baume, à soi-même comme aux autres.
Un instantané du « Lost Weekend »
Les textes de Walls and Bridges oscillent entre bravade, fragilité, humour noir et coups d’éclat romantiques. « Whatever Gets You Thru the Night » arrive en piste 2, juste après « Going Down on Love », et contraste avec des pièces plus introspectives comme « Bless You » ou « Scared ». Il y a dans l’album une dramaturgie : les mur(s) à franchir, les ponts à bâtir – selon la métaphore du titre. Cette chanson précise se tient au milieu, radieuse, presque déraisonnable, comme une fête improvisée au creux d’une période tourbillonnante.
Ce caractère festif n’empêche pas le contrôle sonore. Lennon, producteur du disque, sait ce qu’il veut : une clarté qui, sans farder, magnifie la dynamique du groupe. La prise de son du Record Plant East – un studio où l’on privilégiait alors l’immédiateté – capte le grain de chaque instrument. On a parfois décrit la chanson comme du « yacht rock » par son aspect laqué ; c’est une étiquette réductrice. Le morceau pulpe, il respire, il claque, et s’il brille, c’est parce que ses arrangements sont élastiques plutôt que figés.
Des classements aux livres d’histoire
D’un point de vue commercial, la trajectoire est limpide. Le single triomphe, atteignant la première place du Billboard Hot 100 à la mi-novembre 1974. Il culmine également au sommet de Cash Box et Record World. Au Royaume-Uni, la chanson se classe plus modestement, mais l’album Walls and Bridges réalise une excellente performance internationale. Aux États-Unis, l’album et le single sont n°1 la même semaine, signe d’un impact culturel d’ensemble. Pour John Lennon, c’est une revanche artistique après quelques sorties solo moins flamboyantes en radio, et la preuve qu’il est capable, loin des Beatles, de parler au présent avec les armes de son époque.
Le service après-vente artistique : reprises, rééditions, remixes
L’histoire de « Whatever Gets You Thru the Night » se prolonge à travers le temps. Au-delà du témoignage live figé sur la réédition de Here and There, la chanson bénéficie, en 2020, d’un Ultimate Mix réalisé dans le cadre de la compilation GIMME SOME TRUTH. The Ultimate Mixes. Le principe n’est pas de réécrire l’histoire, mais de nettoyer, remettre en perspective, décrisper les plans pour mettre en avant la voix de Lennon et la mécanique du groupe. Ce travail de remastering/remixage, supervisé par la famille et par des ingénieurs spécialisés dans l’archive, a fourni à toute une nouvelle génération de fans une porte d’entrée sonore limpide vers ce pan du répertoire.
Quant à « Lucy in the Sky with Diamonds » par Elton John, avec Lennon crédité en Dr. Winston O’Boogie, elle atteindra à son tour la première place du Hot 100 début janvier 1975, prolongeant la période dorée du tandem et cimentant, dans l’imaginaire collectif, la complicité des deux hommes. « I Saw Her Standing There », captée au Garden, deviendra la face B de « Philadelphia Freedom » en 1975, comme pour signifier que l’hommage aux Beatles continue d’irriguer la carrière d’Elton.
Au-delà du pari : ce que cette collaboration change
Pourquoi cette collaboration, brève mais intense, a-t-elle pris une telle dimension ? D’abord parce qu’elle réunit deux générations de la pop britannique au moment exact où elles se regardent en face. Lennon, pionnier, a inventé des outils que la scène du début des années 1970 a perfectionnés. Elton, héritier flamboyant, montre que l’écriture mélodique beatlesque peut trouver dans la motorique funk et le glam de nouveaux habits. En se mêlant, leurs talents démontrent que la pop est une conversation ininterrompue.
Ensuite parce que la chanson elle-même est un manifeste contre l’intransigeance morale. Son message – « fais ce que tu dois faire pour traverser la nuit » – n’érige pas la fuite en valeur, mais reconnaît la difficulté d’être, l’ambivalence des chemins de traverse, la nécessité parfois de composer avec la fragilité. C’est un Lennon pleinement adulte, conscient de ses errances, qui parle. L’énergie d’Elton, sa virtuosité joviale, colorent ce constat d’une joie sans naïveté.
Les voix, les mains, les noms : qui fait quoi sur la version studio
Pour mesurer la réussite de « Whatever Gets You Thru the Night », il faut aussi rendre justice aux interprètes. John Lennon y tient la voix principale et la guitare, Elton John superpose harmonies, piano et orgue. Ken Ascher cisèle le clavinet. Jesse Ed Davis dessine les traits à la guitare électrique quand Eddie Mottau enrichit la texture à l’acoustique. Klaus Voormann assure une ligne de basse souple, Jim Keltner assoit la batterie avec un swing massif. Arthur Jenkins ponctue aux percussions, Bobby Keys et Ron Aprea font éclore les saxophones. Le tout tient grâce au sens de l’équilibre de Lennon producteur, qui préfère des prises vivantes à un lissage aseptisé.
