Lorsque Living In The Material World sort en 1973, George Harrison est à un tournant de sa carrière solo. Après le succès colossal de All Things Must Pass et l’organisation du Concert for Bangladesh, l’ancien Beatle continue d’approfondir sa quête spirituelle et de l’intégrer à son art. Parmi les morceaux de cet album introspectif, « The Lord Loves The One (That Loves The Lord) » se détache par son message puissant et son engagement profond envers la philosophie hindoue.
Une inspiration puisée dans la sagesse de Swami Prabhupada
George Harrison n’a jamais caché son admiration pour A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada, fondateur du mouvement Hare Krishna. Leur rencontre a marqué l’artiste au point d’influencer de nombreuses de ses compositions. The Lord Loves The One (That Loves The Lord) est le résultat direct d’une discussion entre les deux hommes, où le Swami expliquait à Harrison l’illusion du monde matériel et l’inanimité des ambitions humaines.
Dans son autobiographie I Me Mine, Harrison revient sur cet échange marquant : « Les choses que la plupart des gens recherchent – la richesse, la célébrité, la position sociale – n’ont en réalité aucune importance, car la mort emportera tout cela. » Cette réflexion est au cœur de la chanson, qui dénonce l’aveuglement des puissants et rappelle l’importance de la foi.
Un message universel et une critique des puissants
Harrison ne se contente pas d’une simple exaltation de la spiritualité, il y injecte également une critique sociale acérée. La chanson dénonce ceux qui se croient maîtres du monde – dirigeants, politiciens, militaires – et qui agissent comme s’ils étaient au-dessus des lois divines. Il chante ainsi : « Les présidents, les politiciens, les militaires se comportent comme s’ils étaient les seigneurs de leurs propres domaines », soulignant leur arrogance et leur ignorance.
Mais loin d’être un sermon condescendant, la chanson inclut également une part d’introspection. Harrison reconnaît qu’il n’est pas exempt de ces failles et qu’il écrit souvent pour se rappeler à lui-même ces vérités fondamentales.
Une instrumentation raffinée et une performance marquante
Musicalement, The Lord Loves The One (That Loves The Lord) repose sur une structure rythmique solide, portée par la batterie de Jim Keltner et la basse de Klaus Voormann. Le piano électrique de Nicky Hopkins ajoute une touche mélodique distinctive, tandis que la guitare de Harrison alterne entre douceur et intensité.
Le saxophone de Jim Horn vient enrichir l’ensemble, conférant à la chanson une couleur soul proche du rhythm and blues. Loin d’être un simple prêche mis en musique, le morceau possède une énergie presque rock, qui traduit l’urgence du message porté par Harrison.
Une interprétation scénique unique lors de la tournée de 1974
Bien que présent sur l’album, The Lord Loves The One (That Loves The Lord) n’a été joué que lors de la première date de la tournée nord-américaine de Harrison en 1974. Cette tournée fut d’ailleurs marquée par des critiques mitigées, notamment en raison de la voix fatiguée du musicien et de l’accueil réservé aux nouveaux arrangements de ses classiques.
Malgré cela, Harrison profite de cette série de concerts pour allier musique et générosité. Lors de son passage au Cow Palace de San Francisco, il organise une collecte de fonds au profit de la Haight-Ashbury Free Medical Clinic. Une pancarte invite le public à déposer « tout leur argent sale et dégoutant » dans une boîte de dons, illustrant avec ironie son message de détachement du matérialisme.
Un titre emblématique d’une période charnière
Avec The Lord Loves The One (That Loves The Lord), George Harrison signe un morceau à la fois spirituel et contestataire. Fidèle à ses convictions, il utilise sa musique pour transmettre une vérité universelle tout en questionnant les valeurs dominantes de la société.
Si Living In The Material World ne connaît pas le même retentissement que All Things Must Pass, il demeure un témoignage sincère du parcours d’un homme qui, après avoir touché les sommets du succès, cherche avant tout la paix intérieure et la vérité spirituelle.