Pourquoi ce titre reste central dans la discographie de Lennon
Dans la discographie solo de Lennon, « Whatever Gets You Thru the Night » occupe une place singulière. D’abord parce qu’il s’agit de son unique n°1 américain de son vivant, ce qui lui confère un statut historique. Ensuite parce que le morceau incarne une certaine idée de l’époque : 1974 est un moment où la soul et le funk diffusent leurs rythmes dans la pop blanche, où les cuivres signent, où les claviers entrent en scène comme des instruments leaders. Lennon, loin de camper dans la nostalgie rock, embrasse ces codes et les réinterprète à sa manière.
Enfin, il demeure l’un de ces titres où l’humour de Lennon, son penchant pour les maximes paradoxales, rencontre une écriture qui va droit au but. Le refrain est mnémotechnique, la construction efficace, les ponts courts, le break de cuivres salutaire. « Whatever… » est ce genre de chanson qui ressemble à une évidence mais dont la fabrication réclame, en coulisse, finesse, oreille, et une belle capacité à laisser vivre les musiciens.
La photo finale : un duo devenu symbole
L’image gravée dans la mémoire des fans, c’est celle d’Elton John et John Lennon côte à côte, orchidée à la boutonnière, guitare et piano en dialogue, au Madison Square Garden. Elle raconte tout : la reconnaissance d’un cadet envers son aîné, le respect d’un aîné pour la maestria du cadet, la fête partagée avec un public qui sent, l’espace d’une soirée, que la pop est plus que des succès alignés : une communion.
Au-delà de la scène, cette image symbolise la sortie de la nuit pour Lennon. Dans les mois qui suivent, il répare, réconcilie, rebâtit. L’été 1974 et son pari un peu fou auront servi de charnière. C’est peut-être cela, au fond, le sens caché de « Whatever Gets You Thru the Night » : une chanson qui parle de traversée, écrite par un homme en traversée, portée par un ami qui lui tend la main et par des musiciens qui lui offrent l’élan nécessaire.
Héritages croisés : comment le titre a irrigué la suite
Le retentissement de la chanson se mesure aussi par tout ce qu’elle a déclenché. L’ascension au n°1 a poussé Lennon à affronter la scène une dernière fois de manière spectaculaire. Le single d’Elton avec « Lucy in the Sky with Diamonds », renforcé par la présence de Lennon, a lui aussi culminé. La réédition de Here and There dans les années 1990 a donné aux vivant·e·s d’aujourd’hui l’occasion d’entendre clairement ce que fut cette nuit de Thanksgiving. Et, plus récemment, l’Ultimate Mix de 2020 a rappelé la modernité intrinsèque du morceau lorsque l’on éclaircit son architecture.
Chez les musiciens, la chanson reste référence. Les sections de cuivres y entendent un modèle de cohésion. Les batteurs s’inspirent de la pulsation de Keltner, mélange de rigueur et de souplesse. Les producteurs citent son équilibre entre densité et clarté. Et les chanteurs se souviennent que la collusion entre deux timbres singuliers, quand elle est juste, peut devenir l’âme d’un titre.
Une philosophie pop : « it’s alright »
Il reste enfin la philosophie de la chanson, ce mantra : « Whatever gets you thru the night… it’s alright. » À l’heure où l’on demande souvent aux chansons des grands récits, elle offre une maxime simple, presque pragmatique. Lennon, qui a tant scruté le monde et son propre reflet, choisit ici une ligne claire : nul n’a la recette universelle du courage, mais chacun peut trouver la sienne pour passer la nuit. Il y a là quelque chose de très humain, qui explique peut-être la durée du morceau dans les mémoires.
Et c’est parce qu’Elton John lui a donné, ce soir-là, le relief de la scène, la joie du partage, que ce principe a trouvé l’illustration parfaite. Deux artistes, deux trajectoires, un pari, un tube, et au bout, un renouveau personnel. Certaines chansons appartiennent au répertoire ; celle-ci appartient aussi à une histoire d’amitié, d’admiration réciproque et de nuit traversée.
La place de « Whatever Gets You Thru the Night » dans la saga Beatles
Sur Yellow-Sub.net, nous savons combien chaque jalon de l’après-Beatles éclaire les quatre parcours. « Whatever Gets You Thru the Night » occupe, dans la saga Lennon, une place de pierre angulaire. Elle scelle un moment de grâce où la pop britannique des années 1960 embrasse l’amérique funk de 1974, où le studio devient un terrain de jeu collectif, où la scène redevient, le temps d’une soirée, une arène d’exultation. Elle rappelle que Lennon n’était pas seulement le poète d’« Imagine », mais aussi un artisan du groove, un amoureux du R&B, un capteur de slogans contemporains, et, surtout, un ami fidèle capable d’honorer un pari jusqu’au bout.
Dans la mémoire des fans, le sourire d’Elton, l’œil rieur de John, l’orchidée blanche, la Telecaster noire et les cuivres qui s’élèvent, composent un tableau qu’on ne se lasse pas de revoir. « Whatever Gets You Thru the Night » n’est pas seulement une chanson ; c’est un moment où la musique, la vie privée, l’histoire de la pop et l’amitié se rejoignent. Et c’est peut-être pour cela que, cinquante ans plus tard, elle résonne encore avec autant de justesse.
